Avec et au sein de

Tout site architectural est défini aujourd’hui par une conjonction de forces - économiques, politiques, environnementales - qu’une forme d’expertise unique et professionnalisée, comme l’architecture, ne peut déchiffrer à elle seule. Que ce soit dans les plus grandes villes ou dans les villages les plus reculés, le terme « bâtir » finit par être moins révélateur d’un processus de création que d’une coordination minutieuse d’influences contradictoires : une chorégraphie complexe. Ce dossier se penche sur la signification pour l’architecte d’opérer au sein d’un réseau enchevêtré d’acteurs et d’assumer une place plus modeste dans une riche écologie de pratiques.

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Une pratique indisciplinaire

Julian Schubert, Elena Schütz et Leonard Streich de Something Fantastic en conversation avec Francesco Garutti

Rénovation d’un appartement dans l’édifice Bonjour Tristesse d’Álvaro Siza, Berlin. L’appartement fait office d’espace pour les invités.

FG
Réfléchir au contexte actuel signifie plus que jamais se pencher sur un éventail étendu d’acteurs et d’organismes parties prenantes au processus de création architecturale. Cela suppose, je crois, de sonder l’écologie de la notion contemporaine de pratique – les gens, les outils, les politiques, les économies, les moments et les échelles avec lesquels l’architecte interagit, mais également la position qu’occupe ce dernier dans ce système élargi. À situations différentes, formes de pratique différentes.

Vous avez toujours travaillé de manière interdisciplinaire : entre la conception d’identités, la recherche, la réalisation de livres, la pratique architecturale et l’intervention curatoriale. Et tout a commencé avec l’ouverture de votre agence et la publication d’un énoncé annonçant vos intentions et qui se lisait comme suit : « Qu’est-ce qui est pertinent aujourd’hui? Comment pouvons-nous être pertinents dans le débat sur la création d’espace? »
LS
Ce qui nous stimulait, au-delà de notre propre pertinence en tant qu’architectes à ce moment précis en 2009, c’était cette fluidification de la notion d’importance des choses et la possibilité de remise en question du statu quo dans un contexte de crise financière. Les entreprises, les agences et les institutions étaient évaluées selon leur bien-fondé systémique. Soudain est apparu un sentiment que ce qui était d’ordinaire intouchable devenait modifiable, voire superflu.
LS
Cela me fait penser à une couverture de la revue Domus – dirigée par Joseph Grima à l’époque – que nous avons conçue et qui malheureusement n’a pas été imprimée. On n’y voyait qu’une simple phrase, qui disait : Longue vie à la crise, et qui avait en l’espèce une connotation positive. C’est comme si, rendu là, tout le monde avait compris qu’« avant », avant la crise financière, n’avait été qu’un épisode absurde dans l’histoire et que nous ne pouvions décemment pas continuer dans cette voie, avec une croissance sans fin, l’exploitation des ressources naturelles et des personnes, des bâtiments toujours plus grands, des automobiles toujours plus rapides, etc. L’état de crise comme situation qui vous fait appréhender l’ensemble des ressources de manière réfléchie et consciente nous semblait une approche allant de soi. Ayant grandi dans les années 1980 avec des parents investis dans le mouvement pour la protection de l’environnement, c’est un discours qui nous avait suivis depuis l’enfance. Nous avons senti que les choses s’ouvraient, et qu’il y avait un espace pour réinventer – au moins pour nous-mêmes – notre contribution à un monde meilleur, en faisant de l’architecture, en mettant à profit les outils qui nous avaient été enseignés, le savoir que nous avions acquis et les idées que nous avions développées durant nos études en architecture.

