Réinitialiser le social

Que ce soit ou non immédiatement apparent, l’environnement bâti et l’architecture incarnent et sous-tendent un ensemble de valeurs – un ensemble de valeurs qui reflète celles qui sont portées par la société . Si l’architecture et la société changent et évoluent, elles ne se transforment pas au même rythme, faisant en sorte que la vie contemporaine ne correspond souvent pas aux espaces qu’elle occupe. Ce dossier s’intéresse à ce défaut d’alignement comme source d’intervention potentielle et aux manières par lesquelles l’écart entre l’architecture et la société peut être réduit, ou même comblé.

Ce dossier web s’inscrit dans le cadre de Ressaisir la vie, la recherche menée sur une année par le CCA.

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Designing Motherhood

Michelle Millar Fisher, Juliana Rowen Barton et Zoë Greggs discutent avec Alexandra Pereira-Edwards des designs qui façonnent la maternité

Designing Motherhood [Concevoir la maternité] est un livre, deux expositions, un curriculum en source ouverte sur le design, un projet de portrait narratif oral, un compte Instagram, une série de programmes publics et une initiative collaborative globale qui aborde le cycle de la reproduction humaine sous un angle créatif.

APE
Comment définiriez-vous la notion de design de la maternité, et qu’est-ce qui vous a menées à choisir ce sujet de recherche?
JRB
Pour bien cerner la manière dont nous décrivons la maternité, je crois qu’il est important de souligner que tous les membres de notre équipe ne sont pas parents, notamment nous trois qui vous parlons aujourd’hui. Certains membres de l’équipe ont des enfants, mais le rapport de notre groupe à la maternité est aussi diversifié que le projet lui-même. Pour définir ce qu’est la maternité, je vais citer notre glossaire de l’exposition du Mütter Museum, parce que c’est la meilleure façon de démontrer que tous les thèmes qui entourent la conception de la maternité ne sont pas avant tout des questions féminines, mais des questions humaines.

« Nous définissons la maternité comme un code d’abréviations pour des actes qui vont au-delà de la binarité de genre ou des personnes ayant été enceintes ou ayant donné la vie. C’est un descripteur qui peut être incarné, différé, refusé, vécu comme une obligation ou un espoir, ou qui peut être assumé tout autrement, dans tous ses méandres. La maternité est une multitude. »

Personnel de la Maternity Care Coalition avec des clients à Philadelphie, années 1980. Avec l’autorisation de MCC et University of Pennsylvania Library Archives (MSColl760, Box 44, Folder 56). © Maternity Care Coalition

