Ré-orienter

Alexandra Pereira-Edwards, Misca Birklein-Lagassé, et Zaven Titizian sur les piscines du Nunavut

ᑖᓐᓇ ᐱᓕᕆᐊᒃᓴᖅ ᖃᐅᔨᓴᕈᑕᐅᓇᓱᒃᐳᖅ ᑕᒪᒃᑯᐊ ᖃᓪᓗᓈᑦ ᐱᐅᓯᖏᑦᑎᑐᑦ ᐋᖅᑭᒃᑕᐅᓯᒪᔪᑦ ᑲᔪᓰᓐᓇᕐᓂᖏᓐᓂᒃ ᐃᓕᖅᑯᓯᕆᔭᐅᔪᑦ, ᑎᑎᕋᖅᑕᐅᓯᒪᓂᖏᓪᓗ ᑲᔪᓰᓐᓇᖅᖢᑎᒃ, ᑭᓯᐊᓂᓕ ᑲᑐᔾᔨᔾᔪᑕᐅᓇᓱᒋᐊᖃᕋᓗᐊᖅᐳᖅ ᓱᓕᔪᒥᒡᓗ ᐋᖅᑭᒃᓯᒪᓂᖃᕐᓗᓂ. ᐱᔪᒪᓂᖃᕋᓗᐊᖅᐳᒍᓪᓕ ᑖᓇ ᐱᓕᕆᐊᖑᔪᖅ ᑲᑐᔾᔨᔾᔪᑕᐅᑦᑎᐊᕐᓗᓂ ᓱᓕᔪᒥᒡᓗ ᑕᑯᒃᓴᐅᓂᖃᑦᑎᐊᕐᓗᓂ.

L’été 2020 a marqué le début de « Dans la postcolonie », un cycle thématique de trois ans organisé dans le cadre du Programme pour les étudiants à la maîtrise. Son objectif est d’examiner la façon dont l’architecture et l’urbanisme continuent de répondre aux échos durables des pratiques coloniales de dépossession spatiale. « Les piscines du Nunavut » est le premier volet de la série qui sonde les impacts sociaux, politiques et environnementaux de la création de volumes d’eau chaude dans les climats froids.

Dans l’objectif de rendre ce projet ainsi que les ressources recueillies accessibles à court et à long terme, cet article, et le syllabus et l’index qui l’accompagne, seront traduits en Inuktitut. Comme le projet est de nature ouverte et collaborative, nous mettrons régulièrement à jour ses traductions essentielles.

« Les piscines du Nunavut » aborde la piscine intérieure à la fois comme un sujet d’intérêt et un espace métaphorique, afin de confronter les implications coloniales de la pensée architecturale. L’humidité encapsulée du lieu témoigne de la tendance de l’architecture à délimiter les frontières; la piscine se présente comme finie, contenue et séparée des vastes mers infinies et des abysses impénétrables. Aborder la piscine comme une métaphore du savoir colonial met en évidence les biais inhérents aux recherches menées à distance. Tout en reconnaissant les nombreuses sources de pouvoir qui façonnent les communautés du Nunavut saisies à travers le prisme de la piscine, ce project évalue de façon critique la discipline de l’architecture afin d’exposer les nombreuses façons dont ces relations de pouvoir sont favorisées par des approches intrinsèquement coloniales du milieu universitaire.

Partie intégrante de l’Inuit Nunangat et l’un des trois territoires qui constituent ce qui a été revendiqué comme le Nord canadien, le Nunavut a subi une transformation importante du fait de l’expansion coloniale des infrastructures construites et de la dépossession des Inuits. En 2010, il y avait neuf piscines dans les 25 communautés du territoire, mais seules quelques-unes fonctionnaient encore en tant qu’installations aquatiques et aucune n’était opérationnelle toute l’année1. Au cours des dix années qui ont suivi, plusieurs piscines ont fermé, tandis que d’autres ont ouvert, signalant à la fois leur précarité et leur attrait. Outre qu’elles servent souvent de lieux de rassemblement communautaire de premier plan pendant leurs mois de fonctionnement, ces installations permettent aussi de dispenser des cours de sécurité aquatique dans l’espoir de réduire le taux élevé de noyade sur le territoire2. Et, lorsqu’elles ne peuvent plus remplir leur fonction, les piscines peuvent intégrer un cycle de post-utilisation radicale, à l’image de la défunte piscine d’Igloolik qui s’est transformée en scène musicale et en espace de pratique pour la troupe de cirque Artcirq3.

Étant donné la logistique complexe et coûteuse entraînée par le maintien d’une piscine en fonctionnement dans un climat arctique, il arrive couramment que ces installations ferment avant leur durée de vie prévue. Les fermetures prématurées sont souvent le résultat du dégel du pergélisol et des déplacements physiques qui s’ensuivent, comme ce fut le cas pour Iqaluktuuttiaq (Cambridge Bay) dont la piscine communautaire a été jugée structurellement peu sûre à mi-chemin de sa saison d’exploitation4. En plus des pannes structurelles, les piscines ont des coûts d’exploitation élevés et nécessitent de grands volumes d’eau potable souvent difficiles à maintenir lorsque considérés dans un réseau plus large de ressources et de priorités de financement.


  1. Jane George, « Demand Rises Across Nunavut for Pools, Ice Equipment », Nunatsiaq News, 28 mars 2010. 

  2. Croix-Rouge canadienne. « Report: Water-Related Fatality Trends Across Canada 1991 to 2013 ». (Juin 2016), 1. 

  3. John Thompson, « The International Acclaim is Great, but Igloolik’s Clown Princes are Desperate for Cash », Nunatsiaq News, 22 novembre 2007.  