Présentation de la collection SS14 de Perret Schaad à la Neue Nationalgalerie Berlin, 2013

FG
Et il est intéressant qu’aujourd’hui – crise après crise, de 2008 à 2021 – nous puissions en fait revenir à la signification du mot « pertinence » dans une optique différente. À une époque où les logiques financières ont littéralement annihilé tout potentiel d’influence pour les architectes dans la transformation de l’espace, ne leur laissant bien souvent que le seul rôle de saupoudrer les aménagements immobiliers d’un semblant de stratégies de bien-être et d’écologie qui sont paradoxalement non viables, il paraît indispensable de réfléchir à la nature de la pertinence de l’architecte. Quel est votre point de vue à ce sujet?
LS
Pour moi, une des conséquences très pratiques de tout ça a été notre choix d’explorer trois directions en même temps, en faisant nos premiers pas dans l’enseignement – dans des cours et programmes d’architecture –, dans la conception graphique – le plus souvent pour d’autres – et dans des projets architecturaux ou, disons plutôt, spatiaux. Cette diversification fait partie de notre pratique depuis, et elle nous permet de travailler à la fois au sein du système et à l’extérieur. Pour pouvoir influer sur le système, il faut faire partie du système, comme le dit Freek Persyn. Le risque est d’en arriver à se confondre avec le système que l’on voulait changer, chose qu’à notre avis, nous réussissons assez bien à éviter, même si nous n’avons plus le statut de « jeune pratique ».
FG
En oscillant constamment entre différentes approches de la création d’espaces, vous finissez par définir un positionnement d’une intéressante ambiguïté. Par exemple, dans votre présentation concernant le projet Disillusioned Office – une rénovation de bureaux pour l’association de l’industrie du numérique Bitkom à Berlin (2016, en cours) –, vous mentionnez prendre autant en considération les interventions procédurales que les produits eux-mêmes. Je pense aussi à votre concept pour le défilé de mode Perret Schaad en 2014, où votre intervention spatiale a consisté à sélectionner un lieu pour l’événement et à définir son fonctionnement et les procédures inhérentes, plutôt que de le créer.
JS
Dans un cas comme dans l’autre, nous avons tenté d’éviter de bâtir véritablement quelque chose, simplement parce qu’il nous semblait y avoir mieux à faire pour résoudre les problèmes ou satisfaire les besoins de nos clients. Ça peut sembler logique, mais il est plutôt rare que les architectes ne proposent pas un bâtiment ou une construction quelconque. Notamment parce que c’est ce qui leur est généralement demandé. Dans ces deux exemples, c’est à nous qu’a incombé la responsabilité de savoir s’il fallait bâtir, et quoi. Pour Bitkom, au lieu de concevoir un intérieur pour un nouvel espace de bureaux, nous avons mis l’accent sur les interventions organisationnelles et la redéfinition des politiques, ce qui s’est traduit par des actions spatiales comparativement minimes. Pour Perret Schaad, plutôt que d’inventer un décor de défilé, nous avons proposé d’utiliser un lieu existant.

Un défilé de mode dure 10 minutes, et nous avions bien en tête l’horreur qu’est la montagne de déchets généralement produits par un événement éphémère comme celui-là : nous cherchions des moyens de faire autrement. C’est pourquoi nous en sommes venus à chercher un espace qui répondait déjà aux critères de cadre idéal pour un défilé, et nous l’avons trouvé avec la Neue Nationalgalerie de Mies van der Rohe. À partir de là, nous avons élaboré un concept de défilé informel, le moins invasif possible : les 25 modèles ont acheté des billets pour visiter le musée, sont entrés dans l’exposition présentée durant les heures d’ouverture et ont marché le long des façades en verre, respectant ainsi en tous points les règlements du musée, alors que le public invité regardait de l’extérieur. En ce sens, c’était aussi un commentaire à propos de cette ridicule culture du premier rang, parce que nous n’avions qu’une seule rangée, et quiconque passait là par hasard aurait eu la même perspective que les invités de marque.
FG
Votre approche était véritablement d’ordre muséologique.
ES
Effectivement. Quoique l’on puisse aussi la qualifier simplement de planification. Prenons l’exemple du défilé Perret Schaad : nous n’avons certes pas conçu l’espace, mais nous avons déterminé tout ce qui gravitait autour. Plutôt que de décider de formes, de proportions et de matériaux, il s’agit d’élaborer une stratégie, un horaire, une chorégraphie. Comme en architecture « traditionnelle », il faut dessiner une image de ce que cela pourrait donner et convaincre les gens que non seulement ça va fonctionner, mais que l’effet visuel et l’ambiance seront aussi au rendez-vous.