MMF
Il y a tant d’histoires d’amorce pour ce projet, nous avons toutes et tous la nôtre. La mienne prend son origine dans les droits des travailleuses en milieu de soins, étant moi-même fille d’une mère monoparentale qui dû affronter des difficultés du fait de sa condition dans le monde du travail. Et ça se passait en Écosse, pays qui a des politiques de protection sociale bien plus généreuses que celles pouvant exister aux États-Unis, par exemple. Un autre catalyseur pour moi a été de travailler dans l’univers du design. J’étais adjointe à la conservation en architecture et design au MoMA quand j’ai commencé à vraiment réfléchir à ce projet, et j’ai plaidé en faveur de l’intégration d’un tire-lait à la collection. Outil pour faciliter la vie, à la façon d’un KitchenAid ou d’un Hoover, il entrait parfaitement dans les canons de l’histoire conceptuelle et cadrait avec l’obsession qu’a le MoMA pour les principes de l’art mécanique, exprimée dès ses toutes premières expositions sur le design. Et pourtant, sans doute parce qu’aucun décideur n’avait jamais allaité, il a été refusé comme objet à collectionner ou exposer. Ce qui m’a amenée à ce projet, à faire la connaissance de l’historienne du design Amber Winick, cofondatrice de l’initiative DM, et de ce qui est devenu une équipe beaucoup plus large.
ZG
Cela fait presque deux ans aujourd’hui que nous avons commencé à œuvrer à ce projet. Michelle est venue à la Maternity Care Coalition (MCC), où je travaille, et a engagé une discussion avec notre vice-présidente aux programmes et opérations, Karen Pollack, concernant cette entreprise extraordinaire. À l’époque, ça a été un concours de circonstances. Elles m’ont dit : « Zoë, tu t’intéresses à l’art, peut-être pourrions-nous te mettre sur le coup? » Et tout s’est enclenché comme ça.
MMF
Et cette conversation a eu lieu parce qu’Amber et moi avions déjà proposé l’idée sous forme de proposition d’exposition et de livre à de nombreux collègues et éditeurs, et que la réponse avait été : « ce n’est pas vraiment ce que l’on publie » ou « ça semble très spécialisé ». En collaborant avec une autre collègue fantastique, la conservatrice en design Jimena Acosta, installée à Mexico, j’ai réussi à présenter un projet et un ouvrage beaucoup plus modestes sur le design pour la santé reproductive. Mais rien de l’envergure de DM. Amber et moi avions envisagé toutes sortes de partenariats possibles, et puis nous avons eu une révélation : nous avons réalisé que ce projet ne se matérialiserait jamais dans un musée, parce que les questions des problématiques communautaires, de justice sociale, raciale et reproductive n’y rencontrent souvent qu’un intérêt relatif. La Maternity Care Coalition abordait depuis des décennies le rayonnement communautaire, les programmes d’accompagnement, les avis sur l’allaitement, l’éducation de la petite enfance, la politique et le militantisme comme des dimensions fondamentales – ou exigences fondamentales – pour des villes en santé, et y réfléchissait sous l’angle de la conception de systèmes. Bien sûr que ce serait une partenaire formidable! Il a toujours été clairement dit que notre initiative s’inscrivait dans leur approche.
APE
Est-ce que beaucoup des objets que vous avez étudiés avaient été conçus par des médecins hommes?
MMF
Oui et non. Certaines des histoires parmi les plus intéressantes concernent des produits qui n’ont pas été imaginés par des hommes. L’un des premiers objets auxquels je me suis intéressée, le test de grossesse à domicile, a été inventé par Meg Crane en 1970, alors qu’elle était conceptrice d’emballages pour une entreprise pharmaceutique. Puis, le tire-lait Egnell de 1956 a été pensé par Einar Egnell, un ingénieur civil suédois, mais il était associé à sœur Maya Kindberg, une infirmière de la maternité de l’hôpital. Mais le secteur du design industriel, oui, a massivement été dominé par les hommes. L’un des aspects qui a vraiment suscité notre intérêt dans cette démarche, c’est de nuancer cette réalité, parce qu’évidemment, c’est en équipe que se façonne une bonne partie de cette culture matérielle. Notre réflexion a donc dépassé la seule question du concepteur mâle héroïque pour porter aussi sur les occasions de création conjointe entre les différentes intéressées et les concepteurs. Le livre est entièrement basé sur les principes de justice reproductive, et c’est une histoire clairement créée non par des hommes, mais généralement par des personnes de couleur s’identifiant à des femmes. J’en ai assez d’écrire sur les hommes en design et en architecture. Je me suis jurée il y a quelques années que je n’allais pas mettre de l’avant plus d’hommes que nécessaire autrement que comme témoins du récit qu’il m’intéresse d’écrire. Il y a sans nul doute des hommes dans ces histoires, mais nous n’en parlons pas vraiment, à moins que ce soit indispensable.

Par exemple, le rideau de césarienne que nous présentons dans l’exposition du Center for Architecture and Design à Philadelphie est une belle histoire de rencontre entre design et architecture, une conception de trois infirmières s’identifiant comme femmes en Virginie. Le panneau de rideau transparent maintient le champ stérile, mais en regardant par l’ouverture les personnes qui accouchent peuvent participer à la naissance par césarienne et voir et prendre leur bébé immédiatement.
APE
J’aimerais approfondir les questions de conception de systèmes et des façons dont la loi et la politique forment les espaces que nous habitons et les objets avec lesquels nous interagissons, notamment ceux en lien avec la maternité.
MMF
Je vais vous donner un exemple concret tiré du livre, et une interprétation. L’interprétation par laquelle je commencerai vient de Khiara Bridges, avec qui nous avons eu des discussions pour un chapitre du livre intitulé #ListenToBlackWomen [#Écoutonslesfemmesnoires]. Au cours de notre entrevue pour le livre, nous avons parlé de l’étymologie de ce mot-clic et réfléchi à la manière dont le travail de justice reproductive s’est basé sur les vies, les expériences vécues, le militantisme et l’érudition des femmes de couleur. La professeure Bridges s’intéresse au cadre juridique entourant la grossesse, au fait que cet état est considéré comme un handicap, à la manière dont cet encadrement a privé des gens – en particulier les personnes marginalisées et de couleur – de l’exercice de leurs droits touchant à la reproduction.

