Réinitialiser le social

Que ce soit ou non immédiatement apparent, l’environnement bâti et l’architecture incarnent et sous-tendent un ensemble de valeurs – un ensemble de valeurs qui reflète celles qui sont portées par la société . Si l’architecture et la société changent et évoluent, elles ne se transforment pas au même rythme, faisant en sorte que la vie contemporaine ne correspond souvent pas aux espaces qu’elle occupe. Ce dossier s’intéresse à ce défaut d’alignement comme source d’intervention potentielle et aux manières par lesquelles l’écart entre l’architecture et la société peut être réduit, ou même comblé.

Ce dossier web s’inscrit dans le cadre de Ressaisir la vie, la recherche menée sur une année par le CCA.

Article 16 de 22

Un espace pour la fertilité

Hilary Sample explore les connexions entre la maison et la clinique

© Hilary Sample

Cette carte réinvente la forme et la vie d’une ville à travers tout ce qui a trait à l’infertilité et à la fertilité, des tests et des traitements, au maintien de la vie sociale. Comme la société considère toujours les problèmes de fertilité comme des questions privées, la sensibilisation ne se fait que par le biais de ceux qui les vivent ou les ont vécus. Les traitements entrepris dans les institutions que sont les hôpitaux et les cliniques spécialisées, ou dans l’intimité des foyers, restent privés, ce qui rend la démarche de traitement secrète, éventuellement taboue, et incomprise. Afin d’éliminer la stigmatisation et de sensibiliser ceux qui n’ont pas le privilège de bénéficier de tels services, cette carte se veut détaillée mais non exhaustive. Il y a plus de services, plus de connexions sociales qui doivent être reconnus, plus de soutien à apporter aux questions sensibles de l’infertilité et de la fertilité. Cette carte met en évidence non seulement le patient mais aussi le personnel soignant, notamment les infirmiers, les infirmiers praticiens et les aides-soignants, qui sont les architectes de notre santé publique collective. Elle illustre les divers aspects des traitements de l’infertilité et des maladies qui y sont associées, et reconnaît les questions de santé liées à la mise à disposition de logements sains.

Les cliniques de fertilité offrent une multitude de services tels que les tests et dépistages de la grossesse précoce, de la viabilité des ovules, des niveaux hormonaux, de la puissance des spermatozoïdes et des maladies génétiques. De plus, des services ciblant les donneurs, le prélèvement et la conservation des ovules y sont fournis pour les jeunes femmes et pour celles qui souhaitent préserver leurs ovules avant de subir un traitement nécessaire qui risquerait de les détruire. Les cliniques de fertilité sont des espaces transactionnels – des espaces dans lesquels de l’argent s’échange contre des services qui affectent la santé et la vie d’une personne.

Si la clinique de fertilité exige de ses clientes qu’elles s’engagent à fournir éventuellement des efforts durant des années pour aboutir à une grossesse, une fois celle-ci « obtenue », le corps reproducteur fréquente la clinique pendant huit semaines, après quoi le corps enceint ne se rend plus à la clinique et retourne chez son médecin obstétricien-gynécologue. Les cliniques de fertilité proposent des traitements ambulatoires de courte durée et ne requièrent pas d’hospitalisation pour la nuit. La clinique a par nature un taux élevé de rotation de la clientèle, qui n’a généralement besoin de ses services que pour quelques mois, par opposition à toute une vie passée avec un médecin de famille, par exemple. Il s’ensuit que les cliniques de fertilité se concentrent moins sur la création et l’entretien d’espaces de confort, car leur objectif est d’avoir des relations de longue durée avec leur clientèle plutôt que des relations à long terme. L’accent est mis sur le service plutôt que sur le confort.

Il semble que, dans le domaine de la fertilité, l’espace réservé aux services de la clinique est conçu sans être défini, au point de constituer son propre bâtiment ou même son propre type formel. Le mot « fertilité » est un descriptif, un prédicat qualifiant le nom « clinique ». Comme son titre, la clinique de fertilité existe en tant que forme hybride, elle n’est pas son propre bâtiment, elle n’apparaît pas comme distincte de la série d’autres types qui comprend le bureau et le laboratoire. L’identité de la clinique de fertilité se reconnaît souvent grâce à un panneau situé à l’extérieur et à des indications fournies à l’intérieur. Un client peut y accéder en passant par un stationnement et un hall d’immeuble ou bien par un hall d’immeuble et un ascenseur. La clinique dispose généralement d’un comptoir d’enregistrement et d’un agent de sécurité. La plupart du temps, les clients y trouveront aussi une salle de bains et une fontaine à eau. Un distributeur automatique de bonbons et de chocolats complète l’équipement de la clinique, tout comme quelques grandes plantes nécessitant peu d’eau pour survivre. Quelle que soit l’organisation du bâtiment, les visiteurs s’y rendent avec l’espoir de rencontrer d’autres personnes qui les aideront dans les prochaines étapes de leurs soins de santé – en sachant qu’ils ne sont pas seuls.

