Figurer un territoire

Comment en vient-on à déterminer un territoire, physiquement ou visuellement, et qui construit cette définition? Si le terme « territoire » est fréquemment employé pour décrire une superficie de terre, un pouvoir ou un savoir précis, circonscrits, une telle définition formelle s’avère complexe – voire occultée ou infirmée – étant donné le flot de matériels et de souvenirs qui circulent par-delà les frontières et les périodes. Ce dossier s’attache à mettre en lumière la malléabilité des territoires et les façons dont ceux-ci sont ou pourraient être représentés dans les infrastructures, les médias, les corps et les identités.

Figurer un territoire est conçu par Claire Lubell, Alexandra Pereira-Edwards et Andrew Scheinman.

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AMplifier le détroit

Arantzazu Luzarraga s’accorde aux fréquences radio d’un territoire sonore commun

« AMplifier le détroit » dévoile les dimensions spatiales du spectre radiophonique dans le détroit de Gibraltar. Le projet forme une sorte de carnet de voyage dans lequel j’ai consigné des références, des données et des réflexions en syntonisant les cadrans radio suivant les mêmes fréquences AM (modulation d’amplitude) sur une rive du détroit et sur l’autre, à Cadix, Bolonia, Algésiras, Tarifa, Tanger, Ceuta, Tétouan, Ashila et Larache. Par exemple, chaque nuit, dans une chambre d’hôtel à Tanger, j’ai pu écouter des émissions espagnoles sans trop d’interférences. Malgré les efforts géopolitiques visant à limiter le passage des frontières, les ondes électromagnétiques circulent librement. Comment l’information est-elle émise, recodée et captée lorsqu’elle passe d’une rive à l’autre et inversement? Comment ce processus permet-il de figurer un territoire autrement invisible?

Cette recherche utilise la radio comme dispositif de mise en miroir du territoire, à l’instar de Robert Smithson qui se servit de miroirs pour fragmenter l’image du paysage dans le Yucatán. De l’autre côté du détroit de Gibraltar, des sons enregistrés et en direct reflètent la réalité invisible de lieux situés à distance. Contrairement à l’image, la radio donne à entendre des éléments invisibles, composant une représentation temporelle, diffuse et sans frontières d’un territoire et des cultures qui le façonnent. Cette réalité est parfois troublante lorsque l’on met en parallèle le contexte visuel et acoustique d’un même endroit. La radio nous distance de notre perception visuelle, elle manifeste une réalité immanente. Percevoir cet espace demande une participation active.

L’espace physique et virtuel partagé du spectre radioélectrique, qui définit le paysage communicationnel du détroit, constitue une base pour la compréhension même de la distance. Continue dans ses connexions bien que discontinue dans sa forme, cette structure commune est un espace dans lequel de multiples réalités quotidiennes peuvent s’exprimer à travers le filtre des mécanismes de traduction. Il en émerge une démocratie de points de vue — par opposition à une monoculture de flux d’informations unidirectionnels — qui favorise une dissidence invisible entre les rives du détroit de Gibraltar.

Les flux électromagnétiques agissent en qualité de médiateurs de ce territoire reliant deux continents. Comme l’affirmait déjà Heidegger il y a quatre-vingts ans, la radio est chargée de l’Ent-fernung (la suppression de la distance) dans le monde et constitue un outil Zuhandenheit (être-à-portée-de-la-main) que nous utilisons sans médiation, sans théoriser la conception que nous en avons. La radio génère une proximité particulière, que l’on ne peut pas évaluer en mesurant les distances – il est possible de se sentir plus proches d’un lieu ou d’une personne qui se trouve à une plus grande distance physique de nous que d’un autre lieu ou d’une autre personne à proximité immédiate. Les ondes électromagnétiques peuvent nous aider à redéfinir notre identité personnelle et notre intersubjectivité; de partager des imaginaires et de modifier la structure de la coexistence. La radio est un outil permettant de figurer ce territoire, précisément parce qu’elle opère par le biais de la communication et de la participation, déconstruisant ainsi les formes traditionnelles de territorialisation.

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Cet article a été traduit de l’anglais par Gauthier Lesturgie.

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