Le paysage du marché : une discussion entre les quartiers d’affaires et la planète

Un documentaire audio de Sben Korsh and Maxime Decaudin

CCA
[00:00] Bienvenue au CCA. Le projet Le paysage du marché : une discussion entre les quartiers d’affaires et la planète a été réalisé par Sben Korsh et Maxime Decaudin.
Sben Korsh
[00:08] Salut, je m’appelle Sben.
Maxime Decaudin
[00:11] Bonjour, je m’appelle Maxime.
CCA
[00:13] Sben et Maxime ont créé ce documentaire audio au cours de leur résidence au Centre Canadien d’Architecture, en 2018-2019, à titre de Commissaires Émergents. Ils explorent ici l’écologie des quartiers d’affaires et suivent les liens intangibles qui existent entre les paysages urbains de la finance des villes mondiales et les paysages d’exploitation à travers la planète. Vous pouvez suivre la transcription de ce documentaire et consulter les documents de référence ainsi que les images et documents connexes à l’adresse www.cca.qc.ca/lepaysagedumarche.
MD
[00:47] Le 25 avril 2019 à 7 h 30, des membres des groupes Extinction Rebellion et Christian Climate Action, qui militent en faveur du climat, ont arrêté un train à Canary Wharf, à Londres1. Le train du Docklands Light Railway transporte chaque matin de nombreux travailleurs du milieu de la finance à leurs bureaux situés à Canary Wharf, un important quartier d’affaires dans l’est de la ville. Grimpant sur le toit d’un wagon, plusieurs manifestants ont brandi des affiches sur lesquelles on pouvait lire : « Business as usual equals death » [Le statu quo c’est la mort].
Diana Warner
[01:33] Pour commencer, je ne peux rien dire sur l’intervention même. Je suis en attente d’une audition à la Crown Court.
MD
[01:41] Voici Diana Warner, médecin de famille à la retraite devenue militante d’Extinction Rebellion. Diana s’est littéralement collée au train, debout sur une plateforme, la main fixée sur une fenêtre de passager.
Diana Warner
[01:59] Nous dérangeons. Une partie de ce dérangement fera réfléchir les gens, qui s’arrêtent et doivent se demander pourquoi nous faisons ces gestes. Ces inconvénients ne sont rien comparé à ce qui se passe ailleurs dans le monde.
MD
[02:16] Diana perçoit un lien entre Canary Wharf et la crise environnementale planétaire.
Diana Warner
[02:21] Ce siège de la finance est très puissant, il étend son pouvoir partout dans le monde. Il étend son pouvoir sur notre air même. Vous le respirez. Il affecte l’eau que boivent de nombreuses personnes.
SK
[02:45] L’an dernier, Maxime et moi avons travaillé ensemble à ce projet, réfléchissant aux liens qui unissent les quartiers des affaires et la planète. Notre recherche porte essentiellement sur des lieux à Hong Kong et à Londres, deux villes où nous avons vécu, étudié et enseigné.
MD
[03:01] Je suis architecte et historien. J’enseigne l’architecture de paysage et je m’intéresse aux transformations environnementales et aux discours sur la nature.
SK
[03:08] Je suis historien de l’architecture, intéressé par les espaces de travail du milieu financier comme les immeubles de bureaux et les quartiers d’affaires, et plus globalement par les questions centrales de justice et d’équité en architecture.
MD
[03:19] L’intervention menée par Diana Warner et ses amis manifestants à la gare de train a empêché quelques travailleurs de se rendre au bureau ce matin-là, et peut-être certains ont-ils pris le temps de se demander si leur travail pouvait avoir des effets sur le changement climatique. Quant à nous, la manifestation nous a conduits à nous interroger sur les relations intangibles qui existent entre les centres d’affaires et le changement climatique. Que cachent les principaux sièges sociaux des sociétés financières et leurs jardins soignés en ce qui concerne les conséquences concrètes de leur travail sur la planète?
SK
[03:49] Dans ce documentaire en deux parties, nous découvrirons des gens qui vivent, étudient et créent au sein de ce qu’on appelle aujourd’hui le paysage du marché – des lieux établis dans divers endroits du monde reliés entre eux par les forces idéologiques du marché libre.
MD
[04:01] La première partie présente une discussion d’ordre général sur l’essor des villes mondiales à la fin du XXe siècle et la façon dont elles s’insèrent dans une économie financiarisée. Nous abordons en particulier l’histoire de deux quartiers d’affaires que nous connaissons le mieux, le district de Central à Hong Kong et celui de Canary Wharf à Londres. Nous discutons avec certains architectes paysagistes de ces quartiers et examinons avec eux les coûts matériels et environnementaux des espaces verts qu’ils ont conçus pour le plaisir des travailleurs de la finance.
SK
[04:27] Dans la seconde partie, nous contextualisons ces quartiers au sein des systèmes de finance mondiale et identifions les conséquences qu’ont les entreprises et leurs investissements ailleurs sur la planète. Plusieurs grandes banques mondiales bien connues financent des activités comme la production de pétrole et de gaz, qui sont responsables du changement climatique – telles les mines de charbon de Rhénanie ou l’hydrofracturation dans le bassin Permien, dans l’ouest du Texas. Nous avons choisi un exemple, celui des sables bitumineux canadiens, qui reçoivent chaque année des milliards de dollars de sociétés financières internationales, notamment depuis les sièges sociaux de Canary Wharf et du district de Central à Hong Kong. Nous discutons sur place avec des militants pour découvrir les réalités environnementales de ces projets d’extraction et la façon dont ces derniers résistent à l’expansion de l’industrie sur des territoires autochtones.
MD
[05:09] Ces deux parties révèlent des liens obscurs entre les paysages du monde entier, montrant comment ils sont produits fortuitement par la nature extractive d’une économie financiarisée. En conclusion, nos invités discutent des façons dont les relations cachées entre les quartiers des affaires et la planète deviennent des occasions de réimaginer ces relations économiques.


