Un guide vers chez nous

Extraits d’un audioguide de Joar Nango, Taqralik Partridge, Jocelyn Piirainen, Asinnajaq, Carola Grahn, Geronimo Inutiq, Laakkuluk Williamson Bathory, Nicole Luke et Tiffany Shaw.

ᐊᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi a été conçu conjointement par Joar Nango, Taqralik Partridge, Jocelyn Piirainen et Rafico Ruiz, avec Ella den Elzen comme assistante curatoriale. Nous avons également publié des entretiens avec Nicole Luke, le designer Tiffany Shaw et les artistes Carola Grahn et Geronimo Inutiq. L’exposition est actuellement présentée dans nos Salles principales jusqu’au 26 mars 2023.

CCA
Bonjour, ceci est un accompagnement audio de l’exposition ᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi. Ce projet, dirigé en grande partie par des commissaires autochtones, explore la façon dont les peuples inuits, les Samis et d’autres communautés de l’Arctique créent des espaces d’autodétermination. Il est ancré dans les perspectives d’un groupe de commissaires inuits, samis et issus de la colonisation qui partagent une même ambition, celle de soutenir la souveraineté autochtone nordique sous toutes ses formes, une souveraineté façonnée par une compréhension du territoire en tant qu’une demeure. Le projet examine et célèbre les pratiques de conception et de construction sur le territoire qui affirment la souveraineté des communautés autochtones.

ᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi propose une série de questions orientées vers l’avenir, sur ce que signifie pour les peuples autochtones de concevoir des lieux sur le territoire qui est aussi le foyer : que pourrait devenir le chez soi, tel que défini par les architectes et designers autochtones, à travers les territoires Inuit Nunangat (terme inuktitut signifiant terre natale), Sápmi (mot par lequel les Samis désignent leur sol et leur peuple) et les autres terres nordiques? Où commencent les terres-patries?

Le porche

TP
Je suis commissaire et artiste installée à Ottawa, et ma communauté d’origine est Kuujjuaq, au Nunavik. Le porche est un espace important dans les maisons du Nord. Il y a des souvenirs dans ces espaces : les odeurs de peau de phoque, de peau de caribou, du mélange de carburant utilisé dans les motoneiges. Je veux que les Inuits ou les Samis se reconnaissent et se voient dans cet espace, dans les choses qui sont là. Voilà des objets que ma famille, et de nombreuses autres familles inuites ou samies, auraient dans leur porche. S’il vous faut sortir pour la journée ramasser du bois, relever les filets de pêche ou récolter des baies, il y a toujours un sac à dos accroché là, prêt à partir. Certains de ces objets sont de très belle facture. Nous les portons et les entretenons avec fierté, sans pour autant trop les ménager. Ce sont des éléments de la vie de tous les jours.
TS
Je voulais produire une impression de désorientation et de découverte au fur et à mesure du parcours à travers le porche. La forme dentelée de ce vestibule et le lever du soleil sur les murs sont importants pour ça. Pour de nombreux Autochtones, la position du soleil est un moyen d’orientation, donc, avec le traitement du mur en inclinaison, j’intègre l’aurore quand vous entrez et regardez vers l’est. J’essaie de vous donner un point d’ancrage au début de la journée – le début de l’exposition – en désignant cette direction vers l’est. Même s’il y a cette structure de porche semblable à un squelette censée porter ces objets de la maison, le lever du jour offre un certain niveau de confort et de sécurité. Dans ces espaces, je tente de démonter et assembler ce que vous êtes en tant que personne.

Dans le même ordre d’idées, l’éclairage tout au long de l’exposition fait allusion à la fois au territoire et à l’espace délimité par les salles. Évoluant au fur et à mesure de votre progression dans les pièces, il imite les saisons de prédilection associées par chaque artiste à son œuvre. La saison du porche est à cheval entre le printemps et le début de l’été et, quand vous sortez par la dernière salle, la lumière évoque le crépuscule du début du printemps, la tombée de la nuit. À ce moment de la journée, tout semble un peu différent, avec une touche magique et extraordinaire, parce que c’est momentané; la lumière change les choses un instant, puis c’est la pénombre. Je crois donc qu’en avançant dans chaque saison et espace, ce sentiment ne fait que croître.

Dessins de Shuvinai Ashoona, Hannah Kigusiuq, Itee Pootoogook, Kananginak Pootoogook et Padloo Samayualie

JP
Beaucoup d’artistes inuits contemporains ont réalisé des dessins de bâtiments nordiques au sein de leurs communautés. Nombre de ces œuvres sont reliées aux activités familiales dans la maison. Il y a quelque chose dans les dessins qui, à mon avis, vous transporte dans ces espaces. Par exemple, les informations que Shuvinai Ashoona intègre à ses créations sont visuellement fascinantes; ce sont des détails qui ont une importance certaine pour les maisons là-haut dans le Nord. Ces dessins traduisent ce qu’est le qarmaq. C’est ce qui, pour nous, est la maison. Pour les Inuits urbains, cette exposition entretient le souvenir de ces lieux, le souvenir du retour à la maison dans le Nord. Nous voulions présenter les œuvres dans des cadres dépareillés pour donner l’impression que l’on est chez quelqu’un. Parfois, le cadre lui-même n’est pas ce qui compte, mais le fait qu’il se moule aux pièces, aux images, voilà qui est plus important.

