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Shukri Sultan et Endriana Audisho, Julia Ramos et Jacqueline Tran dévoilent les histoires construites à partir de la manière dont la photographie est collectée, documentée et partagée.

Cet article est le deuxième d’une série de réflexions sur la valeur de l’interprétation combinée à la pratique technique du catalogage, rédigées par le personnel du CCA et des chercheurs invités et introduites par Martien de Vletter. Nous examinons ici la construction de récits par le biais de la photographie. Shukri Sultan, stagiaire en conservation au CCA (2022-23), découvre les histoires complexes d’un bâtiment caché dans l’entrée de catalogue d’une photographie de la collection du CCA, et Endriana Audisho, Julia Ramos et Jacqueline Tran examinent les contre-récits élaborés par la diffusion de photographies sur les médias sociaux.

Au-delà d'une légende

Shukri Sultan examine ce qu'il reste à déterrer

John Thomson, Vue de l’entrée du Huiziying Qingzhensi (mosquée du camp turco-musulman, aujourd’hui démolie), Pékin (aujourd’hui Beijing), Chine, 1871. Tirage argentique à l’albumine, 23.5 x 18.2 cm. PH1980:0940 CCA.

Pour tous les musulmans, la direction de la prière – qu’ils se trouvent dans un gymnase réaménagé à Utqiagvik, en Alaska, ou dans une mosquée bédouine en plein air dans l’est de la Jordanie – est la Kaaba, dans la ville de La Mecque. Pourtant, comme le montre clairement l’image ci-dessus d’une mosquée de Pékin (aujourd’hui Beijing), cette règle impérieuse n’y a pas été respectée. Prise par le géographe écossais John Thomson en 1871, la photo se focalise sur une porte voûtée ornée, surmontée d’un banggelou (minaret) élaboré.1 Au premier plan de la photographie se tient un personnage anonyme dont le rôle et la relation avec le bâtiment sont inconnus. Derrière lui, on distingue à peine quatre personnes assises à l’extérieur de l’enceinte de la mosquée. À côté d’eux, il y a un homme portant un turban et, plus loin à sa droite, deux silhouettes floues. Trop petites pour avoir été délibérément mises en scène, ces figures mineures semblent être des habitants de la région. Sous la scène relativement anodine présentée ici se cache une vérité plus brutale. La mosquée présumée au centre de cette photographie n’était pas orientée vers La Mecque, mais avait été conçue et construite de manière à faire face au trône de l’empereur. À travers cette qibla dénaturée et trompeuse, ce bâtiment incarne l’assujettissement. Cependant, ce détail m’échappait encore totalement quand j’ai découvert cette image dans la collection de photographies du CCA le caractère insuffisant de son titre dissimulait la mystification à l’oeuvre.

Je suis tombée sur cette image en passant en revue une liste d’objets examinée dans le cadre du Projet de catalogage critique. Elle avait alors pour titre Vue de l’entrée principale d’une mosquée, Pékin (aujourd’hui Beijing), Chine. J’ai décidé de vérifier ce qu’il y avait derrière la légende, dans l’idée d’identifier le bâtiment ou d’en savoir plus sur ses détails architecturaux. Par la suite, ce que nous – l’équipe de catalogage critique – avons découvert a révélé un récit truffé de questions d’identité, de pouvoir et d’assujettissement. Une narration qui, dépendamment du narrateur, pourrait être enrobée de romantisme ou absorbée par le génocide. Cette photographie et son histoire contestée résument bien l’affirmation d’Edward Said selon laquelle « les nations sont elles-mêmes des narrations ».2 Et bien que ce récit ait été élaboré par un empereur mandchou, le génocide actuel du peuple ouïghour est inextricablement lié à cette mosquée, car c’est l’idéologie impériale des Qing qui a jeté les bases d’une « Chine multiethnique ». En examinant cette photographie et ses récits cachés, notre défi a consisté à analyser la manière dont l’entrée réservée à l’objet dans le catalogue peut faire écho à cette histoire complexe.

La mosquée de la photo se situe juste à l’extérieur de la Cité impériale de Pékin. Elle a été construite en 1763 sur ordre de l’empereur Qianlong (1736 - 95), prétendument pour consoler et courtiser Xian Fei, sa « Concubine parfumée », une femme turco-musulmane originaire de l’Altishahr (l’actuel Xinjiang) récemment annexé3. Cette figure allégorique légendaire, qui a refusé les avances de l’empereur, symbolise l’intégration forcée du peuple turc dans l’empire Qing.4 La pierre commémore cette union symbolique en combinant les techniques de construction mandchoues et les motifs décoratifs d’Asie centrale. Cette mosquée fut la seule à avoir été construite à même les fonds du trésor de la Cour pendant toute la dynastie Qing (1636-1912), mais ce n’est ni son mécène unique ni son style hétéroclite qui la distinguaient des autres mosquées de Pékin. Sa spécificité résidait plutôt dans l’orientation de la salle de prière. Les musulmans locaux de Pékin, présents dans la ville depuis la dynastie Tang (618-907) et conscients de leur position périphérique et de la distance qui les séparait de la ville sacrée de La Mecque, ont orienté non seulement leurs salles de prière, mais aussi tous les bâtiments annexes d’un complexe de mosquées vers la ville sainte.5 Fait unique, comme nous l’avons déjà mentionné, cette mosquée-ci ne faisait pas face à La Mecque, mais plutôt au trône de l’empereur. 6