Première partie

Saskia Sassen
[05:40] Dans les années 1980, j’ai commencé à voir l’émergence d’un nouveau type d’économie, très partielle, façonnée cependant par de puissants acteurs.
SK
[05:57] Je vous présente Saskia Sassen, sociologue connue pour ses travaux sur les villes mondiales qui a publié en 1991 un ouvrage intitulé La Ville Globale1. Nous l’avons rencontrée dans son appartement londonien afin qu’elle nous aide à comprendre le contexte économique mondial dans lequel sont apparus les quartiers d’affaires de Canary Wharf et de Central à Hong Kong. Selon Sassen, au moment où les entreprises financières ont été déréglementées et ont commencé à travailler à l’échelle mondiale, on assiste à une expansion d’un savoir et d’une expertise spécialisée.
Saskia Sassen
[06:24] Si vous voulez investir en Russie, comment vous y prenez vous ? Si vous voulez investir en Amérique latine, comment vous y prenez vous ? Vous avez ainsi une somme extraordinaire de connaissances spécialisées. Maintenant, rappelons nous que c’était aussi une époque de dérégulation, de privatisation et de mondialisation. Ainsi, dans les années 1980, ces trois dynamiques sont en quelque sorte en action, et de là vient la nécessité d’avoir de grands acteurs qui dirigent de grandes entreprises.
SK
[06:54] Et tous ces nouveaux acteurs spécialisés en finance mondiale – spéculateurs, consultants et avocats – ont besoin de centres d’affaires comme Canary Wharf et Central à Hong Kong pour travailler. Ces villes sont essentiellement devenues les sites infrastructurels de cette expansion du savoir financier spécialisé. En raison de cette vocation, ces villes jouent un rôle fonctionnel élargi.
Saskia Sassen
[07:15] La ville mondialisée est une sorte de fonction. À ce moment là, dans les années 1980, cette nouvelle économie s’était installée. C’est quelque chose que plusieurs commentateurs et experts urbains ont eu du mal à percevoir. C’est très curieux qu’ils ne l’aient pas compris parce que toutes les grandes firmes sont en quelque sorte parties vers d’autres secteurs, et ils n’ont pas remarqué l’émergence d’une nouvelle économie. Cela ressemble à un système qui s’installe dans les villes. Voilà vraiment l’image que j’aime.
SK
[07:47] La construction accrue d’espaces de bureaux dans les villes mondiales, comme Canary Wharf à Londres et Central à Hong Kong, nous a permis de prendre conscience de cette nouvelle économie. Ces deux quartiers se sont élargis pour répondre aux besoins des nouvelles masses de travailleurs de la finance issues de la dérégulation du marché, et ce phénomène a créé de nouvelles opportunités dont ont profitées les promoteurs pour construire des immeubles de bureaux plus grands que jamais.
MD
[08:05] Le terrain sur lequel se situe aujourd’hui Canary Wharf accueillait à l’origine, en 1802, les quais des Indes Occidentales. Les Docklands, comme on les appelait, faisaient partie d’un vaste port où transitaient les biens provenant ou acheminés vers les colonies britanniques des, dont la Jamaïque, les Bahamas et la Barbade. Nous avons parlé à Sara Stevens, chercheuse en résidence au CCA en 2019 et historienne de l’architecture qui travaille en ce moment sur Canary Wharf, depuis son bureau à Vancouver. Elle nous a renseigné sur l’émergence de Canary Wharf, ainsi que la post-industrialisation et la conteneurisation du port.
Sara Stevens
[08:45] Le quartier des Docklands à Londres s’est beaucoup transformé avant qu’on projette de construire Canary Wharf. Il a donc toujours été un lieu chaotique qui n’a prospéré comme port commercial qu’à compter de la fin du XVIIIe siècle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Docklands ont été lourdement bombardés – c’était alors un quartier ouvrier – et tous les quais construits ont dès lors été sous-utilisés. Et dans les années 1960, la conteneurisation ayant transformé les modes opérationnels de l’industrie du transport maritime, les quais des Docklands sont devenus totalement désuets.
SK
[09:17] Les Londoniens n’auraient cependant jamais imaginé que les liens de la ville à la nouvelle économie globale fleuriraient dans le quartier abandonné des Docklands.
Sara Stevens
[09:24] Canary Wharf a pris naissance en 1981. Il s’agissait d’un processus de planification urbanistique confié à plusieurs firmes, mis sur pied par le gouvernement de Thatcher afin de créer un quartier des affaires entièrement nouveau au centre de Londres. C’était une époque de déréglementation totale au Royaume-Uni et à l’étranger, et le plan impliquait le réaménagement d’un lieu important. Il fallait créer de toute pièce un nouveau quartier d’affaires distinct des confins insipides de la ville, qui est le centre d’affaires habituel de Londres. Canary Wharf est devenu ce carrefour majeur d’activités économiques mondiales intégrées. C’est ce qui a en quelque sorte accéléré le processus de réaménagement de ce lieu. Et je pense que l’un des aspects les plus intéressants de cette histoire, c’est comment l’endroit est devenu une Zone entrepreneuriale.