J’appelle chez nous

GI
La radiodiffusion communautaire joue un rôle crucial dans le Nord. Elle permet de communiquer au sujet des réalités sociales, de la survie culturelle et de partager des informations sur les enjeux politiques et internationaux, mais aussi d’avoir des discussions personnelles du quotidien. La diffusion n’est pas à sens unique, avec des informations données par un annonceur. Les gens appellent la radio pour partager leurs histoires. J’appelle chez nous est le nom d’une émission de radio virtuelle qui est au cœur de l’idée arctique de la maison.

C’est également une recréation de la communauté dans laquelle cette émission radiophonique existe. J’y ai invité des personnes qui n’appartiennent pas nécessairement au domaine de la diffusion ou des arts, mais qui sont représentatives de la diversité des membres constituant ma communauté. La communauté est notre façon de nous définir.

J’ai recréé le contexte physique où la radio existe dans l’Arctique, prolongeant la maison à l’extérieur pour y intégrer l’environnement et le territoire. C’est là que vivent vraiment les Inuits; pour beaucoup d’entre nous, c’est là que se trouve notre sentiment d’appartenance.. Durant l’été, avec ma famille, nous vivions dans une tente près de l’eau et pêchions. Dans l’exposition, je m’efforce de communiquer un paysage mémoriel de différents environnements et moments aux visiteurs du sud.

Nuna

A
Je suis une Inuk urbaine ayant grandi en périphérie de Montréal. Quand il fait beau dehors, je veux sortir. Mais pas facile d’utiliser mes écrans numériques dans la lumière éblouissante du soleil; pas facile de lire mes livres avec les yeux juste assez entrouverts pour voir. Je veux que mon chez moi ait moins de murs me séparant de l’extérieur, mais je veux quand même un toit pour protéger mes yeux du soleil. J’adore les maisons qui ont des cuisines en plein air, des garages mi-intérieurs, mi-extérieurs. Je veux créer un espace qui offre à la fois la sécurité des murs et la caresse du vent sur les joues.

Pour créer un espace qui apporte la paix d’esprit d’une maison fermée tout en donnant accès à la beauté de son extérieur, j’ai proposé de faire du ciel le plafond de ma tente, en faisant entrer un ruisseau à l’intérieur comme un robinet. Faire entrer la mousse pour en faire un lit, la pierre, pour en faire un plan de travail. J’ai proposé d’y mettre la pierre qulliq avec un éclairage au néon comme la flamme d’un foyer de l’espace d’habitation. Cet espace est un rappel que l’univers est votre maison, que la terre est votre maison.

Offernat (Nuit votive)

CG
Je suis une artiste de Jåhkåmåhkke (Jokkmokk), en Suède, et je vis à Malmö. À l’heure actuelle, j’ai l’impression que l’avenir est flou et parfois effrayant. Que pouvons-nous dire de la souveraineté future de tout groupe de personnes quand tellement de choses ne vont pas bien – quand la nature change, quand les gens subissent pauvreté, faim, guerre et conditions météo extrêmes? Nous devrions commencer par nous poser la question « Où allons-nous à partir de là? » dans le contexte des migrations dans le monde. La solidarité doit faire partie de notre réponse. Offernat (Nuit votive) est une sorte d’autel. En y déposant des fleurs et des feuilles régulièrement, comme une offrande, l’autel devient vivant par le rituel. En remplaçant les fleurs dans la salle tous les jours, j’espère que le personnel du CCA réfléchira consciemment à la vie, aux relations et à la gratitude en accomplissant ce rituel.

Pour cette pièce, j’ai collaboré avec le duojár Ingemar Israelsson. Il a créé cette sculpture, l’autel. Il y a près de quarante ans, Ingemar a trouvé cette loupe sur un bouleau au moins centenaire près de sa maison à Vallenas. C’est naturellement que ce morceau de bouleau est devenu la pièce maîtresse de l’installation. En Scandinavie, les tambours samis ont été brûlés pendant la christianisation de notre peuple dans les années 1700. Je reviens à ce fait tout en réfléchissant à notre quête d’orientations en temps de crise. Je me demande parfois comment ce serait de pouvoir demander conseil au nåitien (le chaman sami). Et si on cherchait des réponses dans le ciel flamboyant, les étoiles ou les arbres?

