Brigitte Desrochers, chercheuse invitée, présente ses recherches:

Fatigués de mesurer et d’analyser les proportions des monuments classiques, les amants de l’antiquité se tournent, à la fin du XVIIIième et au début du XIXième siècle, vers les attributs structuraux de leurs modèles. Ainsi, la pensée architecturale se recentre sur la matière, la construction, la fonction : le moderne naîtra bientôt.

A Herculanum et Pompéi, cette appréciation factuelle de l’environnement antique se développe à travers une vingtaine d’ouvrages étalés sur trois-quarts de siècle, entre 1770 et 1838. Le premier, qu’Auguste Fougeroux de Bondaroy destinait à l’Académie Royale des Sciences, décrit les pièces que d’autres voyageurs ne « s’étaient pas attardés à examiner ». Ce sont « des outils de Maçons & de Tailleurs de pierre, entr’autres, une tenaille, un gros marteau… », qu’il illustre avec des planches semblables à celles de l’Encyclopédie de Diderot (fig. 1). En 1778, Francesco Piranesi dessine ces mêmes objets soulignant la facture grossière des pièces par d’épaisses lignes et en rendant l’oxydation de leurs surfaces avec une grande variété de textures. Il n’est plus question de simplement décrire l’objet technique : on en fait le point de départ d’une recherche proprement esthétique.

Cette nouvelle vision s’épanouira dans Les Ruines de Pompéi, un magnifique ouvrage en quatre volumes où Charles François Mazois mêle des dessins de toutes les classes de bâtiments à des commentaires sur la nature et la provenance des matériaux, sur les procédés de leur fabrication, les techniques de leur mise en place et les modalités de leur fonctionnement . Mazois auscultait, bien plus qu’il ne mesurait les ruines : la profondeur de son analyse lui permet d’aller bien au-delà des lectures stylistiques de l’Antique et d’inaugurer ce que Kenneth Frampton appelle le Classicisme Structurel .

Brigitte Desrochers était chercheure en résidence au CCA en 2002.