SK
[10:06] Cette Zone entrepreneuriale dont parle Sara Stevens illustre la vision d’un marché libre affirmée par Margaret Thatcher. Dans le cadre néolibéral, où la conception de l’État est habituellement non interventionniste, il incombe néanmoins au gouvernement de créer des infrastructures publiques permettant aux entreprises privées de s’épanouir.
David Mountain
[10:30] La London Docklands Development Corporation a exercé un pouvoir absolument non démocratique. Elle a été d’une certaine façon créée par le gouvernement central, par Margaret Thatcher, dans des secteurs de l’est londonien contrôlés par les travaillistes.
SK
[10:44] David Mountain, historien de l’urbanisme dont la thèse de doctorat porte sur le réaménagement des Docklands, nous a parlé, dans un bar de Londres, de l’histoire politique qui sous-tend la construction du quartier d’affaires.
David Mountain
[10:55] Il y a aussi plusieurs syndicats, qui ont placé ce terrain hors du contrôle des conseils locaux élus démocratiquement, tous d’allégeance travailliste. Ainsi, si vous étiez travailliste de gauche – à l’époque, le parti travailliste se situait bien à gauche –, cela signalait, sur le terrain, la première manifestation du thatchérisme.
SK
[11:33] L’opposition publique au projet de Canary Wharf conjuguée à l’éloignement des Docklands du centre-ville ont suscité des tentatives précoces de réaménagement. En fin de compte, la société immobilière canadienne Olympia and York a fini par construire Canary Wharf. Les promoteurs apportent avec eux un style nord-américain particulier qu’ils donnent au projet. Comme le décrit David :
David Mountain
[11:51] Je pense qu’il y avait une sorte d’élément esthétique selon lequel les gens désiraient vivre au bord de l’eau. C’est une vision très américaine qui rappelle les ports de Boston ou de Baltimore.
SK
[12:01] De nombreuses personnes ont déclaré que Canary Wharf est un modèle urbain étranger importé à Londres. À l’instar de Canary Wharf, le district central de Hong Kong a profité de la dérégulation mondiale, servant de plateforme principale à la finance mondiale pour pénétrer l’économie chinoise nouvellement réformée. Hong Kong a été une colonie britannique de 1842 à 1997, fondée sur l’idée libérale du marché libre. Si le district de Central a toujours été le noyau économique de la ville, une nouvelle vague de réaménagement a été déclenchée à la fin du XXe siècle. En canalisant l’investissement étranger, en faisant entrer les entreprises d’état chinoises sur le marché boursier de Hong Kong et en gérant la nouvelle richesse du continent, les sociétés financières y ont favorisé le renouvellement urbain et affermi Hong Kong dans son rôle d’important centre financier en Asie. Les nouveaux centres d’affaires comme Exchange Square ou le siège social de HSBC ont été conçus sur la base de ce à quoi devrait ressembler un édifice de première classe de notoriété mondiale. Cette époque de développement dans les deux quartiers est marquée par l’émergence du système financier dans un contexte de mondialisation, mais aussi physiquement par la confluence de matériaux coûteux et de designs luxueux.
MD
[13:07] Les parcs et jardins sont en particulier les lieux cela est le plus visible dans les quartiers des affaires. Si l’on conçoit les édifices et les infrastructures pour optimiser leur rentabilité, le verdissement et les aires ouvertes publiques sont plus difficiles à évaluer. Afin de mieux comprendre les relations mondiales qui régissent ces lieux du quotidien, nous avons parlé avec certains des paysagistes qui ont conçu les parcs et les paysages urbains de Canary Wharf et de Central à Hong Kong. L’aménagement de ces espaces verts dépends de l’importation de plantes. C’est l’une des façons dont les quartiers des affaires sont concrètement associés à des paysages lointains. Anthony Hui, par exemple, concepteur du parc de Cheung Kong – un espace ouvert au public mais construit par un propriétaire privé dans le district de central à Hong Kong –, nous a expliqué comment de grands arbres ont été importés depuis l’île de Hainan, à quelque 500 kilomètres de là.
Anthony Hui
[14:02] L’un des arbres que nous avons planté n’est pas un espèce indigène, mais il en a l’air. C’était le plus grand arbre, et ils m’ont cru fou quand j’ai planté cet arbre parce qu’il mesurait déjà 15 mètres de haut. Ils ne savaient pas qu’on allait planter un arbre de cette taille. Je me suis arrangé pour le faire venir de Hainan. Nous avons dû faire fermer l’autoroute pour transporter cet arbre, ce qui a demandé beaucoup d’effort.
MD
[14:28] Remo Riva, architecte qui a conçu dans les années 1980 le complexe de bureaux abritant la bourse de Hong Kong, nous a raconté l’histoire semblable de plantes importées à Hong Kong : celle de ficus, au transport couteux, qui se dressent aujourd’hui dans le hall d’Exchange Square.
Remo Riva