La légende originale de la photographie a non seulement omis de transmettre ce récit complexe mais, par son insuffisance, a dissimulé cette histoire. Nous, l’équipe dédiée au catalogage critique, avons entrepris de rectifier cette situation. Grâce à des recherches et à d’innombrables débats sémantiques, nous nous sommes mis d’accord sur la légende révisée (ou reconstruite) actuelle : Vue de l’entrée du Huiziying Qingzhensi (mosquée du camp turco-musulman, aujourd’hui démolie), Pékin (aujourd’hui Beijing), Chine. Ce processus nous a révélé qu’aucune légende n’a de valeur absolue et que le processus de catalogage critique est infini. Dans un souci de concision, des silences et des lacunes se sont formés, et la légende actuelle recèle encore des interrogations sur les noms et sur les identités changeantes. Huiziying Qingzhensi, le nom attribué à ce bâtiment par les historiens, est loin d’être exact et exhaustif.7 Dérivé de la région, il peut se traduire par « camp Hui ».8 Historiquement, le terme « Hui » a eu de multiples usages. Il a d’abord été utilisé comme terme général pour désigner les voyageurs musulmans, chrétiens et juifs d’Asie occidentale.9 Plus tard, le terme a servi à désigner uniquement les musulmans, l’islam étant connu sous le nom de Huijiao (la religion des Hui) et ses adeptes sous le nom de Huijaotu.10 Avec l’avènement du darwinisme social à la fin du XIXe siècle et l’introduction de la terminologie raciale japonaise, minzu, le terme Hui a désigné un groupe ethnoreligieux à part entière, propre aux musulmans sinophones.11 Cependant, cette mosquée a été construite pour un groupe ethnique différent, une communauté turco-musulmane qui, avant la construction de cette mosquée, avait été convertie de force à la sujétion impériale. Le nom de la région et, par la suite, celui de la mosquée datent d’une époque où le terme Hui désignait tous les musulmans, alors qu’il est aujourd’hui uniquement utilisé pour désigner les musulmans sinophones.

La principale difficulté rencontrée lorsqu’on légende cette photographie est la question de savoir si l’on peut qualifier le bâtiment qu’elle représente de qingzhensi (mosquée) ou non. Personnellement, en tant que musulmane, je trouve inconcevable de considérer ce bâtiment comme un qingzhensi il s’agit plutôt d’une folie architecturale, et je présume que les musulmans de Pékin auraient eu, eux aussi, du mal à l’accepter. Du point de vue de la jurisprudence islamique, une mosquée est un lieu qui a été réservé de manière permanente à l’exécution des cinq prières quotidiennes, souvent par le biais d’un waqf, une dotation dont il résulte que le bien n’est plus la propriété du propriétaire, en l’occurrence l’empereur. La fonction première d’une mosquée est d’offrir aux musulmans un espace où ils peuvent se rassembler et pratiquer leur culte collectivement. Malgré les différences entre les sectes ou les écoles de pensée, les manières dont les musulmans accomplissent la prière rituelle varient fort peu. Chaque prière commence de la même manière. Le premier acte consiste à orienter mon corps pour faire face à la qibla. Cela va au-delà de la simple orientation physique. Par ce mouvement, je me parfais et m’accorde à la présence de Dieu, où que je sois. Que penser alors de ce qingzhensi, dont la conception va à l’encontre de cet acte essentiel et déterminant ?

Érigé dix ans après l’annexion d’Altishahr, qui a été synonyme d’anéantissement complet du peuple Dzungar, ce qingzhensi a été construit comme une forme d’humiliation et de mise en tutelle du peuple turco-musulman.12 S’immiscant dans leurs prières quotidiennes, l’empereur a commémoré l’asservissement des Turco-musulmans en leur bâtissant un lieu de culte qui défie les principes fondamentaux de leur foi.13 Plutôt que de considérer cet édifice comme un lieu de culte, on peut le lire dans le contexte plus large d’une construction de monuments commémoratifs de guerre, commandée par l’empereur Qianlong. La stela, qui se trouvait autrefois dans l’enceinte du qingzhensi, présente un texte de l’empereur inscrit en quatre langues : mandchou, chinois, mongol et turque (aussi connue sous le nom de chagatai, écrit en perso-arabe). La multiplicité des langues est une réitération de la quête impériale des Qing pour redéfinir la Chine et ce qui constitue une langue chinoise.14 Le texte exagère l’importance de la mosquée en proclamant l’émerveillement des visiteurs et en affirmant faussement qu’il s’agit de la première mosquée construite en Chine, alors que la présence des musulmans est alors constante depuis au moins le VIIème siècle.15 Le seul aspect inédit du Huiziying Qingzhensi est la direction de la prière.16

