Prendre soin, ou la santé en question

La santé elle-même est devenue une source d’angoisse et le « bien-être » une affaire pressante de responsabilité individuelle. Que l’environnement bâti puisse nous rendre malades est devenu une évidence, et il est donc tentant de croire que l’architecture ou l’urbanisme peuvent aussi nous guérir : en soignant ou apaisant notre corps, en contribuant à évacuer notre stress, ou en favorisant notre (re)mise en forme. Ce dossier explore les liens entre la santé et l’architecture, les types possibles d’intervention et les principes particuliers qui les sous-tendent. On y contemple également l’éventualité désagréable que nos meilleures intentions ne puissent en fait qu’engendrer de nouvelles complications.

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Cartographie du paludisme en Italie

Texte par Andrea Bagnato

« Et on aurait pratiquement pu le toucher de ses mains, comme de la fumée s’élevant de la terre grasse, ici, partout […] stagnant dans la plaine comme la chaleur lourde de juin1 ».
— Giovanni Verga


  1. Giovanni Verga, « Malaria », 1883, traduction libre de la version anglaise de D. H. Lawrence. 

Un des souvenirs les plus vivaces de mes étés d’enfance en Sardaigne est celui des rangées sans fin de grands eucalyptus pâles, et de leur présence quelque peu improbable parmi les arbustes méditerranéens. Mais encore plus étranges étaient ces mares d’eau putride et stagnante cachées derrière un grand nombre des plages splendides de l’île. Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris à voir ce paysage comme le produit de siècles d’action humaine – et microbienne. Alors que j’avais auparavant considéré le paludisme comme une maladie des « Tropiques », j’ai découvert que la Sardaigne avait en fait enregistré les taux de mortalité due à celle-ci les plus élevés d’Europe occidentale jusqu’à ce que le XXe siècle soit bien entamé. Les « bizarreries » que j’avais observées dans l’environnement étaient le résultat d’un projet de longue haleine visant à éradiquer la maladie.

Depuis au moins l’époque romaine et jusqu’au milieu du XXe siècle, le paludisme a été endémique dans toute l’Europe et particulièrement meurtrier le long de la côte méditerranéenne. Les parasites du paludisme n’ont pas besoin d’une population hôte particulièrement dense pour survivre, parce qu’ils sont transmis par les moustiques anophèles, dont le rayon de vol s’étend sur plusieurs kilomètres. Et comme les anophèles se reproduisent dans l’eau stagnante, ils sont surtout présents dans les plaines fertiles, le long des côtes et autour des bassins fluviaux. Par conséquent, le paludisme est une maladie non urbaine, inter-reliée avec les conditions du paysage et l’organisation des habitations qui l’occupent. Contrairement à la plupart des épidémies urbaines de courte durée, le paludisme a une présence stable dans l’espace. Ce n’est pas une coïncidence si Fernand Braudel le considérait comme un acteur clé de la « longue durée » dans l’histoire méditerranéenne1.

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L’architecture et l’urbanisme au XIXe siècle étaient énormément influencés par le principe de circulation fluide et la mise en place de normes sanitaires. Leonardo Benevolo, parmi d’autres, a décrit la montée de l’influence, à partir des années 1840, des mouvements hygiénistes dans la planification urbaine européenne en réaction aux épidémies fréquentes de choléra et de tuberculose. Le plan d’Ildefons Cerdà pour Barcelone est probablement l’incarnation la plus célèbre de cette tendance2. D’un point de vue médical, la notion de circulation était perçue sous l’angle de la théorie des miasmes, selon laquelle l’environnement lui-même (gaz toxiques, eau putride ou courants d’air) était la cause de la plupart des infections.


  1. Braudel a introduit le concept de longue durée pour regarder l’histoire par le biais de facteurs à long terme tels que la topographie et le climat. Voir Fernand Braudel, The Mediterranean and the Mediterranean World in the Age of Philip II, vol. I, Londres, Collins, 1972, p. 23-167. Pour la version française, voir La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949. 

  2. Leonardo Benevolo, The History of the City, Londres, Scolar, 1980, p. 755–770. Pour la version française, voir Leonardo Benevolo, Histoire de la ville, Roquevaire, France, Parenthèses, 1983. 

