Mondes matériels

Nous choisissons généralement les matériaux en fonction de propriétés – texture, intégrité, assemblage – qui, une fois classifiées et cataloguées, sont perçues comme immuables et fiables. Cependant, les attitudes, compréhensions et modes qui influencent la façon dont nous calculons la valeur d’un matériau sont versatiles; la manière dont nous évaluons et interagissons avec les matériaux est donc aussi une évaluation de nos propres valeurs culturelles fluctuantes. Les matériaux ne sont pas anonymes; ils ne sont pas (seulement) des abstractions et ils ne se définissent pas simplement par ce qu’on en construit. Les histoires rapportées ici sont celles des résultats imprévues, des optimismes malavisés, des hypocrisies ordinaires et des possibilités inexploitées. En creusant les conséquences immatérielles et indirectes de l’utilisation d’un matériau, nous mesurons sa capacité à calibrer nos rapports avec le monde, qu’ils soient distants ou intimes.

Article 7 de 9

La seconde croûte

Texte de Mirko Zardini

Saint Jérôme, qui dans la tradition catholique est le patron des bibliothécaires, des archivistes et des étudiants, entre autres, écrivait dans une de ses lettres : « Non sunt contemnenda quasi parva, sine quibus magna constare non possunt » (Il ne faut pas dédaigner comme petit ce sans quoi les grandes choses sont impossibles1). Ces mots ont été repris dans de nombreux textes pédagogiques, études de philologie et d’histoire. Ils sont cités, par exemple, au début de Medieval Technology and Social Change, de Lynn White Jr., publié au début des années 19602. Dans un ouvrage qui nous entraîne avec sagacité dans la société médiévale et aux origines du féodalisme et de la chevalerie, les points de départ de l’enquête de White sont la selle et l’étrier, la charrue et le cheval, ainsi que la roue à aubes horizontale : les choses les plus simples. On pourrait dire de l’asphalte qu’il appartient à la catégorie des « quasi parva », les choses négligeables, de saint Jérôme. C’est un mélange de matériaux humbles, bitume, sable et pierres, qui n’a en plus que quelques centimètres de profondeur. Mais si nous examinons de plus près ce phénomène « mineur », nous découvrons instantanément toute la richesse de ces quelques centimètres en matière d’informations, de récits et, au bout du compte, de signification.

En réalité, l’utilisation du mot asphalte pour décrire le matériau qui recouvre aujourd’hui la plupart de la surface terrestre, opère une simplification exagérée. Nous devrions mieux distinguer entre eux les différents types d’asphalte sur lesquels circulent automobiles, vélos, piétons. D’un pays à l’autre, et parfois même d’une ville à l’autre ou d’une rue à l’autre, les asphaltes (ou macadams bitumineux, comme on les appelle) diffèrent grandement dans leur composition. Ils varient également en coloration selon le type de pierre utilisé, mais aussi à l’occasion suivant une décoloration volontaire du bitume l’obtention d’un effet esthétique. Les asphaltes se différencient par la taille des particules de pierre concassée qui entrent dans leur fabrication, par exemple pour permettre à l’eau de s’évacuer pour éviter la formation de nappes sur les routes. Ils se transforment également selon les contraintes auxquelles ils sont soumis, qu’il s’agisse de la circulation de chariots, de bicyclettes, d’automobiles, de camions, d’aéronefs ou simplement de piétons. Et ils diffèrent en ce qui a trait aux méthodes de production et d’application, ainsi qu’aux types de bitumes qui entrent dans leur composition. Les asphaltes qui ont recouvert d’abord les trottoirs, puis les rues des villes européennes et américaines à partir des années 1820, à commencer par Paris et Londres, étaient préparés à partir de gisements naturels. En fait, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, que le bitume a été produit pour la première fois par le raffinage industriel de pétrole brut. Cependant, encore aujourd’hui, certains des bitumes entrant dans la composition de l’asphalte sont d’origine naturelle, faits à partir de pierres extraites des Alpes, ou de l’Albanie, ou des sables bitumineux du lac Pitch, à Trinité.