En dépit de l’histoire violente qui a entouré la création de ce bâtiment, il existe des preuves que ce qingzhensi était apprécié et utilisé comme lieu de culte par certains fidèles. Lorsque le qingzhensi a été démoli sur ordre de Yuan Shikai (premier président de la République de Chine, 1912-16), Ma Rong’en, l’Akhun de l’époque, a tenté de le reconstruire, sans y parvenir cependant, avant de mourir en 1937.17 Même si la communauté considérait l’édifice et l’utilisait comme un qingzhensi en dépit de sa conception, peut-on vraiment le percevoir comme tel ?18 Cependant, il est difficile d’apprécier cette forte valorisation, car seules les voix des dirigeants masculins de la communauté – ceux qui sont « dotés de la gravité et de l’autorité d’un acteur historique »19 — sont présentées dans les écrits des historiens.20 Comment alors attribuer un pouvoir d’action aux figures marginales et accidentelles de la photographie (et à d’autres similaires) ? Malgré l’inscription de l’empereur suggèrant que le qingzhensi n’était pas ouvert au public, il est possible que ces personnages accidentels se soient approprié l’espace, aient ignoré la fausse qibla et aient prié face à l’ouest, en direction de La Mecque, revendiquant ainsi son statut de mosquée.21

Le passé et le présent s’influencent mutuellement. En revisitant cette légende, j’ai tenté la tâche impossible de « reconstruire le passé… tout en essayant de décrire de manière indirecte les formes de violence autorisées dans le présent ».22 Les descendants de la communauté turco-musulmane, à l’instar des vestiges du bâtiment, ont maintenu leur présence sur le site jusqu’en 2008, date à laquelle la zone a été réaménagée par le gouvernement de la ville. N’étant plus enregistrés comme Turcs, ses membres ont désormais été considérés comme des « Huizu », des sino-musulmans.23 Toutefois, la sinisation de cette communauté était en cours bien avant 2008. Lors de sa visite en 1910, le missionnaire Marshall Broomhall a constaté que seuls les membres les plus âgés de la communauté parlaient encore une langue turque et que, pour la jeune génération, « toutes leurs coutumes et leurs vêtements, à l’exception des questions religieuses, étaient purement chinois ».24 Ainsi, le projet de l’empereur Qianlong d’assimiler les Turco-musulmans de ce quartier s’est réalisé en un peu plus d’un siècle et ce processus se poursuit encore aujourd’hui.

La photographie et le langage sont au cœur de la diffusion du projet contemporain du PCC auprès du public. Au cours de la dernière décennie, le sort des Ouïghours a fait l’objet d’une plus grande attention grâce à des recherches de sources ouvertes et à des fuites de rapports qui révèlent un appareil de terreur – composé de camps d’internement, de pensionnats, de stérilisation et de travail forcé – conçu pour éradiquer l’identité et la culture ouïghoures25 26 Et comme la fausse qiblah du Huiziying Qingzhensi, cette bataille est menée dans l’espace à travers les styles architecturaux des mosquées et la prolifération de la technologie de la surveillance dans les villes. En revanche, les sino-musulmans de Chine jouissent d’une plus grande liberté religieuse, avec des moments d’indulgence, comme au début des années 2000, où l’on a assisté à une augmentation de la participation au Hajj – bien que dans des conditions strictes27 – mais ils ont commencé à ressentir le poids de la quête du PCC visant à produire une version “sinisée” de l’islam28. Ce traitement contradictoire des minorités musulmanes par le PCC imite le récit de la Concubine parfumée et montre comment « les Ouïghours sont devenus racialement musulmans d’une manière que les Hui sinophones n’ont pas connue »29.

Les objets historiques ne peuvent pas être enfermés dans le passé. La lecture de cette photographie d’une mosquée construite dans les années 1760 à Pékin peut nous aider à comprendre l’utilisation de l’architecture comme outil de contrôle, en particulier au regard du traitement actuel des Ouïghours en Chine. Si la légende révisée, à savoir les mots attribués à cette image, demeure synonyme de silences et de lacunes, elle ne dissimule plus. Elle met au jour désormais une bataille de récits.


  1. Thomson a pris cette photographie lors de sa deuxième expédition en Asie en 1871, plus d’un siècle après sa construction, d’où son délabrement et sa détérioration. 

  2. Edward Said, Culture and Imperialism, (Londres : Vintage Random House, 1994), xiii. 

  3. La partie du bassin du Tarim de l’actuel Xinjiang a été historiquement appelée Altishahr, qui, bien que n’apparaissant sur aucune carte, est un terme qui persiste dans le langage quotidien des Ouïghours, voir Rian Thum, The Sacred Routes of Uyghur History, (Cambridge, Massachusetts : Harvard University Press, 2014), 3.  

  4. Il existe des documents historiques faisant état d’une femme turque qui est entrée dans le Haram impérial des Qing dans les années 1760. Toutefois, son nom et son récit sont contestés et ont été embellis et romancés dans la culture populaire chinoise. Voir James A Millward, A Uyghur Muslim in Qianlong’s Court : The Meaning of the Fragrant Concubine (The Journal of Asian Studies 53, no. 2 (1994) : 427–58.) https://doi.org/10.2307/2059841.  

  5. Toutes les mosquées ne sont pas construites face à La Mecque, en particulier lorsqu’elles sont situées dans des bâtiments réaffectés. Cependant, à l’intérieur, la salle de prière est orientée face à La Mecque et la direction de La Mecque est généralement indiquée par le mihrab (une niche dans le mur). C’est le cas, par exemple, de la récente mosquée centrale de Cambridge, conçue par Marks Barfield Architects au Royaume-Uni.  

