Mettre en doute la théorie

Dijana O. Apostolski, Jana Berankova, Amir Taheri, Vitório Leite

Voici le deuxième volet de « Mettre en doute… », une série de lectures sceptiques des intersections élastiques entre le droit et l’environnement bâti, rédigées par les participants au séminaire Outils d’aujourd’hui 2021 Légalités pour vivre et introduites par Shivani Shedde. Dijana O. Apostoloski s’interroge sur la manière dont les corps idéaux ont influencé les proportions des ornements du début de l’ère moderne, Jana Ndiaye Berankova analyse le statut polarisant de la linguistique dans le discours architectural des années 1970, Amir Taheri considère l’utilisation appliquée de la sémiotique par Peter Eisenman dans ses premières expériences de logement, et Vitório Leite explore la manière dont le concept d’indétermination façonne l’engagement communautaire et les approches du design orientées sur l’utilisateur. Chaque auteur remet en question la théorie pour explorer la manière dont la forme architecturale génère - ou restreint - le sens et l’accès.

Mettre en doute le pied d’Hercule

Dijana O. Apostolski

Vincenzo Scamozzi, « Les cinq ordres de l’architecture » dans L’idea dell’architettura universale (1615), II:VI:II, p. 6. Res/2 A.civ. 183-1,1/2, Bayerische Staatsbibliothek, Munich

Dans la deuxième partie de son ouvrage L’idea dell’architettura universale (1615), l’architecte et théoricien du début de l’ère moderne Vincenzo Scamozzi (1548–1616) prônait le recours essentiel au module architectural dans la pratique conceptuelle. Il affirmait que l’architecture devait suivre les archétypes et mesures établis par la « nature », comme normes pour chaque genre, espèce, type ou race. Scamozzi a choisi le corps d’Hercule et son pied, que Pythagore, comme mesure standard uniforme afin de déterminer les proportions de la « vraie architecture » par rapport à des corps et des normes divergents1. Selon l’architecte, le pied d’Hercule et son rapport hauteur-pied établissaient les proportions « correctes » de la base d’une colonne et de son rapport hauteur-base, la proportion globale des ordres classiques et celles de l’architecture universelle. Faisant appel à la nécessité naturelle de l’architecture de suivre les mesures idéales d’Hercule, Scamozzi a demandé : « Pourquoi la raison n’utilise-t-elle pas ses poids et mesures pour régir les choses concrètes, à la manière des peines qui sanctionnent les délits?2»

Que nous apprend la glorification du pied d’Hercule par Scamozzi à propos de la façon dont les mesures normatives fondées sur des corps idéaux façonnent le contrôle et le pouvoir en architecture? Scamozzi a conçu sa théorie de cette discipline sur la base de l’autorité de « sages » tels que Pythagore pour justifier des règles et des hiérarchies provisoires comme étant absolues et universelles. Il a également noté que les armées de la Rome antique qui ont « conquis toutes les nations » ont contribué au « criblage naturel » des cinq ordres en examinant l’ornementation étrangère avant de détruire les bâtiments capturés3. S’appuyant sur les affirmations des « sages », les récits impérialistes et les croyances culturelles sur la « nature », Scamozzi a adapté les connaissances architecturales en des termes italocentriques restrictifs.

Ce faisant, l’architecte a synthétisé la dynamique du pouvoir du mécénat au début de l’ère moderne. À l’instar de nombreux théoriciens de l’architecture de son époque, il estimait que l’ordre architectural d’un bâtiment – le type de forme de colonne utilisé – devait correspondre à la fonction de l’édifice et rehausser le statut du commanditaire. Il soutenait ainsi que l’ordre romain convenait à des palais princiers et des édifices construits en l’honneur de certains actes, personnes et familles de « sang noble ». En comparaison, les quartiers assignés aux ouvriers et aux esclaves dans les palais ne devaient porter aucune ornementation4. Faisant siens les conseils du philosophe et historien antique Strabon, il expliqua comment « les grottes des troglodytes en Éthiopie » sont dépourvues de décoration5. En associant des ordres architecturaux à des genres corporels, les théories de Scamozzi ont facilité la codification des formes, ainsi que l’exclusion et la ségrégation des classes et des corps dans les domaines publics et privés du début de l’ère moderne. Les infractions que l’auteur souhaitait limiter semblent avoir trait à des décisions de conception non traditionnelles et dissidentes qui menaçaient de perturber le milieu conservateur et stratifié dans lequel il souhaitait s’élever. Tout comme le pied d’Hercule, la théorie de Scamozzi était intéressée, déterminée et impérieuse.