Robert Macpherson, photographe. Vue de la Campagna di Roma, près du chemin de fer de Frascati, Italie, entre 1851 et 1858. CCA. PH1987:0847

Michel Foucault a inscrit la gestion moderne des épidémies, y compris celle inspirée de la théorie des miasmes, dans ce qu’il définit comme le « dispositif de sécurité ». Foucault avance qu’à partir de la fin du XVIIe siècle, les épidémies urbaines européennes comme la variole et le choléra n’étaient plus gérées à travers une division binaire entre sain et malade, comme cela avait été le cas auparavant avec les flambées de peste, mais plutôt par la quantification et la gestion du risque à travers la population dans son ensemble. La circulation, un de ces outils de gestion, n’est pas, selon Foucault, restreinte à la cité, mais se rapporte plutôt au « milieu », terme qui désigne à la fois les sphères urbaine et naturelle. En d’autres mots, la biopolitique moderne vise notamment à créer de nouveaux paysages qui contrôlent le risque d’infection1.

En élargissant le champ d’intervention au non-urbain, il apparaît clairement que l’architecture n’était qu’une technologie parmi de nombreuses autres utilisées pour gérer la maladie. La découverte et le contrôle du paludisme en Italie prouvent, je crois, l’une des intuitions centrales de Foucault : la modernité n’a pas uniquement remodelé le corps, mais aussi l’environnement tout entier. La conjonction entre la naissance de l’Italie en tant que nation et l’avènement de sa stratégie de santé publique fait de cet État un cas unique pour comprendre à quel point le contrôle des maladies infectieuses était au cœur du projet moderne.


  1. Michel Foucault, Security, Territory, Population: Lectures at the Collège de France, 1977–1978, New York, Picador, 2007, p. 4-23. Pour la version française voir Michel Foucault, Sécurité, territoire, population : cours au Collège de France, 1977–1978, éd. établie par Michel Senellart; sous la dir. de François Ewald et Alessandro Fontana, Paris, Gallimard, Seuil, 2004. 

L’air

William H. Smyth, atlas de l’air sarde, dans Sketch of the Present State of the Island of Sardinia, Londres, 1828

À cause de ses symptômes caractéristiques, le paludisme a été documenté de façon empirique en Italie depuis des siècles et mentionné dans de nombreux carnets de voyage. Jusque dans les années 1880, les microorganismes étaient inconnus et la prévalence d’une infection donnée était considérée comme une question de géographie. Comme beaucoup de maladies infectieuses, le paludisme était le plus virulent dans les zones de perturbation écologique et d’exploitation à grande échelle, dans ce cas-ci provoquées par les mines de charbon, le chemin de fer et les grands domaines agricoles (appelés latifundia). En conséquence, les agriculteurs, bergers et mineurs se trouvaient affectés de manière disproportionnée.

La première quantification du paludisme dans une région italienne apparaît dans un livre de 1828, Sketch of the Present State of the Island of Sardinia, écrit par l’amiral anglais William H. Smyth. Après avoir expliqué l’histoire et la géographie de l’île, Smyth annexe un « tableau statistique » des villes sardes pour lesquelles il mentionne non seulement la population, mais aussi leur topographie et la qualité de l’air, classé de « très mauvais » à « malsain » et à « pur ». Il s’agissait, bien sûr, d’un indicateur d’endémicité du paludisme, si on le prend sous l’angle de la théorie des miasmes1.

Pourtant, quand le royaume d’Italie a été proclamé en 1861, le nouvel État italien n’avait aucune idée de la dimension nationale de la maladie. Le paludisme a été découvert, de manière inattendu, avec la construction des chemins de fer italiens. La raison fondamentale de l’unification de l’Italie était la création d’une seule entité économique en abolissant le système complexe de droits sur le commerce qui existaient préalablement entre les États. Après l’unification, l’agriculture a été réorganisée : la culture du blé a été étendue aux régions du Nord, alors que dans le Sud, elle était remplacée par celle des oliviers et des agrumes. En permettant la circulation des produits frais et des marchandises à travers l’Italie, le chemin de fer a fait entrer l’agriculture, qui jusqu’alors était pour l’essentiel locale, dans le système capitaliste libéral. Le rail a également relié le pays aux marchés de l’Europe continentale2.