Nous avons également parlé à Thomas Beatie, qui a mené la grossesse de trois de ses quatre enfants. Il a parlé de ses expériences en tant que personne qui a accouché et qui s’identifie à un homme, et évoqué l’absence d’espace prévu sur le certificat de naissance pour reconnaître cette expérience de père qui donne la vie, de personne qui ne se retrouve pas dans le terme de « mère ». Il y a donc une nécessité d’élargir le cadre juridique sur des choses très terre à terre comme un certificat de naissance. Il a fait inscrire son nom dans l’espace réservé à la « mère » pour la naissance de son premier enfant et est ainsi devenu la première personne à modifier ce cadre juridique, à le bousculer et à faire apposer son nom tel qu’il le représente lui, auquel il s’identifie, c’est-à-dire comme le père.

Une sage-femme tenant un nouveau bébé, c. 1920. Avec l’autorisation du State Archives of Florida

JRB
Dans mon esprit, une des choses qui rendent Designing Motherhood tellement important est que, oui, nous nous intéressons au design des objets, mais que nous portons aussi notre attention aux systèmes et aux politiques. Ce que Michelle évoque quand elle parle des systèmes juridiques nous amène à un autre aspect central du débat : celui des systèmes linguistiques et de la façon dont nous élargissons notre vocabulaire pour faire évoluer les structures sociétales qui imposent les définitions ou les traditions linguistiques.