  4. Kate Kyle, « Cambridge Bay Swimmers Left High and Dry After Community Pool Forced to Close », CBC, July 31, 2019.  

Google Street View, Le piscine, Iqaluktuuttiaq (Cambridge Bay), 2012.

Les piscines du Nunavut sont, en théorie, des sites idéaux pour l’investigation architecturale : les contraintes logistiques de la construction nordique offrent un point de repère matériel, tandis que la typologie de la piscine elle-même articule un système de profondeurs, de lignes et de mesures qui entre en résonance avec une vision architecturale. Cependant, au-delà de la tectonique, il existe d’innombrables complexités culturelles et logistiques qui influent sur l’intégration, la maintenance et l’utilisation de ces infrastructures – des complexités qui doivent être entièrement comprises, ressenties et respectées si l’on veut tirer la moindre conclusion au sujet de la validité de l’infrastructure ou amener des propositions émancipatrices. Les piscines véhiculent essentiellement un idéal méridional de loisirs et de détente, tandis que les modes de connaissance traditionnels, fondement de la vie des Inuits depuis bien avant la colonisation sont souvent mis de côté au profit d’un apprentissage de la natation dans une piscine. Ces leçons sont dispensées loin des eaux naturelles et généralement par des maîtres-nageurs du sud du Canada dont le savoir incarné se dissocie de la compréhension qu’ont les Inuits de la terre et des mesures de sécurité traditionnellement utilisées pour éviter les noyades1. À l’instar de la disjonction entre les leçons de natation règlementées et le savoir traditionnel, imposer des conceptions binaires de ces espaces en suivant un angle privilégié par les colonisateurs perpétuerait encore plus les idéaux coloniaux. La complexité de l’étude à distance des piscines présente un ensemble de défis qui ne peuvent être relevés sans un réétalonnage critique des approches architecturales et une réflexion sur celles-ci.

En présentant ce projet, nous tenons à préciser que nous ne sommes pas des Inuits et que nous n’avons pas visité le Nunavut. Étudiants diplômés en architecture dans le sud du Canada, nous avons cherché des moyens d’assumer notre position de colonisateurs et de chercheurs tout en envisageant un contexte avec lequel nous restons solidaires, mais que nous ne pouvons pas expérimenter. L’histoire de la violence coloniale au Canada, sa perpétuation et ses échos durables ont influencé notre approche. En étudiant, en questionnant et en discutant, il est devenu évident que tirer des conclusions sur la présence de piscines au Nunavut équivaudrait à participer à des pratiques existantes qui privilégient le savoir des colonisateurs. Notre objectif consiste plutôt à écouter les profondes réverbérations du colonialisme et à identifier la manière dont elles forgent continuellement les architectures et les infrastructures, et sont forgées par elles.

En explorant un sujet qui requiert une forme de responsabilisation des colonisateurs, notre objectif avec Ré-orienter est passé de la tentative de produire des déclarations de fond sur les conséquences sociales, environnementales ou logistiques des piscines à la volonté d’accorder une plus grande attention aux méthodes et optiques utilisées pour les analyser. Nous reconnaissons que l’approche et le calendrier que nous avions initialement prévus pour ce projet ne permettaient pas un engagement communautaire prolongé et nous avons volontairement formulé un nouveau cadre pour notre étude des piscines au Nunavut. Il consiste en un syllabus et un index additionnel composé de courts écrits – ces deux interventions étant destinées à s’étendre par le biais d’un appel à soumissions ouvert aux étudiants, concepteurs, activistes et historiens. Bien qu’une grande partie du matériel initial du programme et de l’index soit localisée dans l’Inuit Nunangat, les soumissions peuvent se rapporter à une zone s’étendant au-delà de ce territoire. Les voix autochtones seront privilégiées, car la présence de perspectives autochtones dans ce travail est cruciale pour leur existence. Tout en reconnaissant que ce travail ne pourra jamais être achevé, nous encourageons les soumissions à rendre le projet aussi inclusif, expansif et critique que possible. Un syllabus constitue une infrastructure pédagogique de première importance qui est apte à promouvoir des pratiques avec un sens renouvelé des responsabilités. Dans Ré-orienter, cette infrastructure est mobilisée de façon à être ouverte, collaborative et en constante évolution.


  1. Audrey R. Giles, Heather Castleden, et Ava C. Baker, « ‘We Listen to Our Elders. You live longer That Way’: Examining Aquatic Risk Communication and Water Safety Practices in Canada’s North », Health & Place 16 (2009): 6. 


Ré-orienter offre un cadre qui favorise une démarche de rétrospection et de révision de la pédagogie, de l’érudition et de la pratique de l’architecture. Le projet est susceptible de collecter des années de contenu tourné vers un changement significatif et à long terme qui évolue sur différentes échelles géographiques et temporelles, l’accent étant mis avant tout sur la façon de conduire et concevoir la recherche architecturale en réponse aux effets de la dépossession spatiale engendrée par le colonialisme.

Nous considérons ce projet comme le début d’une vaste conversation sur l’engagement éthique, l’introspection et la collaboration dans l’environnement bâti.

Ce projet a été mené sous la direction de Rafico Ruiz et en conversation virtuelle avec des invités. Les auteurs tiennent à remercier Nicole Luke, Lola Sheppard et Mason White, Darin Barney, Audrey Giles, Ana María León, Lisa Landrum, Geronimo Inutiq, Jocelyn Piirainen, Taqralik Partridge, ainsi que le personnel du CCA. Ils souhaitent aussi remercier l’association des étudiants en design et en planification autochtone (IDPSA), le groupe de recherche Grierson, et Kaitlin Littlechild pour leur judicieuse rétroaction.

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