  6. Ceci est évident dans un certain nombre de sources écrites, voir Tristan G. Brown, Towards an Understanding of Qianlong’s Conception of Islam : A Study of the Dedication Inscriptions of the Fragrant Concubine’s Mosque in the Imperial Capital, (Journal of Chinese Studies No. 53, July 2011) 143 

  7. Brown, 138  

  8. Depuis la dynastie Tang et jusqu’à aujourd’hui, il y a eu diverses enclaves musulmanes à Pékin, certaines également appelées Huiziying, souvent en périphérie de la ville. Voir Wenfei Wang, Shangyi Zhou, C. Cindy Fan, Growth and Decline of Muslim Hui Enclaves in Beijing”, (Eurasian Geography and Economics, 2002,) https://doi.org/10.1080/10889388.2002.10641195  

  9. De même, le mot “Qingzhensi” était utilisé pour désigner les synagogues, voir Marshall Broomhall, Islam in China : A Neglected Problem, (China Inland Mission, 1910) https://archive.org/details/bub_gb_ObcNAAAAIAAJ/mode/2up, 176 -177 

  10. Kelly A. Hammond, China’s Muslims & Japan’s Empire, (The University of North Carolina Press, 2020), 9  

  11. Le mot minzu a de multiples significations, telles que nationalité, peuples, etc. Il y a au total 56 minzu reconnus en Chine, dont 10 sont musulmans, les Hui formant le groupe le plus important, suivis par les Ouïghours.  

  12. L’Empire Qing a annexé deux régions d’Asie centrale, d’abord la Dzoungarie en 1755, puis le bassin du Tarim en 1758, en les intégrant et en les rebaptisant Xinjiang, la “nouvelle frontière”. La tribu mongolienne des Dzungar, qui y résidait auparavant, a fait l’objet d’un nettoyage ethnique dans la région, voir Levene, Mark. “Empires, peuples indigènes et génocide”. Dans Empire, Colony, Genocide : Conquest, Occupation, and Subaltern Resistance in World History, édité par A. Dirk Moses, 1ère édition, 183-204. Berghahn Books, 2010. http://www.jstor.org/stable/j.ctt9qd5qb.11. 

  13. L’islam est une religion sans intermédiaire, chaque musulman communique directement avec Dieu sans l’intervention d’un imam. Par conséquent, le fait que l’empereur s’immisce dans leur culte porte atteinte aux principes fondamentaux de la religion. 

  14. Gang Zhao, Reinventing China : Imperial Qing Ideology and the Rise of Modern Chinese National Identity in the Early Twentieth Century, (Modern China 32, no. 1 (2006) : 3-30.) http://www.jstor.org/stable/20062627. 

  15. Pékin abrite la mosquée de la rue Ox, fondée au 10e siècle, et l’historien Yang Naiji note que la Huiziying, par sa taille et son style, est tout à fait insignifiante par rapport à elle. Voir Yang Naiji 楊乃済 “Xiangfei Chuanshuo yu baoyuelou, huiziying” 香妃 伝説与宝月楼・回子営 [Légende de Xiangfei, le haut bâtiment du trésor de la lune et le camp turco-musulman].Gugong bowuyuan yuankan 故宮博物院 月刊, 3 (1982) : 44-48. 

  16. La Qiblah n’a pas toujours été La Mecque, mais dans les premières années de l’islam, c’était Jérusalem. En 623 de notre ère, le prophète Mahomet reçut l’ordre de Dieu de changer la direction de la prière de Jérusalem à La Mecque.  

  17. Après la démolition de la partie du mur impérial située au sud de Baoyuelou (aujourd’hui porte de Xinhua), où la rumeur veut que la concubine parfumée ait résidé, la proximité du Qingzhensi et du complexe de Zhongnanhai déplut à Yuan Shikai, qui proposa tout d’abord de déplacer la mosquée. Cela a suscité l’objection de Ma Rong’en, ce qui a irrité Shikai qui a alors ordonné sa démolition (voir Onuma, 47). 

  18. Il y avait environ 40 mosquées à Pékin à cette époque, on peut supposer que la plupart des musulmans auraient préféré fréquenter une autre mosquée plutôt que Huiziying Qingzhensi. 

  19. Saidiya Hartman, Wayward Lives, Beautiful Experiments, (Grande-Bretagne : Serpent’s Tail, 2019), xiii.  

  20. Je n’ai pas personnellement enquêté sur les archives, mais je me suis appuyée sur les écrits d’historiens tels que Takahiro Onuma, qui dans son texte en dehors de la résidence actuelle et de la concubine parfumée ne fait référence qu’aux voix des chefs masculins de la communauté.  

  21. Brown, 143 

  22. Saidiya, Hartman “Venus in Two Acts”. Small Axe 12, no. 2 (2008), 13 

  23. Onuma, 54 

  24. Broomhall, 263 

  25. Adoptant le langage de la guerre et de la terreur, les Ouïghours sont qualifiés de terroristes pour le simple fait de se laisser pousser la barbe, d’utiliser Whatapps ou de voyager à l’étranger et sont envoyés dans des camps d’internement, voir Raffi Khatchadourian, “Surviving the Crackdown in Xinjiang”, The New Yorker, 5 avril 2021, https://www.newyorker.com/magazine/2021/04/12/surviving-the-crackdown-in-xinjiang.  