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Chacun d’entre nous a conduit ou marché sur de l’asphalte pour parvenir ici aujourd’hui. Pourtant, bien que ce matériau soit quasi omniprésent dans notre quotidien et dans l’imaginaire collectif (faisant écho à son ubiquité dans les films, romans, poèmes, musique et publicité), nous ne le remarquons généralement pas. Entraînés dans le tourbillon de la vie urbaine ou baignant dans le silence engourdi des banlieues, nous suivons notre route, à peine conscients de l’élément solide sous les roues de nos voitures ou sous nos pieds : l’asphalte, commun et insignifiant, synonyme subliminal de l’urbain dans le monde occidental. S’il a complètement transformé la surface de la terre dans les centres urbains, les petites villes et même les nouveaux paysages intermédiaires, nous n’y prêtons pourtant guère attention. Personne ne le regarde de près, mais nous avons plutôt tendance à le regarder de haut. L’asphalte, seconde croûte terrestre, est perçu comme en opposition au sol et à l’herbe, et est considéré comme l’ennemi de la pelouse : il n’appartient pas à la terre comme le bois ou le roc, il n’est pas précieux comme le marbre. C’est quelque chose que nous voyons comme bon marché et opportun, un mal nécessaire. C’est néanmoins le vaste réseau interconnecté de rues, routes et autoroutes asphaltées qui permet la circulation des biens et personnes essentielle à la vie urbaine, et qui en même temps nous ouvre la voie vers de nouveaux horizons, traînant nos rêves au passage.

L’asphalte est le matériau du domaine bâti : il ne représente pas la « surface », il la constitue. Il matérialise le réseau d’infrastructures connectées dans un système intégré, dont les différents fragments, pièces et éléments constituent le paysage éclaté de la vie contemporaine. Absorbés par la présence de réalités plus vivantes, nous ignorons l’asphalte. Cependant, c’est bien lui qui définit et caractérise la surface, le vide, l’intervalle, la distance; les concepts réels qui organisent le territoire. Nous associons généralement l’asphalte au mouvement, à la circulation et à la vitesse. En réalité, ce que l’asphalte représente le mieux est l’absence ou la réduction de la friction. En ce sens, il est l’incarnation parfaite de l’idéal utopique d’une circulation ininterrompue et harmonieuse des êtres humains, de leurs travaux et de leurs produits.

La surface d’asphalte du domaine bâti d’aujourd’hui est un prolongement direct du terrain asphalté de la ville moderne, car c’est dans cette dernière que l’asphalte a fait son apparition, d’abord sur les trottoirs, puis en occupant la totalité de la surface de la rue. Il a fallu presque un siècle, de 1810 jusqu’au début des années 1900, pour que l’asphalte devienne le socle de la ville moderne, à force d’expérimentation, d’améliorations techniques et matérielles, et d’analyses comparatives avec d’autres matériaux tels que la pierre, la brique vitrifiée, le bois et le macadam. Chacun a été évalué en matière de coût, de durabilité, de facilité de nettoyage, de résistance à la circulation, de propriétés antidérapantes, de la simplicité d’entretien, des qualités propices au déplacement (le coefficient de frottement) et du potentiel hygiénique3. D’un point de vue technique, l’asphalte s’est avéré être le produit idéal pour la plupart des exigences urbaines.


  1. Eusebius Hieronymous (Saint Jérôme), Lettre CVII, « Ad Laetam de institutione filiae », dans Select Letters of St. Jerome, trad. F.A. Wright, Londres, Heinemann, 1933, p. 348–349. [Notre traduction.] Communément appelée « Lettre 107 » (403 avant notre ère), « À Læta », et traitant de l’éducation chrétienne des jeunes femmes. 

