La nature recomposée

L’histoire de l’humanité peut être ramenée à une histoire des activités organisées sur le territoire, que celui-ci soit considéré comme une entité écologique complexe, comprenant des êtres animés et des choses inanimées, ou comme une surface vierge sur laquelle imprimer des systèmes et des formes efficaces. Si un lieu regorge de richesses cachées, il suffit alors de les extraire sous forme de paysages particuliers et de matériaux utilisables. Une telle ordonnance du monde en lieux naturels et leur contrepartie constitue un acte fondateur, et représente peut-être la plus radicale des activités architecturales.

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La nouvelle tropicalité

Vidéo et texte de Mika Savela

La nouvelle tropicalité
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L’exotisme insipide.

Les complexes de tourisme modernistes, l’étang de jardin de Bo Bardi, l’anatomie et la texture des fruits et des fleurs, un magazine du nom de The Plant, les serres tropicales, les vérandas, les jardins botaniques, les plantes d’intérieur et les systèmes de ventilation des serres, la climatisation, l’association entre la dureté du brutalisme et la sensualité du cuivre et du terrazzo, ou entre le marbre et les feuilles de la Monstera deliciosa, les nuances de viride que l’on ne comprend qu’en RGB ou sur Instagram, les imprimés jungle sur les sweatshirts, les pseudo-forêts vierges générées par ordinateur dans Avatar, la techno-rave anglaise aux alentours de 1995 et le seapunk.

Nous vivons avec le changement climatique, avec des valeurs-record de température et de niveau des océans, avec les migrations de masse et l’urbanisation frénétique. Nous savons que les tropiques sont aujourd’hui le lieu de nouveaux défis et de nouvelles modernités. Pourtant, dans le même temps, l’idée visuelle du tropical est à la fois en voie de disparition et en voie d’expansion. L’imagerie des tropiques est traditionnellement associée à la stimulation sensorielle et à la vitalité – une sorte de Club Med pour tous où l’on se relaxe en sirotant un verre de jus d’ananas. Ces représentations de lointaines forêts luxuriantes, peuplées d’espèces extravagantes de plantes et d’animaux, semblent encore très vivaces et sont devenues une version commercialisable de la biodiversité.

Mais un autre phénomène est à l’œuvre aujourd’hui. La tropicalité émerge comme une nouvelle esthétique plus terne, sans saveur, plus proche du quotidien. Des exemples de cette nouvelle tropicalité apparaissent dans des contextes où l’on ne trouve pas habituellement le tropical – par exemple, dans une référence à un étrange diorama dans un musée d’histoire naturel en province, ou lorsque des dizaines de blogs redécouvrent en même temps la serre tropicale du Barbican (voir ici, ici, ici ou encore ici). Naturellement, les lectures récentes de documents d’archives faisant référence aux thèmes du tropical et de la botanique rejoignent ces nouvelles économies visuelles.

Au cours des dernières années, les agences d’architectes ont eux aussi commencé à intégrer des plantes à leurs projets. La pièce remplie de plantes, ou bien l’irruption abstraite d’une serre ou d’un mur végétal sont devenues des typologies communes. Les architectes espagnols SelgasCano s’intéressent depuis longtemps à l’idée de ramener la nature à l’intérieur. Les projets de l’agence grecque Point Supreme, qui proposait de remplir de palmiers les places d’Athènes, tiennent plus de Miami Vice que de la Méditerranée. Au Royaume-Uni, Assemble Studio a proposé de rénover les rangs de maisons ouvrières en brique rouge en y intégrant une végétation exotique, tandis qu’Asif Khan a intégré des images floues de paysages exotiques dans les quartiers populaires de Londres. (On pourrait encore citer bien d’autres exemples).

Mais comment expliquer cette émergence de la tropicalité? En un sens, ces exemples signalent une affinité toujours plus grande avec l’altérité, la non-conformité avec les traditions du monde professionnel et la tâche qui est assignée à l’architecte. (Du point de vue visuel, il y a quelque chose de plus sauvage dans des ananas que dans un bouquet de roses.) L’immersion dans la flore et la faune tropicale suggère un rapport positif à la distance, un désir d’autre ostensiblement détaché de l’idée de colonisation. On observe un intérêt pour l’exotique dépourvu d’exoticisation, une affinité avec le lointain dépourvue de la tendance à l’appropriation culturelle. Mais bien que techniquement le tropical ne fasse référence qu’à un ensemble de latitudes situées de l’autre côté de l’Équateur, celui-ci ne peut pas échapper, même dans sa nouvelle incarnation purement visuelle et déconnectée, aux connotations culturelles. Il semble que la tropicalité soit récemment devenue intéressante justement du fait de l’imprécision de sa forme, qui fonctionne comme une référence sophistiquée et ambigüe.

Aujourd’hui, de Basel à Hong Kong en passant par Miami Beach, entre le Vieux continent et le Nouveau monde, on assiste à des déplacements constants vers de nouveaux centres et de nouvelles latitudes. Peut-être le tropical devrait-il, par sa nouvelle présence visuelle, englober de nouveaux contextes culturels. À part un certain type d’esthétique, qu’est-ce que la tropicalité incarne aujourd’hui? Sera-t-elle toujours aussi colorée, parfumée et ouverte à l’exploration? Autrefois paradis, deviendra-t-elle le symbole de catastrophes et de dures réalités urbaines? Ou bien faudrait-il laisser le tropical en paix, pour qu’il puisse rester un élément que l’on emprunte gratuitement, un clip art naturel, une escapade estivale pour échapper aux discours?

Mika Savela a produit cette vidéo et ce texte en 2017 dans le cadre de son projet de recherche « Offness ». Ce travail est un résultat du programme de recherche multidisciplinaire « L’architecture et/pour la photographie » développé par le CCA, avec le soutien financier généreux de la Andrew W. Mellon Foundation.

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