  1. William H. Smyth, Sketch of the Present State of the Island of Sardinia, Londres, 1828, p. 329-337.  

  2. Emilio Sereni, Storia del paesaggio agrario italiano, Rome, Bari, Laterza, 2014, p. 367-368. 

Page couverture du rapport sur le paludisme présenté au Parlement italien par le préfecture de Trapani, Sicile, le 14 février 1882. Archivio Storico del Senato, Rome

Mais la construction ferroviaire était tellement lente qu’en 1878, le Parlement italien ordonne une enquête, dirigée par le sénateur Luigi Torelli. Torelli voyage dans toute la péninsule pour évaluer l’état des travaux et les causes des retards. Il se rend compte que les ouvriers du chemin de fer tombent malades et meurent dans des proportions alarmantes, et que la cause en est le paludisme. Torelli analyse ensuite les statistiques de mortalité des ouvriers, pour découvrir que la prévalence du paludisme paraît avoir empiré depuis l’unification. Les remblais érigés pour accueillir la voie ferrée empêchent le drainage des eaux de pluie, créant de nouvelles zones marécageuses le long des côtes italiennes. La demande pour le bois d’œuvre accélère également la déforestation des Apennins, réduisant encore plus la capacité du sol à absorber l’eau. Grâce à cette enquête sur les infrastructures, Torelli réalise avant les autres que le paludisme, qui infecte des régions entières, était à lui seul la plus grande entrave au développement de l’Italie.

En 1880, le sénateur informe le Parlement que 45 pour cent des voies de chemin de fer du pays étaient situées dans des zones infectées par le paludisme, et il presse les législateurs de collecter des données précises par région. Sous sa direction, le bureau du Sénat diffuse un questionnaire à l’ensemble des 259 conseils provinciaux de la santé, leur demandant de faire le point sur la situation du paludisme sur leur territoire et de représenter les zones touchées sur une carte à l’aide d’un système graphique normalisé. Les conseils remplissent consciencieusement les questionnaires, mais beaucoup soulignent qu’ils ne possèdent pas de carte de leur propre territoire, un élément que Torelli n’avait pas pris en compte. Et les quelques cartes existantes sont alors à des échelles et des niveaux de détail extrêmement divergents, souvent tracées à la main par des fonctionnaires locaux1. Pour obtenir une représentation cartographique unifiée, Torelli fait appel aux services de l’Istituto Geografico Militare (IGM – Institut géographique militaire) nouvellement créé, qui fournit une carte complète de l’Italie, quoiqu’à des échelles variant du 1/50 000e au 1/250 000e. Les 590 feuilles envoyées par l’IGM sont distribuées à nouveau aux conseils de la santé, chacun y indiquant l’étendue des secteurs touchés par le paludisme avant de les renvoyer.


  1. Les rapports des conseils de la santé sont conservés dans les archives du Sénat à Rome; ensemble, ils constituent un document unique de l’État prémoderne.  

Au cours des deux années suivantes, le bureau du Sénat compile soigneusement les feuilles sur une même carte à l’échelle 1/1 000 000e, la première représentation visuelle de l’étendue du paludisme au pays. Torelli présente la carte au Parlement le 30 juin 1882, la qualifiant de « base pour les opérations à entreprendre contre le grand fléau » et s’en servant pour convaincre les législateurs que l’on ne pouvait ignorer plus longtemps la question du paludisme1. Il ira même jusqu’à écrire un ouvrage pédagogique, publié en format de poche pour maximiser sa diffusion. La carte nationale du paludisme a transformé une série de rapports isolés en un événement unique. Ce qui avait longtemps été perçu comme une affection propre à la condition paysanne devenait une question d’intérêt public2.


  1. Luigi Torelli, Carta della malaria dell’Italia, Florence, Giuseppe Pellas, 1882. 

  2. Cette partie s’appuie sur l’analyse du choléra que propose Tom Koch dans Disease Maps: Epidemics on the Ground, Chicago, University of Chicago Press, 2011. 

Luigi Torelli, carte du paludisme en Italie à l’échelle 1 : 1,500,000, reproduit dans Carta della malaria dell’Italia, Florence, 1882

Dans son choix de méthodes semi-quantitatives, Torelli a très probablement été influencé, d’une part, par l’émergence en tant que discipline de la géographie des maladies (le texte phare d’August Hirsch, Handbuch der historisch-geographischen Pathologie [Manuel de pathologie géographique et historique], a été publié en 1881), et de l’autre, par la systématisation accrue des statistiques. Ses travaux, en particulier, ont ouvert la voie à la collecte de statistiques sur la santé en Italie, qui a commencé officiellement en 18871.