  26. La grande échelle de l’internement a été reconstituée par Megha Rajagopalan, Alison Killing et Christo Buschek, Rajagopalan, Megha. Killing, Alison. Buschek, Christo. “China Built A Vast New Infrastructure To Imprison Uighurs”, Buzzfeed News, 27 août 2020  

  27. Fouzia Khan, “Largest ever number of Chinese pilgrims coming for Haj this year”, Arab New, 10 octobre 2012 

  28. Emily Feng, “China is removing domes from mosques as part of a push to make them more “Chinese”“, National Public Radio (NPR), 24 octobre 2021 https://www.npr.org/2021/10/24/1047054983/china-muslims-sinicization  

  29. David Brophy, Good and Bad Muslims in Xinjiang, (ANU Press, 2022) https://www.jstor.org/stable/j.ctv28x2b9h.11 

Shukri Sultan était stagiaire curateur (2022-23) et faisait partie de l’équipe Catalogage critique.






Témoignages de l’Œuf

Endriana Audisho, Julia Ramos et Jacqueline Tran retracent les contre-récits d’un bâtiment inachevé

L’Œuf, quartier central de Beyrouth, octobre 2019. Photographie, Danielle Karam.

Voici l’histoire incomplète d’un bâtiment non terminé. Dans le centre-ville de Beyrouth, à quelques mètres de la place des Martyrs, se trouve une enveloppe de béton délabrée, couverte de graffitis. Connue sous les noms d’Œuf de Beyrouth, de « Dôme » ou de « el-Saboun », soit « savon » en arabe, la salle de cinéma brutalo-moderniste a été conçue au départ en 1965 par Joseph-Philippe Karam. Des lectures initiales d’images du bâtiment, qui l’illustrent souvent au sein du paysage urbain du quartier central de Beyrouth, peuvent suggérer que la construction en forme d’œuf n’est pas à sa place. La grue qui occupe le premier plan et encadre cette image particulière évoque soit le réaménagement autour de l’Œuf, soit sa disparition potentielle – une structure en cours de démolition et sur le point de disparaître. Cette interprétation préliminaire d’une seule photographie se limite toutefois à la surface. Elle ne parvient pas à rendre compte de l’histoire stratifiée d’un bâtiment qui a survécu à plusieurs menaces pesant sur son existence et qui, à son tour, est devenu un symbole de la résistance, de la révolution et de la récupéeration de Beyrouth. Une pratique visuelle d’investigation1 – qui préconise la lecture à travers, entre et à l’intérieur des images comme méthode de comparaison2 – facilite la reconstitution et l’analyse des discours et contre-récits multiples autour de l’Œuf.

Un passé complexe, enregistré sur sa surface matérielle et capturé de manière éminemment vivante à travers les images au fil du temps hante l’Œuf. Les constructions ne sont pas muettes3. Elles constituent une forme d’archives en elles-mêmes. En tant que registres de la matière et transmetteurs de mémoires dans la durée, elles contribuent à l’élaboration de l’histoire, ou d’histoires au pluriel, quand elles sont lues attentivement. La surface de l’Œuf, en partie écaillée et parsemée de trous de balle, est un rappel du passé du Liban. Ce bâtiment était au départ conçu dans le cadre du « centre-ville de Beyrouth », une proposition pour un projet de complexe polyvalent associant la salle de cinéma à un centre commercial et à des espaces de bureaux4. Il a été utilisé sous d’heureux auspices comme cinéma jusqu’à l’éclatement de la guerre civile libanaise en 1975. Le chantier a pris fin immédiatement, laissant le complexe inachevé. Avec son emplacement stratégique le long de la Ligne verte5 et son enveloppe en béton armé reconnaissable qui ressemble incidemment à un bunker, l’Œuf a été occupé par des tireurs embusqués pendant la guerre6. Spectateur en première ligne, il est devenu non seulement un témoin, mais aussi une victime de l’histoire sociopolitique du Liban. Sa surface en a enregistré les impacts matériels, avec chaque coup de balle.


  1. Dans Investigative Aesthetics : Conflicts and Commons in the Politics of Truth, Matthew Fuller et Eyal Weizman décrivent l’esthétique d’investigation comme une pratique visant à tisser des « signaux », des « traces » et des indices visuels en relation les uns avec les autres dans le but de mettre au jour des « contre-lectures et contre-récits » qui pourraient ne pas être immédiatement évidents. Cette approche est essentielle pour démêler les complexités des images en tant que preuves historiques et politiques, en favorisant une compréhension nuancée du monde visuel et de ses intersections avec la « vérité » et le « conflit ». Matthew Fuller et Eyal Weizman, Investigative Aesthetics: Conflicts and Commons in the Politics of Truth, Londres, Chronicle Books, 2019, p. 1–30; traduit par Yves Citton sous le titre L’esthétique d’investigation, revue Multitudes, vol. 2, no 91 (2023). 

