En 1942, l’économiste autrichien Joseph Schumpeter invente l’expression « destruction créatrice » pour qualifier le processus de changement à l’œuvre dans l’économie essentiellement industrielle du XXe siècle.1 Défini par la modernité, ce siècle révolu a accueilli des idées et des technologies nouvelles tout en célébrant le chambardement du monde ancien. Pour Schumpeter, l’innovation crée l’obsolescence.

Aujourd’hui, à l’ère de l’information, l’innovation occupe une place centrale dans nos vies, au point que les nouvelles découvertes technologiques radicales font partie intégrante de notre quotidien. Ces innovations nous parviennent en si grand nombre et si rapidement qu’il nous est difficile de nous adapter à toutes les façons dont elles nous affectent. En revanche, cette immense vague d’innovations a aussi créé une ère de l’obsolescence ayant ébranlé les fondements de notre société et de notre culture. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les médias physiques. Je ne parle pas seulement des photographies, mais aussi des livres, des journaux et des enregistrements de musique – pour n’en citer que quelques-uns – qui sont réinventés sous de nouvelles formes; je pense que nous éprouvons tous, jusqu’à l’anxiété, le besoin de rester à l’affût de l’innovation pour ne pas demeurer en reste ou devenir obsolètes.

La ville de Chandigarh, en Inde, marquée par ses bâtiments et ses quartiers modernes, ses parcs d’habitation et de loisirs, ses infrastructures et ses paysages, a été pleinement associée à un seul designer occidental: Le Corbusier. Mon objectif est plutôt de rendre compte de la contribution de Pierre Jeanneret à la construction de cette nouvelle capitale administrative de l’État du Pendjab, situant Pierre Jeanneret dans sa relation avec Chandigarh comme étant également indispensables, afin d’initier une évaluation des contributions professionnelles et culturelles de Jeanneret. Tout en examinant les multiples facettes des responsabilités de Pierre Jeanneret au cours de son long mandat d’« Architecte principal » pour le projet de Chandigarh, je souhaite dévoiler son rôle comme l’un des acteurs majeurs du développement de la ville. Les mandats de Jeanneret à Chandigarh vont de superviseur de bâtiment pour la zone monumentale du Capitole, à chef de projet et développeur de plans pour les logements et les lieux publics; de la conception de mobilier à la formation de l’équipe de jeunes architectes indiens qui furent ses collaborateurs pendant une quinzaine d’années. À ce titre, Jeanneret a joué un rôle clé dans le transfert de connaissances qui a fonctionné comme un moyen de créer le langage de l’architecture indienne moderne.

Le programme pour boursiers et chercheurs principaux de la fondation Mellon du CCA a été mis sur pied en 2001 afin d’encourager la recherche de pointe en histoire et en philosophie de l’architecture. Grâce au généreux concours de The Andrew W. Mellon Foundation, le CCA a invité des chercheurs réputés pour des résidences d’un à huit mois, se terminant par une conférence publique.