La carte du paludisme dressée par Torelli représente la confluence d’une série de processus d’édification de la nation : arpentage cartographique, collecte de données sur la population, construction d’un réseau de chemin de fer. James Scott a fameusement décrit les progrès de l’État moderne comme un processus de lisibilité de ses territoires et de ses habitants2. Dans le cas de l’Italie, cela a été également vrai pour les pathogènes. Le personnage même de Luigi Torelli, pas un médecin mais un homme d’État et de service public, qui avait également travaillé avec Ferdinand de Lesseps à la promotion du canal de Suez, montre que le paludisme n’était pas (encore) un problème de santé publique, mais plutôt d’infrastructure.


  1. Eugenia Tognotti, « La Carta Della Malaria d’Italia », Quaderni internazionali di storia della medicina e della sanità, vol. 1, no 2, 1992, p. 23-34. 

  2. James C. Scott, Seeing like a State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 2. 

La Terre

Nouvelles fermes construites sur des marais récupérés, au nord de Venise, c. 1920-1935

Le travail de Torelli a réussi à mobiliser le Parlement italien. L’élite politique et médicale a convenu que la remise en état des zones marécageuses était la seule manière de freiner l’expansion du paludisme puisque, de l’avis général, l’agent infectieux étant l’eau elle-même, un drainage mettrait fin aux émanations miasmatiques. Dès 1882, le Parlement a adopté la Legge Baccarini, première loi autorisant la réhabilitation à grande échelle des terrains (appelée bonifica) comme question d’intérêt national. C’est à cette époque que des milliers d’eucalyptus, que l’on croyait à tort capables d’absorber l’eau excédentaire du sol, ont été importés d’Australie et plantés le long des routes et des voies ferrées comme moyen de protection hygiénique localisée.

En même temps, la carte du paludisme était une représentation dramatique des différences inhérentes à l’Italie. Elle a nourri sans nul doute l’idée que le pays était divisé entre un Nord avancé et un Sud arriérée, ce qui est en soi une construction moderne. Cette perception a été amplifiée par de nombreux rapports parlementaires sur ce qui allait être appelé la questione meridionale. Pour conserver sa position économiquement avantageuse dans ce qui s’avérait une relation semi-coloniale, le Nord a médicalisé le paysage du Sud (et ses habitants) et en a fait l’« Autre ».

La réhabilitation des plaines côtières du centre et du sud de l’Italie avait comme but avoué de convertir des terres infectées en régions agricoles productives. L’historien de l’environnement Marco Armiero a mis en lumière le fait que la bonifica devait être replacée dans une stratégie plus large d’affirmation par l’État libéral de son autorité sur des portions sauvages de son territoire, et de mise sous contrôle capitaliste des ressources naturelles (sol et eau) de ces régions. Armiero explique que « le Sud était devenu un laboratoire ouvert pour la nouvelle approche technocratique des problèmes économiques et écologiques du pays »1.


  1. Traduction libre de Marco Armiero, A Rugged Nation: Mountains and the Making of Modern Italy, Cambridge, White Horse, 2011, p. 36. 

Les Parasites

Instructions pour le traitement du paludisme aigu utilisant la quinine par le Service de santé ferroviaire romain. La quinine a été distribuée à tous leurs employés en 1879, une mesure qui a été ensuite exécuter partout dans l’Italie. Archivio Storico del Senato, Rome

Angelo Celli, malariologue. Un graphique montrant le déclin des décès du paludisme en Italie par rapport à l’utilisation croissante de la quinine, dans Ronald Ross, La Prévention du Malaria, New York, 1910, p. 451

Pendant ce temps, en 1884, une découverte stupéfiante d’Alphonse Laveran, médecin militaire français, établit que le paludisme était causé par des parasites sanguins microscopiques. Et, quinze ans plus tard, Ronald Ross et Giovanni Battista Grassi mettent en évidence que c’étaient les moustiques, et non les miasmes, qui transmettaient le parasite, expliquant finalement le lien entre marécages et paludisme. Ce dernier étant redéfini comme une maladie à transmission vectorielle, la paludologie est devenue une discipline institutionnalisée, et une de celles dans lesquelles les scientifiques italiens ont fait autorité dans le monde entier jusqu’à la fin des années 1930. La Società per gli Studi della Malaria [Société pour l’étude du paludisme] a été fondée à Rome en 1898, financée non seulement par l’État, mais aussi par les compagnies de chemin de fer et les entreprises agricoles.