  2. Lynn White Jr., Medieval Technology and Social Change, Londres, London University Press, 1962. 

  3. George W. Tillson, Street Pavements and Paving Materials, New York, John Wiley & Sons, 1900, p. 167. 

Toutefois, son accueil par le public a été marqué par des forces moins prévisibles. Clay McShane a souligné, à propos des villes américaines du XIXe siècle, que « différentes parties prenantes percevaient les fonctions dévolues aux rues de différentes façons, et donc ils percevaient la chaussée de différentes façons. Les rues servaient d’espaces publics ouverts, de lieux pour des activités sociales, politiques et même commerciales.1 » Finalement, dans les rues et les voies ferrées, au milieu des conducteurs d’attelages lourds, des propriétaires terriens, des conducteurs de voitures légères et des cyclistes, la préférence de l’ingénieur municipal pour l’asphalte s’est affirmée. Le succès de l’asphalte à la fin du XIXe siècle s’est fondé sur des priorités établies par des ingénieurs, sur une perception générale de la rue comme espace de mouvement et de circulation, et sur une préoccupation généralisée pour les questions de santé publique.

À partir de ce moment, la progression de l’asphalte n’a plus rencontré d’obstacles, grâce en partie au coût toujours moindre du matériau, à ses qualités indéniables d’imperméabilité et de simplicité de nettoyage, et à la facilité avec laquelle on peut l’étendre et le remplacer. La boue, la poussière et le bruit des véhicules aux roues cerclées de fer sur les chaussées de pierre ont soudainement disparu de la rue. La surface lisse et imperméable de l’asphalte a permis la mécanisation du nettoyage des rues. Il n’a fallu que quelques décennies pour que les désolantes descriptions de la boue et de la poussière des rues de Paris (« juste un quart d’heure de pluie, c’est assez pour faire de la ville […] une mare de boue : une gadoue qui menace de vous faire choir à n’importe quel moment, qui ruine vos vêtements, qui vous enduit jusqu’à l’os2 ») soient remplacées par les éloges dont Émile Zola, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Edmond et Jules de Goncourt allaient couvrir ce matériau, considéré comme idéal pour les boulevards piétonniers3.

Ainsi, bien avant l’avènement de l’automobile (et il y a lieu de rappeler ici qu’en 1900, il en existait 11 000 dans le monde entier – dont 5 000 en France seulement4 – comparativement à 120 000 chevaux dans l’île de Manhattan), la ville moderne se caractérisait par une nouvelle surface uniforme, imperméable, lisse et grise : l’asphalte. Cette surface n’était plus entrecoupée de trous, mais continue, ce qui la rendait parfaite pour le marquage de routes5, favorisant l’apparition d’un nouveau système de signalisation dans la ville. Outre les enseignes commerciales toujours plus nombreuses, la signalisation routière allait constituer une forme sans précédent d’« écriture », vouée principalement à la régulation du mouvement et des flux de circulation. La mesure dans laquelle l’asphalte avait le pouvoir de transformer la nature de la ville, et donc celle-là même de la vie urbaine, avait été comprise dès 1938 par Cornelis van Eesteren, qui a signalé les caractéristiques et effets de l’asphalte par opposition aux pavés6. En réalité, l’asphalte avait eu les mêmes conséquences révolutionnaires pour l’environnement urbain que le fer, le béton armé et le verre pour l’architecture moderne.

Au fil du temps, le rôle d’« enveloppe » protectrice joué par l’asphalte s’est élargi de la surface des rues aux planchers, aux murs et, surtout, aux toits des bâtiments. Dans ce cas-ci, les propriétés d’imperméabilité du matériau ont été essentielles. C’est grâce à ce potentiel de créer une chape isolante que le toit plat moderne a fait son apparition. Avant même que Jacobus Johannes Pieter Oud n’arrive avec une proposition de toiture-terrasse7, les premiers essais de chape bitumineuse sur des toits plats étaient menés en France au début du XIXe siècle pour démontrer le durcissement et la stabilisation progressifs de la croûte terrestre elle-même. L’engouement pour l’asphalte était tel que de nombreuses publicités parues dans la revue du Touring Club Italiano au cours des années 1920 et 1930 présentaient des images de rues ou places célèbres en Italie couvertes d’asphalte, de la Via Strozzi à Florence à la Piazza del Campidoglio à Rome, confirmant la valeur positive généralement associée à la nouvelle surface urbaine moderne. Et quand, dans les années 1940, une nouvelle usine de production d’asphalte (conçue par les architectes Ely Jacques Kahn et Robert Allan Jacobs, et construite par les ingénieurs Syska & Hennessy) a été inaugurée à New York, Robert Moses la qualifia ironiquement de « cathédrale de l’asphalte8 ». Dans un certain sens, l’asphalte est devenu une véritable « religion » avec ses adeptes, dont l’auteur Pedro Juan Manuel Larrañaga, qui, dans son livre de 1926 sur les différents aspects techniques du fameux matériau, évoquait la naissance d’une nouvelle ère dans laquelle « une surface routière propre, à l’épreuve des intempéries, devient vecteur de civilisation […] et lieu de convergence de la démocratie », et dans laquelle « chaque membre d’une entreprise d’asphaltage se doit d’avoir une fois inébranlable dans le noble idéal de sa mission et la haute destinée de son travail9 ».