La manière dont Scamozzi a construit la théorie en s’appuyant sur l’autorité de « sages » perdure dans son principe et dans sa pratique. Le concept des « sages » persiste aujourd’hui à travers des commentaires tels que cette lecture « du soupçon ». Critiquant ces lectures douteuses, Eve Kosofsky Sedgwick a qualifié le regard péremptoire du spécialiste d’« hypervigilance du savoir » qui garantit les histoires normatives et l’expertise institutionnelle. Selon Sedgwick, « la centralité méthodologique du soupçon » est réflexive et imite le modèle de la théorie forte6. Plutôt que de lire avec défiance afin de remettre en question l’autorité des « sages », Sedgwick a offert le modèle de la « théorie faible ». La « théorie faible », comme le soutient l’autrice, est un cadre théorique inquisiteur qui permet de suivre plus attentivement les questions posées par l’objet de l’enquête. Contrairement à la théorie forte, la théorie faible est affective, descriptive et n’offre pas de « vérité absolue ». La théorie forte de Scamozzi démontre comment l’exclusion architecturale du début de l’ère moderne a fonctionné grâce à des références anthropomorphiques normatives et à des notions de vérité universelles. En nous éloignant des manuels et traités pour répondre à d’autres modèles de preuves architecturales, nous pourrions construire des « théories faibles » autour des formes atypiques, sans ornements, sur-ornementées et vernaculaires qui s’adressent plus étroitement aux corps, aux membres et aux pieds qui les ont conçues, construites et occupées.


  1. Vincenzo Scamozzi, L’idea dell’architettura universale…divisa in X libri: Lib. Sesto, Cap. II, Venise, Expensis auctoris, 1615, p. 4; traduit en anglais dans Vincenzo Scamozzi, Vincenzo Scamozzi, Venetian Architect : The Idea of a Universal Architecture, Book VI : The Architectural Orders and Their Application, trad., Patti Garvin, Koen Ottenheym et Wolbert Vroom, Amsterdam, Architectura & Natura Press, 2008, p. 55 [ traduction libre en français]. 

  2. Scamozzi, L’idea dell’architettura universale, p. 4, traduit dans Scamozzi, Venetian Architect, p. 55 

  3. Scamozzi, L’idea dell’architettura universale, p. 30, traduit dans Scamozzi, Venetian Architect, p. 113 [traduction libre en français]. 

  4. Scamozzi, L’idea dell’architettura universale, p. 104–105, traduit dans Scamozzi, Venetian Architect, p. 241 [traduction libre en français]. 

  5. Scamozzi, L’idea dell’architettura universale, p. 15, traduit dans Scamozzi, Venetian Architect, p. 76 [traduction libre en français]. 

  6. Eve Kosofsky Sedgwick et Adam Frank, « Paranoid Reading and Reparative Reading », Touching Feeling: Affect, Pedagogy, Performativity, Durham, Duke University Press, 2003, p. 125 [traduction libre en français]. 

Mettre en doute la linguistique

Jana Berankova

Institute for Architecture and Urban Studies, Schéma p. 19 pour la demande de subvention du Program in Generative Design au National Institute of Mental Health (NIMH) Department of Health, Education, and Welfare, 15 janvier 1973. Copie reprographique. ARCH401304. Institute for Architecture and Urban Studies fonds, CCA. © CCA

En 1971, Diana Agrest et Mario Gandelsonas ont travaillé avec Peter Eisenman et Duarte Cabral de Mello sur un projet de recherche intitulé « The Program in Generative Design », le programme en conception générative. Ce projet a reçu une importante subvention du National Institute of Mental Health, qui a permis d’assurer le financement de l’Institute for Architecture and Urban Studies de New York1. Dans la demande de subvention, les auteurs, influencés par le structuralisme et la sémiotique, proposaient d’examiner les mécanismes par lesquels les formes architecturales acquièrent une signification et comment elles agissent comme des signes. À l’aide de diagrammes complexes et d’une terminologie ancrée dans la linguistique, ils ont cherché à créer quatre modèles pour expliquer la façon dont l’environnement bâti génère des comportements et des formes qui communiquent un sens, lequel change et se transforme en fonction de contextes sociohistoriques et de références codées.