Dans ce cas précis, la partie la plus importante de notre travail a consisté à convaincre les stylistes de prendre un risque, de se servir d’un espace public sans avoir pu s’assurer que c’était permis, d’être prêts à toutes éventualités et réactions et, jusqu’à un certain point, de s’éloigner des façons de faire habituelles. Pendant le défilé, par exemple, il n’y avait pas de musique. Si vous avez déjà assisté à ce genre d’événement, c’est dur à imaginer. Ce qui nous a facilité la tâche, c’est que notre budget était très limité. Donc, les clients n’avaient guère d’autres choix que de nous suivre dans ce territoire inconnu, une dynamique un peu semblable à la crise comme moteur de changement.

FG
Parmi vos réalisations, vous avez récemment « utilisé » une autre réalisation marquante dans l’histoire de l’architecture, l’édifice Bonjour Tristesse d’Álvaro Siza et vous en avez « pris soin ».
LS
Le bâtiment est célèbre à Berlin pour le graffiti qui l’orne depuis plus de trente ans, ainsi que pour la forme légèrement incurvée de son toit. Ce que la plupart des gens ignorent, c’est qu’il possède une très vaste terrasse sur le toit, laquelle, grâce au mur courbe qui l’entoure, bénéficie d’une ambiance intime, un peu à la manière d’une cour. Elle nous rappelle l’appartement-terrasse Beistegui de Le Corbusier, à Paris, détruit, mais néanmoins légendaire, avec son atmosphère extérieure-intérieure. Le propriétaire du bâtiment Bonjour Tristesse nous a demandé de concevoir une buvette sur le toit, ainsi qu’un des appartements dans l’immeuble.
JS
Au départ, en fait, nous n’avions pas la commande de redessiner le toit ni un appartement, nous devions simplement concevoir l’installation d’une cage d’escalier. Mais quand nous nous sommes aperçus que le propriétaire, dans ses efforts pour rendre le toit accessible à nouveau (il avait été fermé dans les années 1980 pour des risques liés à la sécurité), se retrouvait finalement avec une décoration de terrasse des plus conventionnelles, nous sommes intervenus. Nous avons proposé de concrétiser tout ce que le propriétaire voulait qu’il se passe sur ce toit – danser, boire, se rassembler – sans remettre en cause la nature ouverte des lieux. Une partie de l’entente avec le propriétaire reposait sur l’idée de « prendre soin » du toit plutôt de le redessiner. Notre approche du projet a donc été de nous poser la question : « que ferions-nous si c’était notre toit? » Et c’est cette question qui a orienté notre travail : nous avons limité l’utilisation de ressources – en temps, comme en argent – au minimum, et nous n’avons pas demandé de rétribution, mais nous pouvons nous servir du toit comme si c’était le nôtre. Même chose avec l’appartement. Le propriétaire ne l’utilise pas très souvent, donc c’est aussi notre appartement d’invités, maintenant. À long terme, nous aimerions en faire une résidence pour personnes venant à Berlin travailler sur des projets culturels et techniques. C’est également ce que nous essayons de faire actuellement avec le toit, imaginer un espace événementiel et de performances avec un groupe de jeunes commissaires, pour décloisonner les limites institutionnelles et les bulles sociales.
FG
Au cours des trente dernières années, le marché immobilier à Berlin a changé du tout au tout, du foisonnement de possibilités de logement des années 1990 à l’environnement spéculatif que nous connaissons aujourd’hui. Mais, dans les dix dernières années, les projets de cohabitation menés par des architectes ont fait leur apparition avec le concept du Baugruppen, dans lequel l’architecte agit comme promoteur. Qu’est-ce que cela signifie exactement et en quoi ce phénomène nouveau a-t-il influé sur votre approche de la pratique?
LS
Nous voyons un grand potentiel dans les modes alternatifs de création, de financement et de gestion de bâtiments voués au logement. Pas uniquement pour les résidents pris individuellement, ou encore pour la qualité de l’architecture (même si on peut y voir de bonnes raisons pour leur succès), mais aussi pour la manière dont la ville se développe à long terme. Nous avons engagé une initiative baptisée Stadthausbauverein, axée sur la réalisation d’un type de bâtiment qui, nous le pensons, serait bénéfique pour un développement urbain plus diversifié, inclusif et donc, plus durable. La caractéristique principale est une différence clairement exprimée entre l’avant et l’arrière du bâtiment et, en parallèle, une structure interne séparant les espaces collectifs et privés. La façade, donnant sur la rue, est le côté vibrant, public, social, et l’arrière, dans l’esprit de l’immeuble berlinois typique ouvrant sur le jardin, est le côté calme, privé. Le bâtiment devient un intermédiaire, permettant finalement « le meilleur des deux mondes », se rapprocher sans se heurter.
FG
Quels sont les autres projets sur lesquels vous travaillez qui visent à repenser et concevoir de nouvelles logiques ou relations entre les différents acteurs du système de construction?
ES
Il y a deux aspects de notre travail qui nous passionnent tout particulièrement en ce moment. Le premier est l’action politique ou, pour le formuler de manière plus générale, tout ce qui n’est pas construction physique, mais qui a un grand, si ce n’est plus important, impact sur notre environnement et la nature de nos interactions avec lui. Il y a un lien direct avec 2008 et la façon dont notre perception des choses durant la crise a changé le monde plus que n’importe quoi d’autre. Je crois que ça peut s’avérer très puissant, rapide et efficace. Et je pense aussi qu’il y a là-dedans plus de place pour les compétences relatives au design et à l’architecture qu’on ne pourrait le croire.