[14:42] Le problème, c’est que ces arbres ne sont pas disponibles ici. Ils poussent en Malaisie, mais pas dans un contexte commercial, tandis qu’aux États Unis, ce type de Ficus benjamina, sont régulièrement utilisés. Ce sont ceux qui poussent dans les lieux climatisés. J’ai donc trouvé une pépinière en Floride, et je m’y suis rendu. Le problème a été de faire venir les arbres ici rapidement. Une fois cela fait, on a choisi quatre finalistes. Ainsi, ils ont engagé, c’était quoi déjà, un avion-cargo? D’Air Tiger ou quelque chose du genre. Ils y ont installé les arbres, les ont expédiés à Hong Kong, ont conclu un accord spécial avec la douane, ont mis les arbres dans un camion et les ont livrés la nuit. Tout s’est produit cette nuit là, et avec une grue, on a soulevé les arbres et on les a plantés.
MD
[15:40] Non seulement ces paysages urbains coûtent cher à aménager, mais en outre, il est difficile de les maintenir en vie. Steven Richards, concepteur du jardin aménagé sur le toit de la nouvelle gare de Crossrail Place à Canary Wharf, nous a rencontré dans son agence à Londres.
Steven Richards
[15:52] C’est un jardin sur un toit, donc hors-sol, qui n’a accès à aucune source d’eau naturelle. Il a donc constamment besoin d’arrosage. De tels environnements soulèvent sans cesse des débats quant à leurs coûts réels, car ils doivent être gérés avec beaucoup soin. Dans le cas des sols aménagées sur structure, inévitablement, au fil des années, la terre s’effondre peu à peu car elle n’est pas constamment régénéré. Il faut donc considérer attentivement la durée de vie des jardins sur toiture. Oui, bien sûr, il y a de belles histoires sur le fait d’intégrer la nature dans la ville, mais ces espaces exigent une gestion majeure. Nous les contrôlons totalement. Ce n’est pas la nature, ni un coin de nature sauvage. Un grand jardin sur un toit comme celui ci requiert une intervention technique importante qui ne cesse jamais. C’est un peu comme une machine, et le résultat est un espace fabuleux et luxuriant.
MD
[16:49] Ces projets s’avèrent être des éléments d’infrastructure onéreux. Ils nécessitent de coûteuses installations conçues pour faire pousser des plantes dans des conditions artificielles, pour le plaisir de ceux qui fréquentent le quartier d’affaires. Les arbres et les matériaux tels que les pierres par exemple viennent souvent de très loin, ce qui augmente considérablement le coût du projet, mais aussi l’empreinte écologique de ces petits parcs urbains. De plus, ces lieux demandent des soins intensifs constants et une grande quantité de ressources, notamment en eau, pour conserver l’aspect imaginé au départ. Paradoxalement, leurs concepteurs mettent l’accent sur leurs impact positif sur l’environnement. Pour Anthony Hui, les arbres fruitiers qu’il a choisis pour le parc de Cheung Kong sont une contribution à l’écologie locale grâce aux habitats qu’ils offrent aux oiseaux.
Anthony Hui
[17:31] La réussite du projet a été que les oiseaux de Hong Kong se sont effectivement installés dans les arbres. Ils sont désormais couverts d’oiseaux, en particulier de cacatoès blancs qui ne sont pas vraiment indigènes. Vous les voyez vivre là la nuit, jusqu’au matin.
MD
[17:52] Si la protection de l’écologie locale préoccupe de nombreux architectes paysagistes, plusieurs d’entre eux, sensibles aux enjeux environnementaux, militent pour un avenir durable. C’est le cas de Sandy Duggie, qui a conçu quantité de parcs, de toitures végétalisées et de paysages urbains à Hong Kong.
Sandy Duggie
[18:09] Je suis très favorable à la promotion du développement durable le plus souvent possible dans nos projets et, vous savez, d’améliorer la qualité des espaces verts ainsi que rétablir le contact avec la nature pour ceux qui l’ont perdu. Tous nos projets visent à établir un lien avec la nature.
MD
[18:25] En effet, les architectes paysagistes offrent autre chose que des espaces verts aux travailleurs de la finance qui peuvent s’y reposer ou manger leur casse-croûte. Souvent, les compétences en botanique et en écologie des paysagistes est essentielle, elle permet de conserver et d’améliorer l’habitat d’une faune locale diversifiée. Mais quel que soit leur apport, les parcs et jardins des quartiers financiers ne constituent qu’une amélioration environnementale négligeable par rapport aux conséquences que les activités financées par les banques et autres sociétés financières ont ailleurs sur la planète.
SK
[18:53] Saskia Sassen émet une opinion semblable au sujet des concepteurs. Il n’est pas fondamentalement mauvais que ces derniers conçoivent des quartiers des affaires, mais quels sont les effets de ces aménagements sur le monde?
Saskia Sassen
[19:03] Je pense que pour eux, l’ascension de cet immense secteur financier a été un véritable essor économique, j’imagine. Et c’est tant mieux. Le problème profond réside dans cette nature extractive, vous savez, de ce nouveau type d’économie, ça c’est problématique.