À partir de ce moment, l’ampleur des mesures de contrôle du paludisme s’est progressivement réduite, celles-ci évoluant vers un ensemble de normes et de recommandations. Le Parlement italien a adopté une mesure radicale de nationalisation de l’approvisionnement en quinine pour la distribuer gratuitement à quiconque vivait ou travaillait dans les zones infectées. L’État a également organisé de vastes campagnes de sensibilisation pour faire connaître aux Italiens les protocoles d’utilisation de la quinine et les mesures à prendre pour éliminer les moustiques des habitations. Une brochure publiée en 1905 recommande, entre autres choses : d’installer une moustiquaire sur toutes les portes et fenêtres, de dormir sous une moustiquaire, de ne pas s’installer à l’extérieur pour discuter le soir et, dans le cas contraire, de bien se couvrir entièrement la tête et le visage1. Comme on peut l’imaginer, toute la population ne s’est pas empressée à appliquer ces mesures (on rapporte que des moustiquaires distribuées par l’État étaient réutilisées pour préparer de la sauce tomate) et a mis de nombreuses années à les assimiler2. Lentement mais sûrement, les taux de mortalité liés au paludisme ont commencé à décroître. Comme Bruno Latour l’a souligné, puisque le paludisme ne pouvait être combattu par la simple vaccination, il fallait le détruire « en ordonnant aux colons et aux indigènes de construire différemment leurs maisons, d’assécher les flaques d’eau, de refaire les murs dans d’autres matières ou de changer leurs mœurs3 ».


  1. Società per gli Studi della Malaria, Istruzioni popolari per difendersi dalla malaria, Rome, 1905. 

  2. Frank M. Snowden, The Conquest of Malaria: Italy, 1900–1962, New Haven et Londres, Yale University Press, 2006, p. 73–75. 

  3. Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes; suivi de Irréductions, Paris, La Découverte/Poche, 2001, p. 227.  

Les stratégies de contrôle du paludisme ont à nouveau changé après la Première Guerre mondiale : Benito Mussolini, fait célèbre, a réduit la recherche scientifique et la distribution de quinine, y préférant l’expansion de la bonifica. La réhabilitation des terres est devenue centrale dans le discours fasciste, à la fois comme moyen d’améliorer leur productivité et, plus subtilement, de cimenter le consensus politique chez la bourgeoisie propriétaire terrienne. Le paysage réhabilité a été une tabula rasa sur laquelle tester une nouvelle architecture hygiénique et une nouvelle forme d’urbanisation rurale avec des habitats planifiés.

Vue d’Arborea (anciennement Mussolinia), une nouvelle ville fondée en 1928 et construite sur la terre récupérée, Sardaigne, 1930-1935. Archivio di Stato di Oristano

Dans sa quête centenaire pour éliminer le paludisme, l’Italie a remodelé son territoire sous la forme d’un projet technique et économique, créant ainsi une nature anthropique. La médicalisation de la population à travers la prophylaxie du paludisme s’est traduite par la mise en œuvre d’une technologie biopolitique visant à administrer les nouveaux citoyens de l’Italie et leur environnement comme une seule entité1. La santé publique a servi à mettre en place un nouvel ordre territorial de libre circulation allant bien au-delà des limites de la ville. Réhabilitation des terres, eucalyptus, moustiquaires, distribution de quinine et villes nouvelles ne représentent pas une évolution linéaire, mais des éléments simultanés d’un pouvoir étatique émergent et de ses effets sur l’espace physique.


  1. Michel Foucault, Society Must Be Defended: Lectures at the Collége de France, 1975–76, New York, Picador, 2003, p. 244–247. Pour la version française voir Michel Foucault, Il faut défendre la société : cours au Collège de France, 1975–1976, éd. établie par Mauro Bertiani et Alessandro Fontana; sous la dir. de François Ewald et Alessandro Fontana, Paris, Seuil, 1997. 

Ce texte s’inscrit dans le projet de recherche à long terme Terra Infecta, lancé au Centre for Research Architecture. Le projet est soutenu par Het Nieuwe Instituut et le Graham Foundation.

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