L’autre est de trouver des moyens d’être parties prenantes aux projets très tôt dans le processus, plus tôt que ne le seraient d’ordinaire les architectes. Que ce soit en les élaborant conjointement avec un client, en contribuant à structurer le programme, l’orientation, les objectifs à court, moyen et long terme, ou encore en devenant porteurs, promoteurs de nos propres projets, en fixant nous-mêmes les paramètres.

C’est plus complexe et moins avantageux que l’on peut le penser. Cela implique travailler sur un projet sans être payé et en ignorant si l’investissement sera un jour rentable, parler à des gens qui n’attendent pas nécessairement après vous et vos idées. C’est ce que nous faisons maintenant depuis cinq ans avec la Constellations House, un type de bâtiment qui, en raison des liaisons flexibles entre les différentes pièces de chaque unité, est suffisamment ouvert et polyvalent pour s’adapter à des constellations variées d’utilisateurs en son sein. Ces logements répondent aux demandes de familles dont les besoins en espace évoluent au fil des années, mais aussi aux personnes ayant des besoins particuliers, à des ensembles de groupes ou gens vivant ensemble sur une période plus ou moins longue. Le concept est ancré dans l’idée que vivre en collectivité ne fonctionne pas sans un certain degré d’intimité, et dans la volonté d’allier efficacement confort et qualité de vie.

L’efficacité, dans ce cas, est ce qui fait que le projet est viable. On peut bien construire plus « écolo », mais si toutes les pièces d’une habitation ne sont pas utilisées, le résultat n’en sera pas plus durable pour autant (connu sous le nom d’effet boomerang). Nous croyons fermement en ce concept et aimerions le voir sortir de terre pour être habité d’ici quelques années.

Ludwig Engel, Stefan Carsten, Something Fantastic, Über das Arbeiten heute, 2016

FG
Comment vous y prenez-vous pour intégrer un projet en amont de ce qui se fait d’habitude? À quel projet avez-vous réussi à appliquer ce type de stratégie?
LS
La rénovation des bureaux de l’association numérique Bitkom à Berlin pourrait être un bon exemple. Nous nous sommes permis de remettre fondamentalement en question le programme, puis d’arriver avec une proposition d’intervention physique beaucoup plus modeste que ce que le client avait initialement en tête.