Une lecture attentive de ce texte révèle cependant une nette discordance entre la compréhension théorique d’Eisenman et celle des trois autres contributeurs quant à la relation entre la forme architecturale et le sens2. Le titre de ce projet collaboratif fait directement allusion à l’intérêt d’Eisenman pour le philosophe Noam Chomsky, qui a proposé la théorie controversée de « grammaire générative », selon laquelle la variation linguistique dérive d’un ensemble inné et universel de règles grammaticales. Contrairement à l’idée d’Eisenman voulant que la forme architecturale engendre indépendamment des transformations et des variations de sens, Agrest, Gandelsonas et Cabral de Mello ont soutenu qu’elle est « simplement un mécanisme, un dispositif de changement et non le générateur de celui-ci », et que sa signification ne peut donc pas être considérée indépendamment des contextes sociaux, culturels et politiques de sa conception3.

Le projet de recherche est une sorte de chiasme de points de vue plutôt qu’un document théorique cohérent, qui combine deux orientations concurrentes : d’une part, l’intérêt d’Eisenman pour des formes géométriques pures et prétendument « universelles » qui existent « indépendamment de l’histoire », et, d’autre part, la croyance d’Agrest, Gandelsonas et Cabral de Mello dans le conditionnement social4. En 1972, Gandelsonas a publié un article, « On Reading Architecture », dans lequel il aborde le travail d’Eisenman selon ce que le philosophe Louis Althusser appelait la « Généralité I » : un schéma idéologique préexistant qui ne produit un objet d’analyse théorique significatif et productif que quand il est critiqué (« Généralité III »)5. D’une certaine manière, Gandelsonas a suggéré qu’une interprétation rigoureuse, consciente et documentée pouvait résulter de la mise en doute d’un « objet abstrait » initial – le travail et la pensée d’Eisenman.


Suite à la prétendue « fin de la théorie » et au tournant postcritique du début du millénaire, la linguistique est tombée en disgrâce dans la pensée architecturale au profit d’approches plus socioculturelles. Cependant, si nous suivons l’approche prudente de Gandelsonas, nous pourrions peut-être générer de nouvelles méthodes d’interprétation en remettant en question les termes standard et la doxa du discours architectural, en réexaminant les vieux débats et les théories « dépassées », et en repensant la relation de plus en plus entremêlée entre la forme et le sens.


  1. En 1972, le projet d’Agrest, Gandelsonas, Eisenman et Cabral de Mello a reçu une subvention de deux ans du National Institute of Mental Health (NIMH), laquelle n’a pas été renouvelée. Voir « Program in Generative Design » (1970), p. 73, AP057.S2.SS6, CCA. 

  2. Gandelsonas considère que la nature apolitique du travail d’Eisenman constitue la principale lacune de son projet. Il a également brièvement critiqué, dans son essai « Not the Last Word » (1993), la « suppression du politique et du social » d’Eisenman. Voir Mario Gandelsonas, « Not the Last Word », Any, no 1 (1993), p. 62. 

  3. Diana Agrest, Mario Gandelsonas, Peter Eisenman, Duarte Cabral, « Program in Generative Design, Grant Application » (1973), p. 23, ARCH.401304, CCA. 

  4. Agrest et. al., « Program in Generative Design, Grant Application », p. 27. 

  5. Mario Gandelsonas, « On Reading Architecture », Progressive Architecture, no 3 (mars 1972), p. 68–87. 

Mettre en doute le signe

Amir Taheri

Peter Eisenman, Esquisse pour House VI, Cornwall, Connecticut (1972-1975). Graphite, crayons de couleur, encre et collage sur papier translucide. DR1994:0134:342. Peter Eisenman fonds, CCA. © CCA

Dans le sillage du virage linguistique qui a dominé la théorie critique et influencé le discours architectural dans les années 1960 et 1970, Peter Eisenman tente de jeter un pont entre la philosophie de la perception et la sémiotique dans ses premiers travaux, traduisant le domaine théorique des signes et de leurs significations dans la réalité physique de l’environnement bâti. S’intéressant à l’idée du signe non motivé, particulièrement dans son texte « The Diagram and the Becoming Unmotivated of the Sign », Eisenman propose de nouveaux cadres pour la pratique conceptuelle en architecture qui remettent en question les normes d’autorat, de sens et de représentation1. Il commence ce texte par un compte rendu mettant en doute la conceptualisation par Charles Sanders Peirce du signe linguistique dans des termes architecturaux. Dans sa sémiotique, Peirce définit trois catégories de signes : l’icône, le symbole et l’indice. Une icône présente une similitude visuelle avec son objet (comme un portrait), un symbole est arbitraire et culturellement défini (les drapeaux nationaux) et l’indice montre une relation physique ou temporelle avec son référant (telles des traces de pas dans le sable). Peirce distingue de plus cette triade par ce qu’il appelle la motivation. Selon lui, les icônes et les symboles n’ont pas de lien direct – ou de motivation – entre le signe et ce qu’il signifie. Par ailleurs, les signes indiciels sont motivés, en cela que le signe n’est pas arbitraire, mais explicitement ou implicitement directement relié, d’une certaine façon, physiquement ou causalement, au concept qu’il signifie.

