Le bonheur nous trouvera-t-il?

Qu’est-ce qui fait que vous vous sentiez chez vous? Faites-vous confiance à vos voisins? Croyez-vous que la préservation de l’environnement soit de votre ressort? Les évaluations subjectives du bien-être personnel affectent de plus en plus le design à différentes échelles, des spécifications matérielles aux politiques urbaines. Les soins autoadministrés du « selfcare » déplacent les soins administrés pour le bien commun, et le bonheur, autrefois principe sous-jacent du projet social-démocrate de l’après-guerre, devient une marchandise. Naviguant dans le courant qui va du bien-être collectif au bien-être individuel, ce numéro présente une « industrie heureuse » aussi vaste que son évasif sujet. Trouverai-je le bonheur? Le bonheur peut il me trouver? L’architecture soutient-elle ou entrave-t-elle cette quête?

Le titre de ce dossier est un clin d’œil au livre Will Happiness Find Me? de Peter Fischli et David Weiss.

Le bonheur nous trouvera-t-il?

Qu’est-ce qui fait que vous vous sentiez chez vous? Faites-vous confiance à vos voisins? Croyez-vous que la préservation de l’environnement soit de votre ressort? Les évaluations subjectives du bien-être personnel affectent de plus en plus le design à différentes échelles, des spécifications matérielles aux politiques urbaines. Les soins autoadministrés du « selfcare » déplacent les soins administrés pour le bien commun, et le bonheur, autrefois principe sous-jacent du projet social-démocrate de l’après-guerre, devient une marchandise. Naviguant dans le courant qui va du bien-être collectif au bien-être individuel, ce numéro présente une « industrie heureuse » aussi vaste que son évasif sujet. Trouverai-je le bonheur? Le bonheur peut il me trouver? L’architecture soutient-elle ou entrave-t-elle cette quête?

Le titre de ce dossier est un clin d’œil au livre Will Happiness Find Me? de Peter Fischli et David Weiss.

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Qu’est-ce que l’émotion aujourd’hui?

William Davies sur le ressenti contemporain

Au fil du temps, il y a eu plusieurs théories sur les émotions, les sentiments et les passions, mais l’idée que nous avons aujourd’hui des émotions a émergé à la fin du XIXe siècle et est curieusement liée à l’essor de la photographie. La conception des émotions véhiculée dans les travaux de Charles Darwin a été très influente : celui ci étudiait les expressions faciales des animaux à partir de photographies pour tenter d’y déceler les émotions manifestées. Il est difficile d’analyser scientifiquement une expression faciale particulière sans la saisir et la figer, alors d’une certaine manière, l’étude contemporaine des émotions a commencé avec la photographie du visage – et l’analyse faciale est aujourd’hui à la frontière de l’IA émotionnelle.

Nous comprenons donc les émotions à travers une dimension physique. Le philosophe et psychologue américain William James a publié vers 1890 un article intitulé « What is an Emotion? », qui constitue sans doute l’étude la plus connue de l’histoire des émotions. L’auteur y affirme que l’émotion se forme dans le corps puis entre dans l’esprit – elle atteint l’esprit, remarquant comment le corps se sent. Dans la définition de ce qu’est une émotion, cette opposition corps-esprit a toujours existé, tout comme les idées sexistes sur les émotions que cette logique a entraînées. Tout au long de l’histoire, on a affirmé que le corps des femmes influençait leur esprit selon un processus différent de celui vécu par les hommes. C’est l’une des raisons pour lesquelles on a dénigré les émotions au fil des époques, les associant à la féminité et les catégorisant selon une hiérarchie patriarcale.

Il est aujourd’hui utile de reconnaître que le ressenti possède deux sens différents – l’un mental et l’autre physique. D’une part, nous assimilons le ressenti à l’émotion (je me sens triste ou heureux), mais au sens strict de quelque chose qui émerge en nous d’une certaine façon. L’émotion n’est pas un phénomène purement mental, il véhicule de l’information importante. Voici ce qu’ont écrit à ce sujet des gens comme Martha Nussbaum, professeure et philosophe américaine de droit et d’éthique : les émotions nous procurent des renseignements essentiels sur le monde. Lorsqu’on a peur d’une situation ou qu’on ressent de l’amour, cela constitue une information capitale. Il s’agit de données importantes que nous apprenons à interpréter et à comprendre, et qui nous poussent à agir. C’est ainsi que nous pouvons survivre et prendre soin les uns des autres.

D’autre part, le ressenti se manifeste aussi physiquement, comme lorsque nous percevons comment nous déplacer dans une pièce plongée dans l’obscurité. Nous nous servons de notre ressenti pour appréhender le monde : nous sentons les objets – nous percevons la chaleur, le froid, la voie à suivre. Le ressenti procède donc clairement d’une dimension physique, inséparable de la connaissance et de l’esprit.

Mais il s’agit de savoir en quoi ce que nous appelons ressenti diffère de ce que nous nommons des faits? Une différence clé tient à ce que le ressenti a lieu en temps réel, car il nous sert dans des situations qui exigent une évaluation immédiate. Nous avons besoin de réponses : où nous trouvons-nous, sommes-nous en sécurité, de quoi s’agit-il, que se passe-t-il en ce moment? Une fois de plus, l’essor de la technologie numérique, qui nous fournit un flot constant de données, des nouvelles en tout temps, nous transforme en créatures dotées de ressenti qui s’attendent à recevoir sans cesse des données. Nous n’imaginons pas être complètement hors de portée et ensuite recevoir l’article d’un journaliste, ainsi que la sphère publique a reçu ses nouvelles pendant des siècles. Les gens mènent leur vie et de temps en temps, un professionnel, un journaliste, un expert, un reporter ou quelqu’un dont le travail consiste à nous informer sur le monde nous transmet une kyrielle de faits. Et il faut un certain temps pour assembler des faits : il faut colliger des bribes de données et les analyser, les interpréter et vérifier s’il s’agit d’informations véridiques ou fausses, puis il faut en faire rapport. Il s’agit forcément d’une façon de connaître le monde après coup. On transmet toujours ce qui est passé : « Ces choses ont eu lieu, elles constituent maintenant des faits. »

Maintenant, nous voulons être informés au fur et à mesure que les choses se produisent. Ce qui pose problème, c’est d’abord qu’il devient difficile d’obtenir un point de vue objectif sur le monde ou de s’entendre sur des faits – phénomène souvent appelé postvérité. En outre, cette situation génère une certaine anxiété car, si le ressenti (au sens émotionnel ou au sens de percevoir comment circuler dans une pièce) donne la sensibilité de ce qui se passe maintenant, il ne procure aucune certitude sur la portée réelle d’une question ou de récits complets. Le cerveau possède de toute évidence la capacité de mémoriser et de traiter les données puis de les rappeler, de produire un point de vue, etc., mais nous avons privilégié une forme de connectivité en temps réel qui rend difficile l’apparition de sentiments de sécurité, de confort et de cognition. Alors on se retrouve dans un état de nervosité qui résulte d’un environnement médiatique qui élève nos niveaux d’émotion et de ressenti plus que nos niveaux de savoir.

Cet extrait est tiré d’une entrevue avec William Davies par Francesco Garutti. L’entrevue complète sera publiée dans un livre accompagnant l’exposition à venir Nos jours heureux.

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