Il est aussi important de souligner que la directrice associée des politiques à la Maternity Care Coalition, Gabriella Nelson, est une urbaniste et fait partie de notre équipe curatoriale. Elle aussi contribue à la réflexion sur ces questions de design global, thématique, systémique, parallèlement à la création d’objets individuels.
ZG
Gabriella Nelson est un atout considérable. Elle nous fait réaliser que si les gens (blancs et souvent, mais pas toujours, des hommes) qui ont créé le système dans lequel nous vivons l’ont imaginé, nous aussi pouvons aspirer à quelque chose de différent; nous pouvons mettre en place un meilleur système, qui nous alimente réellement et ne laisse personne de côté. Nous travaillons à une série de portraits narratifs intitulée « Pour les bébés » qui va aborder les aspects essentiels des politiques et réalités relatives à la maternité et les sujets qui ont une incidence directe sur les familles ainsi que sur le personnel de première ligne à la MCC qui vit cela au quotidien. Par exemple, nous avons un épisode sur les terres et le logement dans lequel nous parlons de la COVID et de l’impact des politiques d’habitation sur la crise actuelle en la matière. Quels sont les effets sur les familles? Quels sont les effets sur les aménagements d’une ville, et sur les quartiers où les gens font vivre leur famille? Nous avons des problématiques sérieuses de déserts alimentaires ici à Philadelphie, et c’est en partie parce que la ville est organisée selon une ségrégation extrêmement forte. Il est également important de souligner que le manque d’accès à des produits alimentaires abordables et frais dans certains endroits (habités souvent par les classes de travailleurs et les personnes de couleur) n’est pas une coïncidence, mais plutôt le résultat direct d’une conception profondément inéquitable et violente de la ville et des systèmes qui la régissent. Il suffit de la traverser pour constater ces divisions. Nous voulions mettre ces sujets de l’avant et les approfondir. Nous voulons que le public ressorte en se sentant informé, mais aussi avec un peu d’espoir, car l’idée est de nourrir l’imagination. À mon avis, c’est quelque chose que le système capitaliste blanc hétéropatriarcal dans lequel nous vivons combat de toutes ses forces. Quand on vous prive de votre capacité à imaginer de nouveaux horizons et des alternatives, votre volonté de défaire et de reconstruire à neuf est annihilée.
APE
On ne surprendra personne en disant que les politiques mises en place ont un impact très concret sur tout, de la naissance à la famille. Je me demande ce que les espaces que l’on associe à la reproduction, que ce soit la grossesse, la naissance ou tout autre stade du cycle reproductif révèlent à propos de ces structures cachées.
JRB
La première chose qui vient à l’esprit est le marathon de programmation du mouvement « Make the Breast Pump Not Suck », quand, en 2014, une équipe du MIT s’est intéressée à un objet en particulier pour s’apercevoir que l’étude de cet objet qu’est le tire-lait n’était qu’un aspect des choses, qu’il fallait aller plus loin pour comprendre les systèmes et le contexte, toujours. Leur marathon suivant, en 2018, a porté sur le congé payé pour raisons familiales ou parentales. Pour ce qui est des espaces, on peut aussi penser à la cabine d’allaitement Mamava, et à comment un seul objet, ou l’acte de nourrir ou d’allaiter, peut avoir des implications dans de nombreux systèmes spatiaux différents. Par exemple, selon la loi, l’allaitement doit faire l’objet d’accommodements en milieu de travail, mais bien souvent, aucun lieu adéquat n’est prévu.
MMF
En termes d’espace, également, plusieurs autres exemples méritent d’être soulignés. Dans les années 1950 sur la côte Ouest, on a construit une série d’hôpitaux appelés « hôpitaux de rêve », qui font partie de ce qui est devenu la chaîne d’hôpitaux Kaiser Permanente. Ces hôpitaux sont nés de la Grande Dépression, lorsque le Dr Sidney R. Garfield a décidé qu’il voulait aider les travailleurs des entreprises industrielles d’Henry J. Kaiser à avoir accès à des soins de santé abordables. Après la guerre, Kaiser et les médecins ont poursuivi leur partenariat pour ouvrir au public les régimes de santé et les hôpitaux de la Seconde Guerre mondiale.

Hôpital Walnut Creek, construit en 1953. Photographie avec l’autorisation de Kaiser Permanente Heritage Resources

MMF
Si vous vous imaginez un œuf au plat, eh bien, la maternité était conçue selon des cercles concentriques. Au milieu se trouvaient la pouponnière et les infirmières. Tout autour, il y avait les chambres de nouvelles mamans, puis un « cercle de service » concentrique par lequel entraient et sortaient les visiteurs. Pour relier le poste des infirmières et la pouponnière aux chambres des mères, on avait aménagé des « tiroirs à bébé », qui ressemblaient à des tiroirs de classeur. L’infirmière s’occupait du bébé dans une pouponnière commune, mais la mère pouvait appuyer sur un bouton dans sa chambre, ce qui allumait une lampe, et l’infirmière passait le bébé par le tiroir dans la chambre, conçue pour favoriser l’allaitement et les liens affectifs. C’était dans les années 1950 et 1960, à une époque où la naissance se déplaçait de la maison à l’hôpital. C’est une période charnière où la majorité des accouchements ont commencé à avoir pour cadre le milieu hospitalier, comme c’est le cas aujourd’hui pour 99 % des gens, alors que 99 % des naissances se faisaient à domicile en 1900.
MMF
C’est aussi un moment dans l’histoire où les gens ont commencé à se rendre compte que le modèle hospitalier et industriel de la médecine, particulièrement en ce qui a trait à la maternité, avait comme corollaire des accouchements très traumatisants et des périodes de dépression post-partum. Parfois, vous étiez complètement assommée par les sédatifs, le bébé était sorti de votre ventre et emporté loin de vous et, à votre réveil plus tard, on vous présentait soudain cet enfant étrange après que vous ayez émergé d’une anesthésie dont vous n’aviez probablement pas si besoin que ça. L’analyse du tiroir à bébé est un exercice du plus grand intérêt pour la compréhension de la spatialisation du service de maternité et de celle, plus largement, des structures sociales de l’époque qui ont délogé les sages-femmes et autres expertes de la naissance (souvent des femmes de couleur) de leur propre expertise au profit d’un modèle masculin blanc à l’hôpital.
APE
Il est choquant de constater avec quelle rapidité les accouchements sont passés de la maison à l’hôpital. Cette tendance a-t-elle toujours cours aujourd’hui? Parce que les naissances à la maison semblent faire un retour, y compris dans le discours dominant.
MMF
L’accouchement à la maison a recommencé à gagner en popularité dans les années 1970 quand certaines femmes ont affirmé qu’elles ne voulaient pas être traitées comme des objets sur le carrousel à bagages du modèle médical. Mais il s’agissait de femmes – et quasi exclusivement de femmes blanches – qui avaient des moyens et le choix. Nous vivons aux États-Unis et c’est un endroit très marqué d’un point de vue socioculturel pour la naissance. Mais dans de nombreux contextes culturels, l’accouchement à la maison est beaucoup plus répandu, que ce soit par choix, ou, à l’inverse, parce que l’accès à l’hôpital n’est pas toujours possible.