Eisenman conçoit la possibilité du signe indiciel non motivé comme ouvrant potentiellement de nouvelles voies de création et de lecture de l’espace architectural. Comme il l’explique, du fait de la physicalité de l’architecture, dans la forme bâtie, le signe et le signifié fonctionnent comme une seule et même chose, unifiée par leur présence réelle. En d’autres termes, les signes architecturaux sont intrinsèquement motivés : la forme construite d’une structure donnée est directement liée à l’objet bâti, plutôt qu’à une idéation symbolique ou métaphorique. La tangibilité peut être comprise comme la condition autoréférentielle intrinsèque de l’architecture bâtie2. Autrement dit, la présence physique de formes construites court-circuite un mode d’analyse sémiotique.

Afin d’exposer la nature arbitraire de la signification, Eisenman recourt au diagramme pour introduire ce qu’il décrit comme une « motivation interne » dans le processus de conceptualisation de ses premières maisons, utilisant des schémas génératifs qui sont purement autoréférentiels et, par conséquent, purement formels3. Dans la figure 1, Eisenman tente de déterminer une composition pour la circulation verticale de la House VI (Cornwall, Connecticut, 1972–1975). Un escalier renversé en rouge cristallise le fonctionnement théorique de l’architecture conceptuelle, en contraste et opposition avec l’escalier correctement opérationnel en vert. L’escalier renversé rouge est explicitement dépourvu de fonction pratique, et donc perceptuelle; il s’agit d’une entité formelle par laquelle Eisenman « démotive » le signe architectural de l’escalier, libérant sa représentation de la signification d’un acte de circulation verticale. Dans un tel cas, il arrive à ce que l’architecte et critique Silvio Cassarà qualifie de chronique d’une architecture « imprévue » – une architecture qui est virtuelle en ce sens qu’elle incarne une mémoire de sa condition passée, projetée comme une trace établie d’une idée délibérément déplacée et décontextualisée4.

En mettant en doute le signe architectural, le jeune Eisenman propose des stratégies non traditionnelles de lecture, d’interprétation et d’écriture à propos de l’architecture et de sa représentation. En se servant du diagramme, il présente le signe architectural « non motivé » comme un signe qui n’est plus défini par sa fonction perceptuelle et utilitaire, ni même par l’ordre géométrique et la composition. Il s’agit d’une sorte de signe indiciel qui vise à produire des objets ayant davantage à voir avec des relations purement formelles et spatiales, des superpositions et, selon ses propres termes, « une (des) lecture(s) erronée(s)» de l’espace architecturale.


  1. Peter Eisenman, « The Diagrams and the Becoming Unmotivated of the Sign », dans The Diagrams of Architecture, Mark Garcia (dir.), Chichester, Wiley, 2010, p. 207. 

  2. Markus Breitschmid aborde une notion similaire à celle de l’autoréférentialité en architecture. Voir Markus Breitschmid et Valerio Olgiati, Non-Referential Architecture, Zurich, Park Books, 2019, p. 79. 

  3. Peter Eisenman, Diagram Diaries, New York: Universe Publishing, 1999, pp. 27-35. 

  4. Silvio Cassarà, Peter Eisenman Feints, Milan, Skira, 2006, p. 9. 

  5. Peter Eisenman, “Misreading Peter Eisenman,” in Written into the Void: Selected Writings 1990-2004, (New Haven and London: Yale University Press, 2004), pp. 208-225. 

