Lorsque nous marchons sur un tapis, nous l’envisageons rarement comme un objet qui contrôle l’espace. Bien que les tapis soient les éléments de design prédominants dans certains lieux, les historiens de l’architecture ne se sont presque jamais penchés sur les motivations qui sous-tendent leur conception et leur positionnement, ni sur leurs effets psychologiques et leur incidence sur l’atmosphère. L’exposition Ces tapis qui nous façonnent explore les modalités d’action de la moquette au sein de l’architecture.

Avec l’essor du très grand bâtiment en tant qu’interprétation capitaliste du rêve de la mégastructure libératrice des années 1960, le tapis devient un protagoniste à part entière, à partir duquel il est possible de questionner les notions de contrôle, d’auteur et d’économie. Les hôtels, les casinos, les centres de congrès et les espaces de bureaux sont souvent ornés de tapis déroutants, bigarrés et déconcertants. Ces moquettes sont parfois conçues par des architectes, mais la plupart du temps, elles sont l’œuvre de designers corporatifs, de règles d’image de marque ou même issus des comportements des utilisateurs. Les spécialistes du secteur de l’hospitalité se sont efforcés de mettre sur pied une alchimie de la conception de tapis et de moquettes qui permettent d’intensifier les expériences et les habitudes servant les intérêts des propriétaires des lieux.

Ces tapis qui nous façonnent comble ce clivage entre architecture et design en alliant des documents contemporains à des matériaux tirés d’un vaste éventail d’archives et de sources commerciales. Cette documentation permet de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les architectes ont renoncé à concevoir les tapis dans le cadre de leurs projets et ont si souvent échoué à créer des moquettes qui mettraient en valeur leurs bâtiments plutôt que de les neutraliser. L’exposition présente les objectifs et techniques des designers employés par les entreprises de revêtement de sol. Elle explore comment les chartes de design des grandes entreprises ont pris en charge la production de tapis, en accord avec les stratégies de marque. Ainsi, elle dévoile le rôle clé que jouent les moquettes dans le conditionnement du comportement des utilisateurs et la transformation des espaces architecturaux en dispositifs axés sur la recherche de profit.

Ces tapis qui nous façonnent vise à mettre en contexte et à déconstruire les mécanismes qui définissent certains des lieux les plus lucratifs et extravagants conçus de nos jours.

Commissaire : Dan Handel
Graphisme : House9, Montréal (Farah Kahn, Louis Dollé, Sheena Hoszko)
Vidéographe : Ralitsa Doncheva
Recherche curatoriale : Emilie Retailleau
Développement du design : Sébastien Larivière, Anh Truong