  2. Dans Eyewitnessing : The Uses of Images As Historical Evidence, l’historien Peter Burke affirme que les images sont, au même titre que les textes littéraires et les témoignages oraux, des formes valables de preuves historiques. S’il appuie le recours aux images, Burke souligne que nous devons toujours situer leur témoignage dans un contexte ou, mieux encore, « dans une série de contextes au pluriel » (p. 187). Travailler dans cette idée de pluralité permet des comparaisons, notamment en mettant en relief des liens, en exposant des absences ou en établissant de nouvelles associations. Peter Burke, Eyewitnessing: The Uses of Images As Historical Evidence, Londres, Reaktion Books, Limited, 2014.  

  3. Dans l’introduction à Architectural Voices : Listening to Old Buildings, David Littlefield propose d’imaginer un bâtiment comme une personnalité, et se demande : « si [un bâtiment] pouvait parler, que dirait-il? Quel son en sortirait? Vaudrait-il la peine qu’on l’écoute? » (p. 10). Bien que ce livre pose ces questions plus précisément dans le contexte de projets de réutilisation, il appelle à une compréhension plus large et approfondie de ce que signifie « interpréter » un bâtiment. L’épilogue de Saskia Lewis explique que les constructions sont témoins des événements et détiennent des preuves qui deviennent des récits, sinon « il est vrai que, sans personne pour les articuler, échanger des histoires et interagir avec eux, les bâtiments restent muets » (p. 228). David Littlefield et Saskia Lewis (dir.), Architectural Voices : Listening to Old Buildings, Chichester, John Wiley & Sons, 2007.  

  4. Se référer au fonds Joseph-Philippe Karam, plus précisément à la collection City Centre (Samadi & Salha), pour voir les dessins originaux du complexe. https://arab-architecture.org/db/building/city-centre-samadi-and-salha 

  5. La Ligne verte était une ligne de démarcation au cours de la guerre civile de 1975–1990. Elle a constitué une forme de division entre l’ouest musulman et l’est chrétien de Beyrouth. 

  6. Outre son emplacement le long de la Ligne verte, le bâtiment est situé à proximité d’un important carrefour qui, non seulement relie les parties est et ouest de la ville, mais le rend accessible depuis trois rues (Béchara el-Khoury, Mère Gélas et Saint-Vincent). 

Gros plan de l’Œuf montrant l’impact des balles sur l’enveloppe, 2015. Photographie, Anthony Saroufim.

Avec ses plateformes et pilotis exposés et sa surface grêlée de trous, l’Œuf était irréparable après la guerre et est resté, par conséquent, largement abandonné. Les images de cette construction qui circulent dans les médias populaires ne présentent le bâtiment que sous l’angle de sa vulnérabilité – nu, déchiré par le conflit et inachevé. Les images non plus ne sont pas muettes1. Une lecture attentive de l’Œuf à travers celles qui ont circulé peu après la guerre et jusqu’aux soulèvements citoyens de 2019 au Liban suggère le contraire. L’extérieur et l’intérieur du bâtiment sont souvent recouverts de peinture, qu’il s’agisse de murales colorées, de messages de résistance ou de déclarations politiques condamnant le gouvernement au moment de la révolution du 17 octobre. Ces traces alors informelles et temporelles sur la surface de l’Œuf reprennent vie en tant que contre-récits de résistance, de révolution et de récupération. La constellation des images, ou plutôt les archives visuelles qui rendent compte de l’occupation et de la surface du bâtiment au fil du temps constituent les documents mêmes qui construisent ces contre-récits.

Les archives visuelles explorées ici ne sont pas assemblées à partir de sources « traditionnelles » ou consultées par l’entremise d’archives étatiques « officielles ». Elles sont apparues grâce à une combinaison de campagnes citoyennes et de militantisme politique collectif produits sur des plateformes de médias sociaux, particulièrement Facebook, Twitter et Instagram2. En 2009, la campagne #SaveTheEgg dans les médias sociaux a vu le jour en réaction à une série de menaces de démolition associées aux plans de réaménagement d’après-guerre de la ville qui ont débuté au début des années 19903. Ce qui a commencé comme un humble groupe Facebook, mis en œuvre par l’étudiante Dania Bdeir4, s’est transformé en manifestation « en ligne » pour protéger le bâtiment. L’utilisation du mot-clic a fourni une plateforme pour partager des affinités personnelles avec la bâtisse, stimulant ainsi la sensibilisation du public, le soutien et l’action en faveur de sa préservation et de sa restauration. Le mouvement en ligne s’est accompagné d’expositions et de concerts à l’intérieur de l’Œuf, le tout immortalisé grâce à des traces visuelles documentées trouvées avec le mot-clic. La campagne, qui comprenait aussi des pétitions et cherchait des solutions de conception alternatives à celles des promoteurs privés, a été efficace puisque le sort du bâtiment a finalement été assuré pour un peu plus longtemps. Il est resté fermé au public pendant les années suivantes jusqu’au déploiement de l’#Eggupation.