  1. Saskia Sassen, La Ville globale : New York, Londres, Tokyo, (Paris : Descartes & Cie, 1996). 


Deuxième partie

SK
[19:24] Dans la seconde partie, nous quittons le cœur des quartiers des affaires dans les villes mondiales pour étudier comment ces derniers fonctionnent à l’échelle planétaire en finançant des projets qui détruisent l’environnement. Si l’on considère uniquement l’extraction de combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, le financement de ces activités se chiffre en trillions de dollars. Selon le rapport « Banking on Climate Change 2019 », compilé par Sierra Club, Rainforest Action Network et BankTrack parmi autres, les sociétés financières les plus importantes du monde ont engagé quelque 1,9 trillion de dollars américains dans le secteur des combustibles fossiles entre 2016 et 20181. Nous avons discuté avec Greig Aitken, expert en matière de financement du pétrole et du gaz, depuis son bureau annexe en République Tchèque, dont l’organisation est signataire du rapport.
Greig Aitken
[20:08] Je m’appelle Greig Aitken et je fais campagne en faveur du climat avec BankTrack, mis sur pied pour suivre, analyser et contrer les flux bancaires qui financent les industries extractives et l’exploitation de combustibles fossiles, mais aussi les banques privées qui financent la destruction des forêts, la production d’huile de palme et autres produits du genre, les grands barrages, etc. En vertu de certaines directives-cadre des Nations Unies, les banques sont censées respecter et maintenir les droits de l’homme dans le contexte de tous leurs investissements. Elles s’y sont engagées. Mais très souvent, nous constatons que ces normes ne sont pas appliquées. Cette lacune touche de nombreuses règles que les banques disent respecter, souvent sur une base volontaire, ce qui pose un problème. Nous avons ainsi constaté très souvent que des financements était accordés sous diverses formes pour des projets scandaleux, dont les effets néfastes affectent les collectivités, l’environnement, la biodiversité et bien sûr, le climat.
SK
[21:08] Le rapport « Banking on Climate Change 2019 » donne la liste de plusieurs sociétés située aux alentours des parcs des quartiers de Canary Wharf et de Central à Hong Kong. Le financement qu’elles accordent à l’exploitation de combustibles fossiles se divise en plusieurs sous-secteurs comme, les mines de charbon, l’extraction en eaux profondes ou l’hydrofracturation pour le pétrole et le gaz. Nous nous concentrerons sur l’un de ces sous secteurs, celui des sables bitumineux au Canada.
MD
[21:34] Le traitement des sables bitumineux est une des méthodes de production de pétrole brut les plus polluantes. On extrait le pétrole de roches riches en bitume par forage, ou encore, si le gisement est trop profond, on fait fondre le pétrole à l’aide de vapeur sous haute pression. En plus de produire de fortes émissions de carbone, l’extraction du pétrole des sables bitumineux pollue d’immenses quantités d’eau, conservée sur place mais qui souvent fuit dans les cours d’eaux ou s’infiltre dans la nappe phréatique.
SK
[22:01] Selon BankTrack, de 2016 à 2018, les 30 plus grandes sociétés du monde exploitant les sables bitumineux ont reçu plus de 71 milliards de dollars américains de la part de JP Morgan Chase, Bank of America, Crédit suisse, HSBC et autres, ainsi que des banques canadiennes dont RBC, TD, la Banque Scotia et la Banque de Montréal2. En plus des institutions bancaires habituelles, il existe des conglomérats d’entreprises comme CK Hutchinson Holdings, dont le siège social se trouve à Hong Kong et qui possède Husky Energy, l’un des plus grands producteurs de pétrole au Canada installé en Alberta et au Saskatchewan.
MD
[22:44] Nous nous sommes entretenus par téléphonique avec Rita Wong, depuis Vancouver où elle est professeure d’études critiques et culturelles. Wong a grandi à Calgary, en Alberta, le centre d’affaires de l’industrie du pétrole au Canada.
Rita Wong
[22:55] Les ravages sont produits dans le Nord, mais les bureaux et les sièges sociaux se trouvent à Calgary, dans le sud de l’Alberta. J’ai toujours ressenti le pouvoir et l’intimidation exercés par l’industrie du pétrole. Il est donc très difficile de penser à la critiquer lorsqu’on vit en Alberta – la couche idéologique y est épaisse et lourde.
MD
[23:14] Tels que les beaux espaces verts de Canary Wharf et du district de Central de Hong Kong, l’idéologie d’entreprise et leurs mécanismes complexes de financement camouflent les réalités quotidiennes des industries extractives sur le terrain. Pendant plusieurs années, Rita Wong a participé à des marches de guérison dirigées par des femmes autochtones à l’emplacement des sables bitumineux d’Alberta. Alors qu’elle décrit son expérience, nous découvrons un paysage très différent de celui des quartiers d’affaires : un environnement hostile et détruit, également soutenu par la finance mondiale.