Mettre en doute la détermination

Vitório Leite

James Stirling, Plan de coupe annexé à une lettre de James Stirling à Peter Land, 1 février 1972. James Stirling/Michael Wilford fonds, CCA. © CCA

En février 1972, James Stirling envoyait à Peter Land une lettre à laquelle il joignait des dessins et des notes d’ingénierie pour un projet pilote d’habitations, PREVI [Proyecto Experimental de Vivienda] à Lima1. Dans ce court document, Stirling demandait que certaines parties des habitations soient érigées d’une manière « plus naturaliste » afin de donner l’impression d’avoir été autoconstruites, par exemple en ajoutant des éléments en brique et en béton bruts qui contrastaient avec les caractéristiques finement détaillées du design initial2. Comme dans la plupart des autres propositions du projet pilote, la construction finale n’avait pas clairement été planifiée durant le processus de conception; l’indétermination était attendue et désirée comme un résultat de sa réalisation.

Le message de Stirling à Land ne contenait pas seulement des directives techniques, mais répondait également à l’intérêt des organisateurs et des planificateurs du projet PREVI pour des stratégies d’agrandissement, comme le confirme une lettre de recommandation des Nations Unies . Certains architectes engagés dans le projet PREVI se sont concentrés sur l’innovation sociologique offerte par le projet : le contrôle par les résidents de la construction continue de leurs maisons et de leurs quartiers. En tenant compte de la participation active des habitants à la réalisation des améliorations et des agrandissements apportés aux logements, les unités d’habitation ont été conçues comme pouvant évoluer au fil du temps, de même que pour les espaces de travail ou dédiés à la vente au détail. Malgré son scepticisme face à la mise en œuvre de PREVI, l’architecte John F.C. Turner a reconnu l’une de ses caractéristiques principales : la plupart des décisions architecturales prises par les urbanistes et les designers prenaient en compte le fait que « le logement est une activité de construction communautaire, et pas un simple produit3» .

Le programme PREVI a mis en évidence un intérêt croissant pour des façons plus ouvertes de construire des logements. Dans les années 1960 et au début des années 1970, certains architectes et urbanistes comme Aldo Van Eyck, Fumihiko Maki ou Christopher Alexander ont réformé les méthodes de conception modernes en les fondant sur la rationalité, la fonctionnalité programmatique et l’optimisation de la santé physique. Ils ont pris en compte la manière dont diverses subjectivités percevaient l’environnement bâti et ont promu un mode de planification et de conception plus inclusif, conditionnel et adaptatif. Simultanément, le mouvement contre-culture se préoccupait de ce que le sémioticien Umberto Eco appelait « l’indétermination de la forme poétique » et cherchait à ouvrir les pratiques politiques, artistiques, scientifiques et architecturales à un plus large éventail de critiques et de sensibilités, y compris à la participation du public4. Eco voyait dans cette évolution culturelle l’un des changements les plus radicaux et humanistes de son époque, dans la mesure où elle encourageait l’intervention des utilisateurs et des observateurs dans la production de sens, ce qui, selon lui, transformait les expériences artistiques, scientifiques et architecturales statiques en expériences plus dynamiques.


L’ouverture dont les architectes de PREVI ont fait preuve à l’égard de l’indétermination et de la contradiction de leurs projets a conduit à des pratiques plus sociales. Dans les années 1970, ces architectes révisaient le mode de pensée moderne par le biais de processus de conception dépassant les cadres juridiques et leurs propres méthodologies ou préjugés culturels. Aujourd’hui, leur héritage soutient les pratiques d’architectes qui, au lieu de simplement concevoir des objets ou des villes intelligents, fonctionnels et beaux, tentent d’engendrer des outils plus utiles et des mécanismes inclusifs pour la transformation des réalités sociospatiales.


  1. PREVI Lima est un programme d’habitations mis en œuvre de 1965 à 1973 par le gouvernement péruvien et les Nations Unies afin de résoudre la grave pénurie de logements au pays. James Stirling a été l’un des architectes invités à participer. Peter Land était consultant pour le gouvernement péruvien et chef du projet PREVI.  

  2. James Stirling, « Letter from James Stirling to Peter Land » 1er février 1972. AP140.S2.SS1.D35.P6, CCA. 

  3. John F.C. Turner, « Preface », dans ¡El Tiempo Construye! El Proyecto Experimental de Vivienda (PREVI) de Lima: génesis y desenlace, Fernando Garcia-Huidobro, Diego Torriti et Nicolás Tugas (dir.), Barcelone, Editorial Gustavo Gili, SL, 2008. 

  4. Umberto Eco, Obra aberta, traduit en portugais par João R. N. Furtado, Lisbonne, Relógio d’Água, 2016 [1962][traduction libre en français]. 

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