  1. Bien qu’elle se soit concentrée sur des images historiquement rejetées, principalement des photos d’identité, de la diaspora africaine, Tina Campt, en prônant de façon provocante l’« écoute des images », propose une méthodologie qui peut être utilisée pour s’engager aujourd’hui de manière critique avec les images – à la fois la reconsidération de la pratique de l’observation et l’opportunité de régénérer l’agentivité des images à travers de nouvelles lectures. Choisir d’« écouter » attentivement les images constitue un acte d’interrogation qui va au-delà de l’observation d’une image « muette », mais constitue « plutôt une pratique consistant à regarder au-delà de ce que nous voyons et à accorder nos sens à d’autres fréquences affectives à travers lesquelles les photographies s’enregistrent » (p. 9). Comme l’énonce si bien Campt, « certaines photos ne sont pas calmes du tout » (p. 116). Voir Tina Campt, Listening to Images, Durham, Duke University Press, 2017.  

  2. Le lancement de plateformes de réseaux sociaux au cours des années 2000 a facilité la montée du journalisme citoyen à une époque de bouleversements sociopolitiques. Comme les sites en conflit sont souvent difficiles d’accès ou que la censure des médias imposée par l’État empêche toute forme de structuration de « vérité de terrain », le journalisme citoyen est devenu un acte puissant de militantisme et de résistance politique. Tout cela remonte au premier mouvement social d’importance à l’ère des téléphones cellulaires omniprésents, le Printemps arabe (2010–2012), suivi par Occupy Wall Street (2011) et Black Lives Matter (2013–), qui visaient tous la mobilisation d’actions collectives, de soutiens et d’alliances par le biais des réseaux sociaux. Plus récemment, et au moment où nous écrivons ces lignes, le recours aux médias sociaux pour documenter en temps réel les événements ayant cours en Palestine occupée a façonné des filets de solidarité et d’action collective d’une échelle inégalée. Tout en reconnaissant les complexités éthiques inhérentes associées à la navigation dans ce paysage médiatique contemporain, notamment la désinformation et la propagande généralisées, la censure ciblée et les discours de haine, il est essentiel de souligner que les médias sociaux continuent d’offrir un espace collectif pour l’autodétermination, la résistance et la construction de contre-récits. 

  3. Dans le cadre des efforts de reconstruction d’après-guerre pour le quartier central de Beyrouth (BCD en anglais), le gouvernement libanais (sous la direction de l’ancien premier ministre Rafik El-Hariri) s’est tourné vers une institution privée, la Société libanaise pour le développement et la reconstruction connue sous le nom de « Solidere ». Fondée en 1994, Solidere a été chargée de la reconstruction du centre-ville.  

  4. Voir Aimee Merheb, « Saving the Egg Documentary », 19 janvier 2010, vidéo, 9 min 32 s, https://youtu.be/AaYVIrFafBM?si=jAKMHgR8q1bz1ho6 

Vue aérienne du toit de l’Œuf, recouvert de messages révolutionnaires, octobre 2020. Photographie, Paul Rafih.

La campagne #Eggupation dans les réseaux sociaux a transpiré dans le contexte des nouvelles mesures fiscales annoncées par le gouvernement libanais le 17 octobre 2019 pour affronter la crise économique. Il s’en est suivi une série de manifestations dans tout le pays pour réclamer la justice socioéconomique. Les Beyrouthins se sont engagés dans une occupation historique de l’Œuf, avec des images sur Instagram de manifestants grimpant dans les escaliers rouillés qui mènent à l’intérieur de l’enveloppe. Si nous regardons attentivement cette photo et revenons à la première, toutes deux représentent un temps où les protestataires ont retiré les clôtures et la palissade utilisées jusqu’alors pour protéger la structure. Le bâtiment précédemment abandonné a été transformé en une « salle de classe révolutionnaire1 » qui a permis d’organiser un certain nombre d’événements culturels, notamment des discussions, des projections de films et des fêtes techno. Il a également servi de point de rencontre et d’observation, de toile de fond pour les revendications du peuple et de canevas pour ses messages politiques. Non seulement l’occupation a-t-elle soutenu un espace de solidarité, mais elle a donné lieu à une récupération de la propriété publique (l’Œuf) par les citoyens.

On peut considérer les mots-clics tels que #SaveTheEgg et #Eggupation comme des outils d’archivage2 en cela qu’ils relient des publications individuelles à des collections plus vastes, prêtes à être interprétées et assemblées en récits3. Dans le cas de l’Œuf, ils ont été mobilisés pour rassembler et faire circuler des médias visuels afin de plaider en faveur de la préservation du bâtiment et d’une récupération plus large de la ville pendant la révolution. Cette exposition généralisée, rendue possible par les mots-clics, a intrinsèquement forgé un réseau « numérique » et latéral de solidarité4, augmentant l’engagement participatif à la fois en ligne et hors ligne. Comme nous l’avons vu, les médias sociaux émergent comme des archives alternatives. Dans « Instant Archives? », Haidy Geismar soutient que « nous devons considérer sérieusement la façon dont les médias sociaux sont devenus un nouveau cadre institutionnel5 ». En tant que dépôt vivant et croissant enregistrant des traces informelles, les plateformes de médias sociaux subvertissent complètement « la manière dont les archives sont utilisées comme outils de pouvoir, de contrôle social et de centralisation6 ». L’engagement de la base et le journalisme citoyen facilités par les réseaux sociaux ne génèrent pas seulement un champ visuel élargi7, mais ils ont entièrement déstabilisé et redessiné les limites des archives « officielles ». De telles re-créations des archives favorisent une approche plus démocratisée de la construction de la mémoire culturelle et, plus largement, de l’historiographie. Des récits qui ont toujours été exclus par les archives traditionnelles sont remis en avant par le public et deviennent accessibles à un auditoire plus large.