Rita Wong
[23:43] La première fois que j’ai marché sur un terrain d’exploitation des sables bitumineux, je n’étais préparée à cette expérience ni physiquement, ni émotionnellement, ni spirituellement. Parce que vous savez, vous pensez simplement marcher par solidarité, et c’est le cas. Mais vous vous y rendez et après avoir marché six heures au milieu des usines de traitement de Suncor ou de Syncrude, c’est comme si vous aviez fumé sans relâche pendant un an. J’avais mal aux poumons. Je n’étais pas préparée à une telle expérience physique, perturbante, qui nous force à réfléchir. C’est chez les résidents de la région que je crois que le taux de cancer est le plus élevé; cette exploitation s’accompagne de maladies et de réels sacrifices ressentis dans le corps comme sur le terrain3.
SK
[24:30] Nous avons voulu en savoir davantage sur les communautés autochtones et la façon dont leurs vies sont affectées par l’industrie des sables bitumineux. Nous avons donc parlé avec Kanahus Manuel.
Kanahus Manuel
[24:39] Weytkp, xwexweytep [Bonjour à tous]. Je m’appelle Kanahus Manuel, et je suis membre des Tiny House Warriors et de la Secwepemc Women’s Warrior Society de la nation Secwepemc, dans ce que l’on appelle la Colombie-Britannique, au Canada.
SK
[24:52] Manuel nous a expliqué comment l’extraction des sables bitumineux et les investissements des banques ont transformé le paysage de la région et menacé son économie traditionnelle.
Kanahus Manuel
[25:01] On dit des sables bitumineux de l’Alberta qu’ils sont la plus puissante bombe de carbone au monde, et le plus grand projet industriel connu de mémoire d’homme. On peut les voir de l’espace, on peut les voir sur Google Earth. On peut voir Fort McMurray et la région environnante en train d’être exploités. Pour simplement obtenir du bitume, il faut creuser à des centaines de pieds sous terre, alors que d’enlever juste un millimètre revient à détruire une ancienne forêt. Il a fallu 10 000 ans pour bâtir ces premières couches de terre sur ce terrain, cela revient à détruire d’anciennes forêts. Et les gens autour du point zéro, Fort McMurray et la région entourant les sables bitumineux de l’Alberta, en ressentent les effets plus que quiconque, car ce sont eux qui tombent malades. Ce sont eux qui souffrent de cancer de types rares et de lésions de la peau. Ceux sont eux qui ne peuvent pas boire de l’eau du robinet. Leurs communautés n’ont pas accès à de l’eau potable propre. Cette économie détruit l’économie autochtone existante4. L’orignal, l’élan, le caribou, le saumon… toute notre nourriture est affectée par les sables bitumineux de l’Alberta et par l’infrastructure de ces pipelines.
SK
[26:16] Kanahus Manuel parle de l’oléoduc construit pour relier la région enclavée des sables bitumineux à la frontière avec les États-Unis et à la côte Pacifique.
Kanahus Manuel
[26:25] Le Trans Mountain pipeline est un jumelage, un doublement d’un oléoduc existant. Le vieux pipeline, qui date de 1953, a été construit par Kinder Morgan, une société texane. Puis ils ont construit ce pipeline qui part du terminal d’Edmonton et traverse toute la Colombie-Britannique de l’intérieur jusqu’à la côte, jusqu’à la mer de Salish, près de Vancouver. Cela représente 1 142 kilomètres de pipeline et 890 000 barils par jour.
MD
[26:54] Parce que le pipeline a des conséquences environnementales qui menacent le mode de vie, la santé et le bien-être des communautés autochtones, ces peuples se sont battus pour faire reconnaître leurs droits et leurs titres. Kanahus Manuel a fondé le groupe Tiny House Warriors, un mouvement de contestation en forme de petites maisons sur roues, postées le long du trajet du pipeline5.
Kanahus Manuel
[27:12] Le groupe Tiny House Warriors offre une véritable vision sur la façon de résister, et la Secwepemc Women’s Warrior Society, dont je fais partie, s’est opposée à divers projets industriels et a milité dans nos territoires en faveur de la décolonisation6. Nous allons construire de petites maisons parce que nous devons être présents sur la ligne. Nous ne pouvons pas rester assis dans nos réserves indiennes en nous demandant comment arrêter l’exploitation de ce pipeline qui parcoure 500 kilomètres de nos terres. Nous avons besoin de maisons ici parce que nous savons ce que signifie protester sur le territoire. C’est pourquoi nous avons maintenant des maisons sur roues, parce que nous ne voulons pas que le gouvernement détruise nos maisons et les démolisse. Ce sont là les symboles les plus sacrés de notre peuple.
