Un transport hors
du commun

PROBLÉMATIQUE

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Description

Les transports en commun sont essentiels au fonctionnement des villes contemporaines. Sans la densité d'emplois et de résidents que permettent les services d'autobus et de métro, les villes perdraient une grande partie de ce qui fait leur richesse: leur vie sociale, leurs vies culturelles et artistiques, leurs opportunités économiques, etc.

Les transports collectifs sont également au cœur de la lutte contre les changements climatiques. Chaque trajet effectué en transport en commun n'émet qu'une fraction des gaz à effet de serre qu'une voiture produirait sur un trajet comparable. La densité des développements rendue possible par le transport en commun permet aussi des modes de vie aux émissions carbone radicalement réduites. Les modes de déplacements collectifs devraient ainsi être promis à un bel avenir, alors que la lutte contre les changements climatiques s'intensifiera au cours des prochaines années.

Pourtant, jamais l'existence du transport en commun n'a autant été remise en question. La première vague de la pandémie a fait chuter drastiquement la popularité de ces modes de déplacement. Bien que la demande se soit partiellement rétablie, les autobus et les trains en Amérique du Nord ne sont plus remplis qu'à environ 80 % en comparaison à l'achalandage avant la COVID-19. Étant donné la nature précaire du financement du transport public, une baisse des recettes tarifaires a eu un impact significatif sur la capacité des organismes à fournir un service de bonne qualité.

Montréal ー la métropole-chef de file en matière de transport en commun en Amérique du Nordー a récemment proposé une combinaison de réductions de services et d'augmentations de tarifs qui pourrait déclencher une baisse de l'achalandage dans sa clientèle déjà fragilisée. D'éminents dirigeants canadiens du secteur des transports collectifs craignent un cercle vicieux de l'achalandage des transports en commun, où l'augmentation des tarifs fait baisser l'achalandage, créant une chaîne de cause à effet entraînant progressivement une diminution des services.

L’essor des modes de travail hybrides et du travail à domicile contribue à remettre en question le modèle traditionnel du 9 à 5, cinq jours par semaine, qui a conditionné en grande partie la manière dont nos systèmes de transport en commun ont été conçus, à Montréal et ailleurs. L'avenir de la popularité du transport en commun, ainsi que l'avenir des déplacements urbains et des modèles de voyage demeurent ainsi incertains.

Alors que la pandémie s'estompe lentement et que l’horizon reste trouble pour les transports en commun, Montréal s'est lancée dans ce qui est peut-être l'expansion d'infrastructure de transport en commun la plus ambitieuse en Amérique du Nord depuis des décennies : le Réseau express métropolitain, ou REM. Si le tracé et l'emplacement des stations sont, dans la plupart des cas, déjà déterminés, la conception des stations et leur intégration dans le tissu urbain font l'objet de nombreux débats.

Dans votre proposition, nous vous invitons donc à réfléchir à ceci: comment la conception d'un investissement majeur dans les infrastructures de transport public peut-elle donner un ton optimiste à une métropole post-pandémique, carboneutre, prête pour les changements climatiques, en réinventant nos attentes face aux espaces de transit?

Si la récente chute du taux de fréquentation est la plus immédiate des inquiétudes pour nos réseaux de transport collectif, d'autres tendances façonneront sans aucun doute leurs avenirs. Les impacts des changements climatiques qui se feront de plus en plus sentir représenteront ainsi un enjeu critique pour le futur. Le Québec, bien que relativement épargné des pires conséquences de la crise climatique mondiale jusqu'à présent, a connu ces dernières années des incidents notables qui deviendront plus courants avec le temps. Par exemple, une vague de vague de chaleur en 2018 a tué 86 personnes, tandis que l'automne dernier, des niveaux extrêmes de précipitations ont démontré à quel point certains réseaux d'égouts sont mal équipés face à ces nouvelles réalités. La conception de la résilience urbaine et l'adaptation aux changements climatiques passeront, dans les années à venir, au premier plan des préoccupations publiques. Comment des transports collectifs repensés peuvent-ils poser les bases d'une ville plus résiliente?


La pandémie a également engendré de nouveaux conflits sociaux, avec une augmentation des théories du complot, des mouvements politiques marginaux et des inégalités de richesse et de classe. En même temps, une crise mondiale des réfugiés s'est manifestée à Montréal, avec un nombre croissant de personnes cherchant un foyer en terre inconnue. Le transport en commun a traditionnellement été un lieu où les classes et la diversité se rencontrent. Un système de transport collectif réimaginé peut-il aborder explicitement ces questions?

La pandémie n'a pas eu que des impacts négatifs pour les zones urbaines. De nombreuses villes ont adopté une démarche visant à favoriser le transport actif pendant les périodes de confinement dues à la COVID, et plusieurs citoyens ont profité des opportunités qu’offrait le travail à domicile pour se rapprocher de leur quartier de manière renouvelée et plus approfondie. Montréal, qui est déjà la chef de file en matière d'infrastructures pour le vélo et la marche, a renforcé son engagement envers le transport actif. Comment cette tendance peut-elle être intégrée dans le développement des nouvelles stations du REM ?

Les stations de transport en commun sont des infrastructures publiques et des monuments civiques qui ont peu d'équivalents dans le développement urbain. Leur objectif premier sera toujours le déplacement efficace des personnes, mais le moment présent exige bien plus encore. L'expansion du REM de Montréal est une occasion unique d'exprimer les valeurs urbaines et sociales de cette métropole. La fière histoire des infrastructures de transport urbain de Montréal intègre de manière importante l'art public dans les stations. Comment l'investissement dans les transports publics de notre présente génération peut-il contribuer à exprimer une vision optimiste de l'avenir de Montréal ? Comment la conception des stations de transport collectif et du tissu urbain qui les entoure peut-elle contribuer à poser les bases d'une ville post-pandémique ? Comment le transport en commun peut-il devenir une infrastructure qui transcende les impératifs de déplacement ?

Andrew Salzberg est conseiller académique à Columbia et conférencier au MIT. Il se dédie à la mise en place de systèmes de transport durables et écologiques pour l'avenir. Par son travail chez Uber, Transit App et Populus, il a défendu l’implantation d'infrastructures et de politiques en transport en commun propre, et a récemment développé et dirigé un cours sur la décarbonisation de la mobilité urbaine.

16-20 Mar 2023

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