Le témoignage participatif et l’enregistrement d’événements socioéconomiques et politiques récents à Beyrouth grâce aux réseaux sociaux ont réorganisé la mémoire de l’Œuf et, par extension, celle de la ville. Bien que l’avenir du bâtiment demeure incertain, sa survie rend compte de l’important rôle culturel qu’il a joué dans la cité. Au défi d’être démoli, l’Œuf demeure un spectre de passés, de présents et de possibles avenirs. Il siège fièrement comme un rappel des choses advenues et des choses potentiellement à venir. Voilà une histoire incomplète d’un bâtiment inachevé, dont la surface continuera, nous l’espérons, à enregistrer des contre-récits, poussant plus loin la re-création et le développement de son identité révolutionnaire. L’Œuf a plus à raconter, si nous regardons au-delà de ce que nous voyons au premier regard.


  1. La révolution de 2019 ayant causé la fermeture des principales universités de Beyrouth, de nombreux étudiants et professeurs ont déplacé leurs salles de classe dans la rue. Conférences, débats et séances d’enseignement ont été organisés en marge des manifestations, principalement au sein de l’Œuf. Voir Euan Ward, « “Eggupation” breeds revolutionary thinking in Beirut », Al-Monitor, 6 novembre 2019. https://www.al-monitor.com/originals/2019/11/lebanese-protesters-eggupy-old-cinema.html 

  2. En tant qu’outil de classification, le mot-clic fonctionne comme une interface par laquelle les médias visuels sont connectés, rassemblés et complétés au fil du temps. Dans ce sens, il forme un dépôt vivant où l’acte de créer des mots-clics (et de légender) permet une participation active à la construction en cours de la mémoire sociale et culturelle.  

  3. Le concept d’archivage et d’interprétation par le biais de récits collectifs est exploré dans Plot 987 : Surfaced Phantoms of the Egg, un dessin développé de Julia Ramos et Jacqueline Tran produit dans le cadre de l’atelier de design de la maîtrise en architecture à la University of Technology Sydney, trimestre d’automne 2020, dirigé par Endriana Audisho et Tova Lubinsky. Par un échange performatif entre le dessin et l’utilisateur, l’intervention agit comme un dispositif pour découvrir et tracer les surfaces multiples de l’Œuf. Voir http://www.interlude-archive.co/pages/egg-about.html  

  4. Dans Instant Archives?, Haidy Geismer explique que les mots-clics ont été créés par Instagram en 2011 pour « augmenter les connexions latérales entre les utilisateurs » et que le regroupement d’images qui en découle est devenu un outil d’archivage. Voir Haidy Geismer, « Instant Archives? », dans The Routledge Companion to Digital Ethnography, Larissa Hjorth, Heather Horst, Anne Galloway et Genevieve Bell (dir.), New York, Routledge, 2016, p. 336. 

  5. Geismer, « Instant Archives? », p. 331. 

  6. Geismer, « Instant Archives? », p. 333. 

  7. Le champ visuel nouvellement élargi présente des limites qu’il convient de signaler ici. La quantité considérable d’informations visuelles présentées dans notre paysage médiatique contemporain, ainsi que l’accès continuel à des vues « en gros plan », justifient un examen plus approfondi. Dans un contexte de post-vérité, la manipulation d’images, les techniques de postproduction, les « hypertrucages » (rendus possibles par les progrès récents de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique) et les différentes formes de censure transforment radicalement la manière dont nous voyons et vivons la réalité. Par conséquent, la possibilité de regarder beaucoup de choses en « gros plan » à tout moment n’apporte pas nécessairement plus de détails ou de clarté. Elle soulève plutôt la question de l’excès et des limites de l’absorption qui en découlent, de l’autorat et de la capacité de chacun à produire du contenu en ligne ou des faits alternatifs. Dans un monde dominé par deux extrêmes, l’excès d’images et la censure, et où la question de l’éthique est étroitement liée à celle de l’esthétique, il convient de repenser ce que signifie « regarder » aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement de savoir ce qui est visible et exposé, mais aussi, et surtout, ce qui est caché, recadré ou complètement absent du cadre des images. 

Manifestants debout sur l’Œuf pendant la révolution du 17 octobre 2019, au cours de ce qu’ils ont poétiquement appelé « Lebanon Rises » [Le Liban se soulève]. Photographie, Danielle Karam.

Note des auteurs (novembre 2023) : Dans ce texte explorant les médias sociaux en tant qu’archives alternatives, susceptibles de faciliter la construction de contre-récits et de donner la parole à des peuples historiquement négligés ou réduits au silence, nous reconnaissons la nécessité de faire face aux réalités urgentes de la violence perpétrée par des colonisateurs, de l’oppression et du génocide commis à l’encontre des Palestiniens depuis plus de 75 ans. Nous sommes solidaires de la Palestine et nous opposons à toute forme d’apartheid, de nettoyage ethnique et de violence coloniale.


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