  1. Clay McShane, « La costruzione sociale delle strade in America », dans Asfalto: Il carattere della città, sous la direction de Mirko Zardini, Milan, Electa, 2003, p. 57-61.  

  2. Giovanni Rajberti, Il viaggio di un ignorante, ossia, Ricetta per gli ipocondriaci, sous la direction d’Enrico Ghidetti, Milan, Presso Giuseppe Bernardoni di Gio. Maggio, 1857; Naples, Guida, 1985, p. 68. [Traduction en anglais de Mirko Zardini.] 

  3. À ce propos, lire Jeffrey T. Schnapp, « Trionfo e invisibilità dell’asfalto », dans Asfalto: Il carattere della città, p. 139-144. 

  4. Charles Singer et coll., Storia della Tecnologia, vol. 7, tomo 1, Turin, Bollati Boringhieri, 1985, p. 13. 

  5. Selon l’ingénieur Italo Vandone, le marquage routier est apparu à Boston en 1919 à la suite d’une grève de la police de la circulation. Lire Italo Vandone, « La dipintura sulle pavimentazioni urbane delle direttrici pel traffico », dans Le strade, Touring Club Italiano, novembre 1922, p. 360-361. 

  6. Cornelis van Eesteren, Het idee van de functionele stad / The Idea of the Functional City: Ein lezing met lichtbeelden 1928 / A Lecture with Slides 1928, Rotterdam, NAI Uitgevers, La Haye, EFL Publications; New York, DAP, 1997. 

  7. Jacobus Johannes Pieter Oud, « The Flat Roof in the Netherlands », Das neue Frankfurt, no 7, octobre–décembre 1927, p. 189-192. Également publié sous le titre « La copertura piana in Olanda », trad. Sonia Gessner, dans Das Neue Frankfurt 1926–1931, sous la direction de Giorgio Grassi, Bari, Dedalo, 1975, p. 78–80. 

  8. Gabrielle Esperdy, « Una cattedrale d’asfalto nella moderna Manhattan », dans Asfalto, Il carattere della città, p. 147-151. 

  9. Pedro Juan Manuel Larrañaga, Successful Asphalt Paving: A Description of Up-to-date Methods, Recipes & Theories, with Examples and Practical Hints, for Road Authorities, Contractors, and Advanced Students, Londres, R. Clay, 1926.  

En somme, le triomphe de l’asphalte nous a donné une ville moins bruyante, plus propre, débarrassée de la poussière et de la boue, prête à accueillir une circulation intense, et ce, même avant l’arrivée de l’automobile. Walter Benjamin a bien noté qu’« avec l’accroissement continu de la circulation seule, finalement, la “macadamisation” des rues permettait de s’entretenir aux terrasses des cafés sans se crier aux oreilles.1 » En fait, l’asphalte a tellement bien réussi qu’il a rapidement pénétré le territoire bien au-delà de la ville classique et moderne. Et pourtant, victime de son propre succès, il a commencé à perdre sa connotation positive d’origine après la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’il a été rétrogradé à la perception répandue d’allié de l’automobile et d’ennemi de la « vraie » vie urbaine. Déjà dans les années 1960, Gordon Cullen proposait de revenir aux formes traditionnelles de pavage2. Depuis ce temps, et en partie par réaction contre l’automobile, le recouvrement de sol en cailloutis, en pierre et en brique a fait son apparition pour signaler que cette dernière n’était pas la bienvenue. L’asphalte est vu comme l’ennemi à abattre quand l’on veut redonner à la chaussée une diversité qui avait disparu avec l’expansion des surfaces asphaltées.