Elizabeth Ubbe, Accouchement à la maison dans l’eau, 2020 © Elizabeth Ubbe

MMF
Le cycle de la reproduction humaine est une expérience universelle en ce fait que nous sommes toutes et tous ici par la naissance. Tous les êtres humains vivant et respirant ont cette expérience en commun, même si chaque venue au monde est totalement unique. L’histoire de l’accouchement à domicile a des facettes multiples, en fonction du lieu. Cette option a également été fréquemment combattue par la loi aux États-Unis, en cela qu’il n’est pas profitable pour le système médical américain de permettre aux personnes de donner naissance à la maison.
JRB
Cela dit, accoucher à la maison n’est pas toujours abordable. C’est la personne qui assume les coûts. Pour faire le lien avec les questions de système, une des raisons pour lesquelles c’est aussi cher d’accoucher à la maison repose sur le fait que ces accouchements ne sont pas nécessairement couverts, et qu’ils sont donc intégralement payants.
APE
La naissance à la maison est souvent présentée comme une expérience non médicalisée. Il sera intéressant de voir si, dans l’avenir, une telle solution deviendra plus accessible et moins dispendieuse, parce que moins de médicalisation signifie moins d’infrastructures.

Cela me fait penser à Maggie Keswick Jencks, la conjointe de Charles Jencks…
MMF
Les centres de Maggie! Je suis Écossaise, donc oui.
APE
Vous savez donc sans doute que, tout en combattant le cancer, elle réfléchissait à la meilleure manière d’assurer un confort aux personnes souffrant d’une maladie en phase terminale et à leur famille. Elle défendait l’idée de lieux très spécialisés toujours branchés sur le volet médical d’un hôpital, mais conçus pour les gens atteints de cancer. À la lumière de vos recherches, diriez-vous qu’il est, d’une manière ou d’une autre, préférable d’avoir accès à un lieu spécialisé pour, disons, avoir un bébé? Quels sont les avantages et les inconvénients?
MMF
J’ai passé les dernières semaines de la vie de ma mère, avec elle à l’hôpital, dans un centre-jardin de Maggie, et c’était un lieu vraiment unique. J’ai de très beaux souvenirs d’avoir pu être dans un tel environnement plutôt que dans une unité de soins intensifs, avec elle. Pour répondre à votre question, j’aimerais vous dire quelques mots de l’engagement de Designing Motherhood en faveur d’un nouveau curriculum sur le design. Nous avons travaillé avec des étudiants l’automne passé, et collaborons de nouveau avec des étudiants du programme de design de la UPenn cet automne. Nous avons aussi œuvré en partenariat avec l’extraordinaire artiste Ani Liu, qui a mis sur pied un programme d’été à Columbia autour des questions d’espace, de design, d’architecture et de reproduction. C’était tellement formidable de voir se produire exactement ce que vous évoquez : des concepteurs réfléchissant à des espaces spécialisés qui répondent véritablement aux besoins des gens. Par exemple, si une personne accouche et que l’enfant décède en cours de travail, l’idée de ne pas se trouver à côté de quelqu’un d’autre – même dans une chambre individuelle, fermée, où vous pouvez quand même entendre les vagissements d’autres nouveau-nés –, cela n’a pas de prix. Je pense que beaucoup d’étudiants designers se posent des questions du genre : si je conçois une grande chambre, spacieuse, bien éclairée, avec toute la technologie nécessaire, et qui soit adaptée individuellement aux besoins spécifiques de ce segment démographique de patientes, peu importe le stade de soins de santé reproductive où elles se trouvent, combien cela va-t-il coûter?