Au départ, nous avons été saisis, puis fascinés, par l’aspect tellement « normal » de leurs installations. D’où l’idée de traiter les bureaux de Bitkom comme un prototype avec lequel approfondir ce que sont les espaces de travail aujourd’hui. Démarrer le projet par une étude générale a également présenté un avantage indéniable : nous avons pu ainsi avoir une perspective beaucoup plus large non seulement sur les besoins en espace du client, mais aussi sur les habitudes de travail, ce qui nous a amenés à proposer – d’abord, de façon très large, puis plus concrètement – différentes stratégies et solutions pour organiser et structurer leur mode de fonctionnement. Ce n’est qu’à ce moment que nous avons commencé à réfléchir à la manière de refléter ça dans un environnement de travail. Je crois que cela a aidé le client à se montrer plus ouvert, et nous à le convaincre, par exemple, qu’il n’y avait nul besoin de déménager, qu’il pouvait obtenir tous les résultats recherchés dans les espaces existants. Nous avons notamment carrément présenté une carte montrant tous les centres d’entraînement physique dans le voisinage pour soutenir qu’en avoir un dans les bureaux était parfaitement superflu.

JS
Le but était de faire aussi peu de changements que possible et d’éviter de « redécorer » l’espace tout entier pour coller à l’image que l’organisme voulait projeter, tout cela pour remplacer finalement le tout dans cinq ans par une version au goût du jour, plus contemporaine. Nous voulions rompre ce cycle. Cet objectif était pour nous d’autant plus crucial que nous étions conscients que cet espace à bureaux était un parmi tant d’autres et qu’il pouvait servir d’exemple pour de nombreuses autres entreprises dans de nombreux autres espaces. Une des grandes questions qu’il nous faut résoudre, pas juste comme architectes, mais en général, est quel est le meilleur usage que l’on peut faire de ce qui existe déjà.

Et donc, après avoir mené à bien l’étude organisationnelle Über das Arbeiten [À propos du travail] pour Bitkom, nous avons traduit notre concept en aménagement d’espace visant à limiter au maximum le renouvellement des matériaux dans le processus, tout en améliorant les méthodes de travail qui se mettraient en place au sein des bureaux. En créant des balises claires délimitant l’espace de bureaux, à l’aide de traitements des surfaces et matériaux très différents, nous avons créé un contexte désacralisant le lieu de travail pour le ramener à ce qu’il est vraiment : une structure intégrée pragmatique avec papier peint à copeaux de bois, faux-plafond et tapis.
FG
J’aimerais pousser plus loin la discussion sur cette idée de contribution spatiale basée sur un concept inhérent – pas juste superficiel – de durabilité. Votre capacité de radicalité est toujours nourrie par l’intention de vous attaquer aux composantes structurelles d’un projet. L’exemple de votre intervention au pavillon de l’Allemagne à la Biennale de Venise en 2016 s’inscrit dans cette démarche.
ES
Avec notre proposition de simples ouvertures supplémentaires dans les murs du pavillon, nous souhaitions exprimer les dimensions d’accessibilité et d’inclusion que l’on trouve dans les quartiers de Du village à la ville, comme les analyse Doug Saunders, l’auteur : des quartiers jouant le rôle de vecteurs ou de catalyseurs pour les nouveaux arrivants qui s’installent avec succès dans un nouvel environnement, qui donnent aux immigrants la possibilité de s’intégrer tant socialement qu’économiquement.