Futurecasting

NL
Je suis une Inuk urbaine vivant au Manitoba, terre d’origine de la Nation Métis et du territoire du Traité no 1. En tant qu’Ilinniaqtuit du programme Inuit Futures, et en lien avec Ella den Elzen, j’ai élaboré une série d’ateliers et de séminaires intitulés Futurecasting. Nous avons réuni neuf designers autochtones émergents pour réfléchir à l’avenir de l’architecture et du design dirigés par des Autochtones et le façonner. L’atelier a commencé sans idée précise d’un résultat et a laissé toute latitude à l’expérience et au cheminement individuels des participants pour en définir l’aboutissement. Au fil de tous les séminaires, nous avons cherché à donner la priorité aux discussions et à la collectivité. L’avenir de l’architecture dans le Nord doit être guidé par l’empathie et une profonde compréhension de la communauté par le design. Ce genre de conversation doit faire partie du processus conceptuel. Les architectes devraient être assistés par les communautés et y passer du temps pour bien comprendre quels avantages celles-ci peuvent en retirer.
TS
L’utilisation de tableaux d’affichage dans la salle de l’atelier Futurecasting, où sont exposés les résultats des explorations, permet au public de comprendre qu’il s’agit d’un espace pour la création, pour les idées. Réaffirmant cette notion, des bannières suspendues au plafond portent des questions en plusieurs langues. Cette grande salle d’exposition est ainsi axée sur des questions; elle met en lumière la réflexion intérieure profonde qui anime beaucoup de designers autochtones, réunis en un même lieu. Nicole Luke a demandé spécifiquement un éclairage indirect pour remplir un espace, de sorte que la saison dans l’espace fait référence à l’impression de studio pendant la lumière du jour de l’hiver.

akunniq

TP
Parfois, l’humain considère que le territoire est à sa disposition. Il existe pour être consommé, et c’est sa seule fonction. C’est là une vision marchande, plutôt que de reconnaître que la terre est précieuse. Les espaces jetables, dans ce type de vision du monde, n’ont pas suffisamment d’importance pour qu’on leur conserve une certaine beauté. Leur seul rôle est de relier des espaces plus importants; sinon, on n’en tient pas compte. Je suis convaincu que les Inuits parcourent et habitent ces paysages avec la même conscience de leur rapport à la terre que celle qui prévaut pour les endroits soi-disant intacts.

Ma série de photographies, intitulée akunniq, a commencé avec le rond-point Dorval, un échangeur autoroutier situé près de l’aéroport à Montréal, parce que je m’intéressais à l’espace entre des lieux plutôt qu’à la destination finale des gens. La série porte aussi sur ces espaces jetables dans le Nord, à Iqaluit, et les place en dialogue avec les photos que j’ai prises à Dorval comme façon de comprendre ces endroits que les Inuits traversent avec cette conscience que j’évoquais. J’aime montrer par la photographie ce qu’il y a de beau dans ces espaces dévalorisés, soi-disant hideux.

Inissaliortut : Faire de la place

LWB
Je suis une artiste basée à Iqaluit, au Nunavut. Taqralik et moi avons fait connaissance bien avant d’être au monde, quand nos pères se sont rencontrés adolescents. Notre amitié se renforce chaque jour, nourrie par notre amour commun de la poésie, de l’histoire inuite, des perles, des mailles, des animaux et de la famille. Cette installation est un hommage à la force personnelle que nous donne notre amitié et à sa contribution à la compréhension et à l’art dans notre communauté. Nous avons réalisé une projection vidéo où nous nous parlons et nous regardons simultanément.


Taqralik et moi explorons comment les Inuits se servent des espaces urbains de façons inattendues pour les Qallunaat ou les urbanistes non inuits. Alors que les infrastructures Qallunaat créent des grilles et des schémas de mouvement basés sur la propriété privée et les angles à quatre-vingt-dix degrés, les Inuits voient le territoire comme un socle pour l’activité. S’il y a ne serait-ce qu’une possibilité d’employer un espace, souvent les Inuits saisiront l’occasion de le faire.

Bibliothèque architecturale samie

JN
Je suis un architecte sami qui vit et travaille en Norvège. En tant que Sami, vous êtes en permanence confronté aux structures et hiérarchies de pouvoir; vous voyez tellement d’injustices à l’endroit des peuples autochtones que vous adoptez une position critique envers ces systèmes. Dans un tel contexte, il y a un besoin évident de créer des plateformes samies pour la discussion. C’est ce que j’essaie de faire avec Girjegumpi/la Bibliothèque architecturale samie.


Je vois la Bibliothèque architecturale samie comme une création de lieu. Ce sont des endroits où nous nous extirpons des modèles de structure de pouvoir qui nous étouffent, nous définissent et nous contrôlent, modèles créés par les nations-États quand elles œuvrent au sein de formats institutionnels.


Nous avons une obligation de promouvoir les points de vue des Samis, car c’est là qu’existent les systèmes de savoir fondés sur le territoire. Ils disparaissent et, plus nous rationalisons nos paysages, plus nous réduisons le territoire et l’espace dont nous avons besoin pour qu’existent notre culture et nos technologies en symbiose avec la terre. Pour moi, en tant que Sami, l’interrelation entre maison et terre est une dimension très présente. C’est une ligne directrice, qui vous force à respecter un certain mode de pensée et de rattachement.
TP
Cette exposition porte, selon moi, sur les espaces dirigés par les Inuits, les Samis, les Autochtones du Nord et je crois qu’il est très important pour nous de considérer l’autodétermination dans tous ses aspects, non seulement au sens politique, mais dans la vie quotidienne. Il s’agit d’endroits où les Inuits sont les seuls à déterminer ce qui est authentiquement Inuk.
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