C’est une analyse coûts-avantages qui ne touche pas vraiment les contribuables aux É.-U.; la facture est refilée aux patientes par un système médical capitaliste. Le plus pressant aujourd’hui est de changer de politique, qu’il y ait des cadres comme l’accès universel aux soins de santé, avant que nous puissions réellement commencer à avoir une réflexion productive sur de meilleurs espaces et aménagements. Mais comme l’a fait remarquer Zoë, la question du design ne s’arrête pas là; le racisme systémique est toujours une réalité et imprègne tous les systèmes médicaux, peu importe le coût pour l’utilisateur final, et c’est la problématique la plus importante à résoudre. Si nous y parvenons, c’est alors que le design « s’imposera » finalement.
JRB
On nous demande souvent ce qui fait la réussite de ce projet. Pour moi, le fait que ces conversations aient lieu n’est pas, en soi, le vrai succès de Designing Motherhood. Ce succès se mesurera à l’inscription de ces conversations dans la durée. Nous devons nous assurer que ce sujet demeure sur le devant de la scène. Il ne va pas s’évanouir de lui-même. Les gens ne vont pas arrêter d’avoir des enfants ou de faire en sorte de ne pas en avoir, et le cycle de la reproduction humaine ne va nulle part, donc il faut s’assurer que ces histoires continuent à être racontées pour nuancer la réponse que peut apporter le design à ces questions toujours bien présentes.
APE
Il existe tellement de niveaux différents d’inégalité et d’injustice, et je sais également que parler de design dans un tel contexte peut paraître plutôt accessoire dans la discussion. Mais en même temps, c’est pourquoi j’apprécie tant votre travail, parce qu’à travers cette question, vous avez pu agréger toutes les autres questions. Quand on part du design, au lieu de commencer par un type de politique, les gens se disent oui, voici quelque chose que je peux saisir. Il est intéressant de se servir du design comme moyen pour faire participer les gens.
MMF
Je suis toujours captivée par l’imagination des concepteurs, mais peut-être pas juste limitée au design spéculatif ou critique, tel qu’on le désigne depuis une quinzaine d’années. Je suis persuadée qu’un des grands bonheurs avec ce projet est d’avoir réussi, avec une équipe réellement interdisciplinaire, à nous interroger sur la façon dont nous pourrions repenser ce que nous avons déjà et à mener une réflexion très large sur le design, à traiter cette conjecture comme une question de vie ou de mort (ce qu’elle est) et pas seulement sous une forme qui n’engendre finalement qu’un artéfact, mais qui touche très concrètement la vie des gens.
ZG
L’une de nos conseillères communautaires a visité notre exposition au Mütter Museum à Philadelphie, et elle a dit qu’elle se retrouvait dans certains des concepts présentés, que cela l’a aidée à enrichir sa connaissance de son propre bagage culturel et du travail qu’elle faisait. Quelque chose d’aussi simple qu’un tire-lait ou un spéculum peut assurément incarner des moments horribles dans l’histoire et dans d’autres cas, des moments magnifiques, quand des gens se sont servis de leur imagination pour porter un regard neuf sur la nature même de l’avenir.

Partenaire de réflexion de Designing Motherhood, l’organisme de Philadelphie Maternity Care Coalition envisage un avenir équitable, ancré dans la justice raciale et sociale, où les familles sont en santé et connectées, tous les enfants épanouis et prêts à apprendre. La MCC se penche sur ces questions difficiles et primordiales depuis maintenant quarante ans, combattant la montée de la mortalité maternelle et luttant pour que les familles – les femmes, en particulier – puissent avoir accès à des soins culturellement appropriés.

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