De La Migration

Les contributions réunies dans cette publication explorent les histoires de l’architecture sous l’angle des pratiques féministes de création du savoir. Les histoires architecturales féministes de migration à travers les territoires et les cadres temporels sont un moyen de contrer le discours de fixité si souvent véhiculé dans le récit sur l’environnement bâti. Cette collection de textes, dessins, et films est dirigé par Anooradha Iyer Siddiqi et Rachel Lee.

Article 9 de 11

Tant d’histoires à raconter : les femmes dans la construction de Brasília

Tânia Fontenele découvre les souvenirs de cinquante femmes qui ont vécu lors de la phase initiale de la ville

Aux tous débuts de Brasília, nous n’étions que quelques femmes, mais nous en valions mille. Il n’y a rien que nous n’ayons fait. C’était tout un défi de vivre sans eau ni éclairage, dans une ville en chantier. Mais assister à la naissance de la nouvelle capitale du Brésil valait bien tant de sacrifices. Quel dommage que nous ayons été oubliées…

—Maria Luíza Mendes (2010), arrivée à Brasília en 19591


  1. Témoignage de Maria Luíza Mendes (une sage-femme/cuisinière arrivée à Brasília en 1959), dans Poussière et rouge à lèvres au Plateau Central. 50 femmes au cœur de la construction de Brasília, réalisé par Tânia Fontenele, 2010, 58 min.  

Poussière et rouge à lèvres au Plateau Central. 50 femmes au cœur de la construction de Brasília
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Poeira e Batom no Planalto Central [Poussière et rouge à lèvres au Plateau Central. 50 femmes au cœur de la construction de Brasília], réalisé par Tânia Fontenele (2010). 58 minutes. https://www.youtube.com/watch?v=tnVre1turYw.

De la construction de Brasília, la nouvelle capitale du Brésil, on retient la glorification des réalisations du président Juscelino Kubitschek (JK), des architectes Oscar Niemeyer, Lúcio Costa et Burle Marx, ainsi que des candangos (travailleurs de la construction), tous des hommes. Rarement la participation des femmes à ce moment d’histoire est-elle rappelée ou mentionnée. Notre projet de film documentaire, Poussière et rouge à lèvres, a commencé par l’idée d’interviewer cinquante femmes arrivées dès la fondation de la ville, entre 1956 et 1960, afin de recueillir leurs souvenirs de leur vivant. Ces femmes étaient issues de classes sociales et contextes culturels variés, certaines étant des migrantes en provenance de différentes régions du Brésil, mais aussi d’autres pays (Japon, Syrie, Espagne et Allemagne). Elles exerçaient toute une palette d’activités : blanchisseuses, enseignantes, cuisinières, travailleuses du sexe, ingénieures, sages-femmes, gestionnaires de bureaux de construction et femmes au foyer, entre autres occupations. Elles travaillaient dans des conditions difficiles et vivaient dans des maisons en bois ou des camps improvisés, souvent sans eau ni éclairage. En évoquant les souvenirs de ces pionnières venues pour la construction de Brasília, notre intention est de rompre le silence historiographique entourant la contribution féminine aux premières étapes de la création de la ville. Leurs témoignages aident à dresser un portrait de la vie quotidienne des personnes ayant participé à son édification.

Ce projet a commencé avec de nombreuses questions. Pourquoi, dans les publications sur Brasília, ne parlait-on jamais des femmes? Comment les femmes qui arrivaient en ces « terres lointaines et poussiéreuses » du Plateau central brésilien étaient-elles perçues? À quoi ressemblerait une histoire de Brasília écrite selon le point de vue de ces femmes? Quelles étaient les réalités de la vie au féminin dans une ville en construction? D’où venaient les plus grandes difficultés? Le fait d’« être une femme » dans une cité peuplée en majorité d’hommes venus par milliers œuvrer à la construction de la nouvelle capitale avait-il une incidence sur leur quotidien?

L’inconfort et la précarité de la vie dans cette phase initiale de la ville sont des thèmes qui reviennent souvent dans les entretiens. L’architecte Helena Maria Viveiros de Sousa Carvalho, la commerçante Salam Kouzak, l’enseignante Teresinha Carvalho et la blanchisseuse Marta Cintra se remémorent leur arrivée dans la ville libre1 :


  1. Nom donné à la première ville temporaire créée pour accueillir les ouvriers en construction de Brasilia. 

Je suis arrivée en 1958, et il n’y avait quasiment rien dans la ville libre. J’ai vu cette clairière, des petites maisons en bois, énormément de poussière. Ça a été un coup de cœur. Après un voyage en Jeep de Rio à Brasília, nous avons mis 10 jours à nous rendre à destination; nous marchions le long de routes même pas encore construites, il nous fallait souvent couper des arbres au milieu du chemin. Nous avons affronté de nombreux dangers. À notre arrivée à Goiânia, personne ne croyait que nous venions d’aussi loin.

—Helena M.V.S. Carvalho, architecte, 2010

Dans la ville, tout manquait, il n’y avait ni eau, ni éclairage, pratiquement pas d’asphalte; à certains endroits, il y avait une odeur de goudron, et les baraquements NOVACAP étaient tous peints en bleu.

—Teresinha Carvalho, blanchisseuse, 2010

Quiconque dit du mal des débuts de Brasília ne sait pas de quoi il parle, et étale ses préjugés. Il y avait beaucoup de respect et de solidarité, malgré toute cette précarité. Pour moi, je participais à la construction d’un Brésil meilleur, et je n’avais peur de rien.

—Salam Kouzak, commerçante, 2010

Dans la ville libre, tout était très simple : de la poussière rouge partout. Je marchais tranquillement à travers les chantiers. Je ne prêtais pas attention aux blagues, rien du tout! On voyageait en autostop sans crainte, comme si nous faisions partie de la famille des conducteurs. L’époque des débuts de Brasília me manque. Beaucoup d’idéalisme, une utopie que nous aidions à réaliser. Brasília était magnifique au milieu de la poussière de construction. Moderne, différente de tout ce qu’on peut voir au Brésil.

—Marta Cintra, enseignante, 2010

À travers leurs souvenirs, ces femmes racontent la genèse de Brasília à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Elles se souviennent de la vie de tous les jours dans les habitations improvisées sur les terrains occupés par les entreprises de construction ou dans les villes bâties près des chantiers de Brasília. Dans leurs récits, elles emploient des termes qui donnent une bonne idée des réalités de la ville à ses balbutiements : « nouvelle vie », « rêves devenus réalité », « peu de femmes », « poussière », « tout manque », « vide », « la solidarité m’a sauvée », « abnégation », « souffrir ne tue pas », « le courage de réussir », « solitude », « esprit de communion », « espoir », « entraide », « Brasília, capitale des possibles ».

Poussière et rouge à lèvres présente, en cinquante-huit minutes, un regard nouveau et féminin sur l’histoire de la capitale brésilienne. Le film apporte un changement dans notre perception de l’histoire de Brasília en mettant de l’avant les témoignages marquants de femmes sur une époque où tout restait à construire. C’était un temps de poussière et de solidarité, où l’idéalisme a contribué à la construction d’une ville entièrement nouvelle au centre du Brésil.

Entrevues du film Poussière et rouge à lèvres étaient accordées à Tânia Fontenele au Brasília, 2010. Les femmes interrogées dans cet article sont Helena Maria Viveiros de Sousa, Marta Cintra, Salam Kouzak, Maria Luíza Mendes et Teresinha Carvalho.

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