Si la notion de fertilité a donné lieu à la solution contemporaine de la clinique de fertilité, la fertilité n’est pas et n’a jamais été un enjeu de quête singulière à mener dans la solitude. En fait, un examen de la fertilité à travers les cultures et dans l’histoire révèle qu’elle est rarement comprise comme un sujet autonome et n’est pas pensée en fonction d’une relation exclusive avec le corps humain. Il existe d’innombrables divinités dédiées à la fertilité, et de nombreuses cultures et religions en consacrent plus d’une à ce sujet. Dans presque tous les cas, les divinités responsables de la fertilité sont aussi intimement liées à un large éventail d’autres sujets et thèmes : de la nature et l’agriculture aux céréales et au maïs, en passant par les animaux, l’amour, la vie et la mort, le vent et l’eau, le chocolat et les arcs-en-ciel, la beauté et la puissance sexuelle, l’art, la guérison, la connaissance et la sagesse. En d’autres termes, la fertilité est une question de connexion avec les éléments et le monde, et elle est, par nature, étroitement reliée à quelque chose de plus grand qui se situe au-delà du corps reproducteur individuel. Cependant, la tendance actuelle des traitements de la fertilité déplace toutes ces choses en ramenant les soins du corps reproducteur au domaine domestique, à la maison, et aux soins de soi par soi en privé. Des milliers de personnes souffrent en silence, car la société n’accepte pas ouvertement les révélations ou les discussions sur les fausses couches et l’infertilité. Les traitements de fertilité tendent de plus en plus à ne pas nécessiter d’espace de soutien en dehors de la maison, ramenant une fois de plus l’histoire d’un corps reproducteur déficient à l’isolement dans l’intimité de la maison, et de nouveau à la solitude à l’écart d’un corps social plus large. Par conséquent, la question de savoir quand et où la fertilité devrait croiser le public se révèle un enjeu crucial de notre époque.

Bien que la clinique prenne surtout en charge les soins essentiels à prodiguer aux personnes désireuses de concevoir un enfant, elle est aussi une représentation des positions respectives des corps naturellement reproducteurs et des corps reproducteurs déficients au sein de la société. La possibilité de recevoir des traitements et des soins pour l’infertilité se limite déjà aux personnes qui disposent du temps et de l’argent nécessaires pour modifier leur condition dans l’espoir d’aboutir à une grossesse et de donner naissance à un enfant. Cela représente un grand défi pour ce type de clinique, car elle est inclusive pour certains et exclusive pour d’autres. Cette réalité fait de la clinique une catégorie problématique, car elle ne s’offre pas comme un espace accessible à tout le monde. La question de savoir s’il est même opportun d’avoir une clinique dédiée à ce problème doit être examinée. En propageant la clinique, cela implique-t-il que seules les personnes privilégiées – ayant le temps et l’argent – sont dignes de recevoir des traitements de fertilité tout comme celles qui, selon une vision plus cynique, sont jugées dignes de se reproduire? D’après la façon dont la société construit et utilise la clinique de fertilité, il semble que oui.

Pourquoi faut-il concevoir le bâtiment indépendant ou l’espace physique spécialement dédié aux traitements de fertilité en dehors du cadre hospitalier? Pourquoi la clinique de fertilité existe-t-elle trop souvent comme un silo? Et pourquoi la seule autre solution serait-elle de recevoir ces traitements à domicile? La réponse à toutes ces questions réside en partie dans la tendance persistante de la société à fonctionner selon l’adage ancien et dépassé intimant aux femmes de souffrir en silence et dont l’évolution contemporaine a donné lieu à une perception qui enjoint aux corps en mal de reproduction de souffrir en silence. L’intégration de la clinique de fertilité à une autre infrastructure plus grande nécessiterait, en théorie, moins de frais d’entretien tout en reflétant les besoins de ses utilisateurs, créant ainsi la possibilité de fournir une gamme de services complémentaires allant de l’aide à la santé mentale aux stratégies pour gérer le stress physique généré par les traitements. Ce modèle pourrait également servir à rendre les traitements accessibles à un plus grand nombre de personnes et à renforcer chez leurs bénéficiaires leur sentiment d’appartenance à la société. Il permettrait aussi de soutenir l’ensemble du développement de la grossesse, y compris durant la phase qui suit immédiatement la naissance, où l’on est généralement livrée à soi-même pour élever un enfant – du moins aux États-Unis. Et pourtant, le fait d’intégrer les services à un environnement complexe, corporatif et froid ne réduirait probablement ni le stress ni le risque d’attraper d’autres maux tels que des maladies contagieuses. Cela dit, le passage de la clinique vers le domicile comme seule autre alternative de soins privilégie un faible nombre de personnes. Bien qu’il soit difficile de s’opposer au désir de faire face à une crise et à des questions d’ordre privé dans le confort de son domicile, le manque d’interaction non seulement avec des professionnels qualifiés, mais aussi avec d’autres patients est une occasion manquée de bénéficier de compassion et de partage des connaissances. Comment assurer une égalité des soins dès le début de la vie? Le paradoxe est que même lorsque les traitements de fertilité sont entrepris dans l’espace d’une institution, ils affectent le foyer. Malgré les progrès permettant des tests et un suivi à domicile de certains aspects de la fertilité, il semble qu’une séparation complète du traitement de l’institution médicale ne soit pas possible. Ce qui nous amène à suggérer que la clinique de fertilité spécialisée pourrait exister dès lors que s’établit une nouvelle connexion entre les espaces domestiques et les institutions médicales, une nouvelle connexion entre la maison et la clinique.

Ce texte a été écrit par Hilary Sample pour notre prochaine publication Une portion du présent. Il est publié ici dans le cadre de notre projet Ressaisir la vie.

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