De toutes ses propriétés, seule la capacité de l’asphalte à réduire la friction, avec le potentiel de gain en vitesse qui en découle, est aujourd’hui encore estimée, même si c’est parfois avec une certaine ambivalence, puisque de plus en plus de chaussées urbaines sont ponctuées de ralentisseurs (dos d’âne, saillies de trottoir, écluses, îlots directionnels et chicanes). Des mouvements ciblés de « dépavage », qui militent en faveur du démantèlement des surfaces asphaltées ou bétonnées et de leur plateforme (en particulier en Californie), sont révélateurs d’une perception générale selon laquelle une trop grande surface des veilles d’aujourd’hui a été réservée à la circulation ou au stationnement de véhicules dans les villes d’aujourd’hui; les promoteurs du dépavage suggèrent de convertir ces surfaces en espaces autrement utiles, comme des sentiers piétonniers ou des promenades, des places, des parcs, des terrains de jeu, des jardins ornementaux ou communautaires, ou encore des fermes urbaines3. En même temps, urbanistes et concepteurs-paysagistes se servent de l’asphalte pour couvrir les surfaces de certains de ces équipements, mais souvent en utilisant des codes de couleur pour différencier les utilisations piétonne et automobile.

En conséquence de la crise pétrolière de 1973 et 1974, les villes européennes ont été confrontées pour la première fois à des restrictions de circulation automobile pendant certains jours de la semaine, généralement le dimanche. Notre vision de la mobilité et du mouvement est sans nul doute de plus en plus articulée, et pour bien des gens, la voiture ne joue pas un rôle central dans le quotidien. Pour l’asphalte, cela signifiera peut-être un retour aux origines ou une renaissance en tant que surface par excellence pour celles et ceux qui se déplacent à pied. Benjamin citait un passage éloquent de la « Physiologie de l’asphalte » d’Alexis Martin, cité dans Le Bohême en avril 1855 :

L’industriel passe sur l’asphalte en appréciant sa qualité; le vieillard le recherche avec soin, le suit aussi longtemps qu’il peut, y fait avec bonheur résonner sa canne, et se rappelle avec orgueil qu’il a vu poser les premiers trottoirs; le poète […] y marche indifférent et pensif en mâchonnant des vers; le boursier y passe en calculant les chances de la dernière hausse des farines; et l’étourdi y glisse4.

L’asphalte expose les traces de nos déplacements, piétons comme automobilistes, mais aussi les indices d’une vie quotidienne qui y sont consignés, aplatis par les pneus ou martelés par les chaussures, jusqu’à leur décomposition finale. Il entoure les immeubles de stationnements, les relie par des allées, couvre leurs toits, pénètre leurs intérieurs comme revêtement de sol : aucune chance d’échapper à l’asphalte. C’est l’élément indélébile de l’expérience urbaine. Mais malgré son pouvoir de subjuguer et de dissimuler de la surface de la terre, l’asphalte reste étrangement muet. Et malgré son rôle moteur dans l’expansion des villes et des systèmes de transport qui les relient, malgré son statut de symbole par excellence de l’urbanité dans l’imaginaire collectif, l’asphalte et sa présence triomphante sont réprimés sous l’effet d’une banalité persistante qui les rend invisibles.


  1. Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, traduction Jean Lacoste, Paris, Les éditions du cerf, 2002, p. 438.  

  2. Gordon Cullen, Townscape, Londres, The Architectural Press, 1961, p. 120-121. 

  3. Richard Register, « Depaving the World », Auto Free Times 10, hiver 1996. 

  4. Alexis Martin, cité dans Le Bohême, vol. 1, no 3, 15 avril 1855. 

Ce texte a été publié dans Log 15 (Winter 2009). Mirko Zardini a aussi exploré la signification de l’asphalte dans le livre Sensations Urbaines (2006) et l’exposition du même nom.

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