SK
[27:55] Elle décrit ici une intervention physique sur le paysage en tant que façon de contrer la destruction de ces environnements et défendre le droit des communautés aux ressources de leurs terres. Rita Wong a aussi protesté contre l’expansion du pipeline, sur les terres des Tsleil-Waututh, dans la région connue sous le nom de Vancouver. Là, les membres de la communauté ont construit un poste de garde afin de protéger le paysage.
Rita Wong
[28:15] Je ne considère pas mon travail comme une contestation, mais plutôt comme un acte de respect de la loi autochtone sur laquelle je m’aligne. Ici à Vancouver, on serait sur le territoire Coast Salish – terre traditionnelle des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh7. Et les Tsleil-Waututh ont été de puissants guides dans la protection de la terre et de l’eau. C’est le peuple de la baie. Et le poste de garde, qui est un poste de garde Coast Salish construit près de la porte Est du parc de stockage de Kinder Morgan, ou celui de Trans Mountain, est une structure traditionnelle Coast Salish. Faite du tronc d’un seul cèdre, elle sert à la fois à prendre soin de la communauté et à se protéger des ennemis. On l’a donc construite au-dessus du pipeline et elle aurait été démolie si le pipeline avait été agrandi. Elle est donc installée à un endroit stratégique.
SK
[29:05] Rita Wong ainsi que Kanahus Manuel ont toutes deux mobilisé des espaces construits en signe de résistance. Les petites maisons sur roues tout autant que le poste de garde sont bâtis par la communauté à des emplacements stratégiques, en vue d’empêcher physiquement l’expansion de l’oléoduc. Mais le Trans Mountain pipeline n’en est qu’un parmi de nombreux projets d’immenses pipelines en Amérique du Nord, tels que les oléoducs de Keystone XL et du Dakota Access. Selon Rainforest Action Network, plusieurs des sociétés qui financent ces pipelines ont leur siège à Canary Wharf et à Central à Hong Kong. C’est le cas de la Bank of America, de JP Morgan Chase, de HSBC, de la Bank of China et de la China Construction Bank8. Selon BankTrack, Kinder Morgan, la société responsable en particulier du pipeline de Trans Mountain, a obtenu un prêt de plus de 5,5 milliards de dollars canadiens pour ce projet9. À cause des désaccords insolubles entre les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral, dirigé par le premier ministre libéral Justin Trudeau, a acquis le projet au complet et a donné le feu vert pour sa construction à l’été 2019. L’acquisition du projet par l’État rappelle l’évacuation néolibéral des Docklands de Londres, dont nous avons discuté dans la première partie. Le gouvernement de Margaret Thatcher avait alors cherché à dégager le terrain et à y réinvestir de l’argent publique. Rita Wong nous en dit davantage sur l’exemple canadien et fait le lien avec son intervention au poste de garde.
Rita Wong
[30:28] Je me suis surtout concentrée sur le rôle qu’a joué le Canada dans l’achat du pipeline de Trans Mountain, et sa tentative de se débarrasser des problèmes sur les peuples autochtones. Je pense que c’est la meilleure façon de diviser pour mieux régner, non seulement d’acheter quelque chose qui, à mon avis, devrait et deviendra sans doute un actif voué à l’échec, un oléoduc que personne ne peut se payer sous prétexte qu’il s’agit d’intérêts nationaux, au détriment des intérêts planétaires, internationaux ou bien locaux. Vous savez, il n’y a pas de bien-être mondial sans bien-être local.
SK
[31:02] De même, Manuel considère que l’action du gouvernement fédéral s’inscrivent dans la continuité historique de plusieurs siècles de colonisation. L’acquisition de l’oléoduc par l’État à l’a transformé en société de la Couronne, le plaçant ainsi dans la longue lignée des sociétés coloniales fondées par décret du parlement, reliant directement la société qui le possède à la souveraineté canadienne.
Kanahus Manuel
[31:23] Vous savez, depuis que le Canada est venu ici et que la Colombie-Britannique a été créée, aujourd’hui ici en 2019, nous en sommes au même point que nos ancêtres.
SK
[31:33] La politique autour des contestations au sujet de ces paysages d’extraction contrastent nettement avec les environnements paysagers où les décisions financières sont prises. Sur le terrain, les activités industrielles subventionnées par les sociétés financières mondiales menacent la santé et la subsistance des populations locales tout en détruisant l’environnement.