FG
Assurément. Mais, en un sens, ce projet m’interpelle quant à la façon dont certaines opérations architecturales s’insèrent dans un espace à cheval entre l’organisation de la ville et sa conception effective. La formule choisie par votre agence souligne d’une certaine façon tout l’intérêt qu’il y a à explorer les figures des professionnels de l’espace qui prennent une part active aux différents processus liés à la création spatiale – en marge du design : responsables politiques, urbanistes… Déjà lors de Prospect One à la Nouvelle-Orléans (2008), une structure d’exposition conséquente est devenue d’une certaine façon une forme de plan d’urbanisme pour la ville.
LS
Nous aimons faire le va-et-vient dans un espace donné, et je crois que cette oscillation constante est notre manière de « rester sur les rails ». À un certain moment, nous nous sommes mis à qualifier notre démarche de « pratique indisciplinaire », et non pas d’interdisciplinaire; nous ne sommes pas une agence émergente, mais plutôt alternative. Nous ne nous situons pas entre différentes disciplines, la nôtre, c’est l’architecture. Cependant, tout ce que l’on propose n’est pas forcément un bâtiment.
FG
Absolument. À cet égard, l’exemple de la « proposition de fenêtre » par 51N4E dans le contexte du projet Skanderbeg à Tirana soulève d’importantes questions, il me semble. Vous savez combien lourd et complexe a été le processus de négociation avec les propriétaires fonciers et les acteurs privés voisins de la place publique pour pouvoir conserver l’espace de Skanderbeg ouvert, accessible et relié à l’ensemble des grands édifices institutionnels donnant sur la place. Au cours des discussions avec le musée national historique, – dont les fenêtres ouvrent directement sur l’espace ouvert de Skanderbeg, l’une des propositions de 51N4E a été de changer les persiennes et les rideaux des fenêtres du musée dans le but de créer un lien visuel direct entre ce dernier et la place : entre le musée représentant l’histoire du pays et le plus vaste espace public de la capitale de l’Albanie, conçu aujourd’hui pour aider à redéfinir un nouveau sentiment d’identité national.

FG
Comment décririez-vous cette proposition dans ce cas particulier? Un geste architectural? Une proposition curatoriale? Une œuvre d’art? Une suggestion de politique institutionnelle? À mon avis, il y a de plus en plus besoin de gestes radicaux comme ceux-ci, qui sont très simples, mais à même de transformer structurellement les choses.
JS
Oui. Comme vous l’avez dit, ce qui nous intéresse est de résoudre les problèmes de manière structurelle, qu’il s’agisse de politique, d’économie, de modèles économiques ou d’espace. En ce sens, nous avons une optique d’ingénieur assez « classique ».

Il y a un autre projet sur lequel nous travaillons que j’aimerais évoquer pour illustrer ceci : The Architecture Placement Group, en référence à l’Artists Placement Group qui existait en Angleterre dans les années 1960. L’idée était que les artistes soient placés dans des entreprises ou institutions pour y travailler avec les matériaux et ressources de cette organisation. Par exemple, s’il s’agissait d’une entreprise de traitement des métaux, l’artiste pouvait peut-être obtenir des matériaux gratuitement et l’avantage mutuel serait que l’entreprise pourrait ainsi favoriser une recherche totalement libre, une expérimentation ouverte.

Ce qui nous plaît dans cette idée, c’est son caractère très concret et le fait qu’elle traduit directement une réflexion que nous avons menée dernièrement sur la manière dont la transformation longtemps attendue de notre mode d’exploitation et de consommation des ressources peut se concrétiser : le potentiel de la proximité et le danger de la distance. Nous nous trouvons dans une situation où nous savons pertinemment que nous devrions faire une foule de choses différemment et que nos actions ont d’énormes conséquences sur l’environnement, mais il est vraiment très difficile de bien cerner ces choses, de savoir ce qui est réellement pertinent. Un angle d’approche possible, à notre avis, est de réduire la distance qui nous sépare des choses, de (ré-)introduire dans nos habitats, nos villes, des choses qui nous sont liées, qui soutiennent et facilitent nos vies. Il s’agit d’un scénario politico-urbanistique que nous élaborons actuellement, et que nous appelons « urbanisme tout-inclus » : apprendre à connaître comment les choses fonctionnent, les intégrer à nos vies, trouver des moyens de travailler avec elles. Finalement, les rendre plus durables en leur sein même.

Cette entrevue avec Something Fantastic a été réalisée dans le cadre de l’exposition Les choses qui nous entourent : 51N4E et Rural Urban Framework, pour laquelle ils ont conçu le design graphique.

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