  1. Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Sierra Club, and Honor the Earth, et. al., Banking on Climate Change 2019, 20 mars 2019. 

  2. Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Sierra Club, and Honor the Earth, et. al., Banking on Climate Change 2019, 20 mars 2019. 

  3. Stéphane M. McLachlan, Environmental and Human Health Implications of Athabasca Oil Sands, 7 juillet 2014. 

  4. Indigenous Network on Economies and Trade, Standing Rock of the North: The Kinder Morgan Trans Mountain Pipeline Expansion Secwepemc Risk Assessment, octobre 2017. 

  5. Visitez Tiny House Warriors: Our Land is Home.  

  6. Visitez Secwepemcul’ecw Assembly

  7. Pour plus d’information au sujet du poste de garde voir ici

  8. Rainforest Action Network, et al., Funding Tar Sands: Private Banks vs. the Paris Agreement, novembre 2017. 

  9. Ryan Brightwell, et al., Human Rights Briefing Paper How Banks Contribute to Human Rights violations, décembre 2017. 


Conclusion

SK
[31:58] En résumé, alors même que l’économie mondiale s’orientait vers plus de déréglementation et de privatisation, les quartiers d’affaires sont devenus de véritables plateformes permettant aux sociétés financières d’offrir leurs services au monde entier. Cette situation devint l’occasion pour les architectes et les promoteurs de créer de nouveaux espaces à Canary Wharf et dans le district de Central à Hong Kong.
MD
[32:14] Un examen attentif des espaces du quotidiens des travailleurs de la finance révèle des édifices dits de première classe et des parcs bien entretenus. Même s’ils ajoutent de la valeur à l’ensemble de la propriété et procurent des espaces plus agréables aux employés, ces environnements ont un coût
SK
[32:26] Au delà des limites physiques des quartiers financiers, de nombreuses sociétés dont le siège se trouve à Canary Wharf ou à Central financent des projets qui participe à la dégradation de l’environnement. Les consortiums bancaires et les holdings investissent dans l’industrie d’extraction de sables bitumineux au Canada. La production industrielle de bitume a des effets catastrophiques sur l’environnement et affecte la santé des collectivités locales ainsi que celle des peuples autochtones.
MD
[32:49] Les paysages de la finance sont inégaux. Ils partagent néanmoins une économie extractive qui les finance et les lie inextricablement. Des arbres immenses sont expédiés du monde entier pour fournir de l’ombre et orner les parvis des entreprises, alors que des centaines de milliers de kilomètres carrés de terres arables et de forêts sont déplacées pour transporter jusqu’au Pacifique, dans de longs pipelines, des millions de barils de pétrole brut.
SK
[33:15] En réfléchissant à ces réalités, certaines des personnes avec qui nous avons discuté ont partagé leur vision de l’avenir. Elles demandent une plus grande transparence, créent de nouveaux imaginaire et proposent des solidarités alternatives. Diana Warner considère qu’il est important d’accepter la situation actuelle avant de pouvoir progresser.
Diana Warner
[33:32] Il faut de l’amour. De l’amour et de l’espoir. L’amour des autres personnes, de nos enfants. Et l’espoir que nous, en tant qu’espèce, nous puissions réellement nous arrêter et changer le monde, et que suffisamment de gens finiront par ouvrir les yeux et ouvrir leur cœur pour que cela se produise.
MD
[33:56] Au-delà de la prise de conscience de l’urgence de la situation actuelle, Rita Wong, formule depuis l’Alberta ce qu’elle pense être la question la plus difficile de notre époque.
Rita Wong
[34:05] C’est exactement ce que dirait Haraway : « habiter le trouble1 ». Ne pas ignorer les problèmes, ne pas s’en cacher, mais y faire face et y faire face ensemble. Ce serait bien si les gens qui gagnent beaucoup d’argent pouvaient comprendre cette autre façon de voir le monde. Mais leur incapacité à le faire pourrait causer la disparition de notre espèce.
SK
[34:27] Greig Aitken, de BankTrack, croit qu’une plus grande transparence du secteur financier sortirait l’économie mondiale de sa dépendance aux combustibles fossiles. Il explique comment le fait de divulguer le caractère sordide de ces investissements découragerait les banques de continuer à financer le changement climatique.
Greig Aitken
[34:43] Une fois qu’on détermine quelles banques sont impliquées dans des projets d’investissement ou dans certaines sociétés d’investissement, on peut s’engager. On peut essayer et voir s’il existe des moyens de persuader les banques de ne pas financer ces projets – ou encore on peut adopter la dénonciation.
SK
[34:58] Qu’on utilise la persuasion ou la honte, quelque chose semble marcher même si c’est très, très lent. Ainsi, des banques comme ING, le Crédit Agricole et la Société Générale ne financent plus aucun projet d’exploitation des sables bitumineux2.
MD
[35:12] Kanahus Manuel réfléchit elle à l’idée de honte, l’appliquant au secteur financier et imaginant un nouveau paysage qui relierait les quartiers d’affaires à la planète. Elle se rappelle de sa visite au siège social d’une société financière pour enfin suggérer de nouveaux liens et de nouvelles relations pour l’avenir.
Kanahus Manuel
[35:30] Je suis allée à Zurich dans une grande société d’assurance internationale afin d’y présenter notre titre et nos droits contre le pipeline. Je suis entrée, et j’ai dû remettre mon passeport au poste de sécurité. On m’a escortée en bas et il y avait un très beau jardin avec des ponts enjambant de petits ruisseaux. Mais c’est un paysage fabriqué, une forteresse clôturée par un grand mur de pierre. Tous les édifices s’y trouvent. C’est un endroit pour le plaisir tous les travailleurs de la finance qui peuvent y aller. Il y a aussi des canards. Et devant tant de beauté, on n’imagine pas que leur argent détruit quelque chose dans le monde. Alors j’ai pensé que ce dont ils ont besoin, plutôt que d’un beau paysage, c’est une petite partie de ce qu’ils font avec leur argent quand ils détruisent d’autres endroits. Quelque chose comme un ruisseau sale, des fontaines sur lesquelles une pancarte signalerait qu’il ne faut pas en boire l’eau, car elle est contaminée. Des odeurs toxiques, comme celles que respirent les gens dans les zones d’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta. Et même des canons qu’on tire toutes les 15 minutes, pour que les oiseaux ne se posent pas sur les bassins de décantation contaminés. Ils verraient ainsi dans leur propre cour ce qu’ils provoquent. Peut-être qu’ainsi, ce type d’élément visuel ou d’image leur ferait comprendre en quoi les décisions prises derrière leurs bureaux affectent les communautés autochtones.
SK
[36:59] Tout comme Manuel, qui espère rendre ces paysages visibles depuis les bureaux des quartiers d’affaires, nous espérons que cette sélection d’enchevêtrements géographiques vous a fait découvrir certains des flux matériaux et financiers qui régissent la réalité physique de tant de lieux dans le monde.
CCA
[37:26] C’était Le paysage du marché : une discussion entre les quartiers d’affaires et la planète, un documentaire audio réalisé par Sben Korsh et Maxime Decaudin au CCA. Revu par Kate Yeh Chiu et monté par Phi, à Montréal. Nous tenons à remercier particulièrement Giovanna Borasi, Sophie Couture, Albert Ferré, Geneviève Godbout et Camille Lavallée Prairie. Pour plus de renseignements sur le CCA, visitez www.cca.qc.ca.

  1. Donna Haraway et Florence Caeymaex, Habiter le trouble avec Donna Haraway (Bellevaux : Dehors Editions, 2019). 

  2. Banktrack, Banks that ended direct finance for tar sands, mis à jour le 27 août 2019. 

Le paysage du marché : une discussion entre les quartiers d’affaires et la planète est également disponible sur Apple Podcasts et Google Podcasts.

Sben Korsh et Maxime Decaudin sont les Commissaires Émergents du CCA de 2018-2019. Leur projet s’appelle Le paysage du marché.

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