Querido Amancio, organisée à l’occasion de notre nouveau fonds Amancio Williams, a donné lieu à une lecture publique de lettres personnelles, au cours de laquelle les participants - Emilio Ambasz, Florencia Álvarez, Giovanna Borasi, Fernando Diez, Kenneth Frampton, Mario Gandelsonas, Juan Herreros, Martin Huberman, Cayetana Mercé, Inés Moisset, Ciro Najle, Ana Rascovsky, Claudio Vekstein et Claudio Williams - ont commenté l’héritage d’Amancio Williams.

Ana Rascovsky a fait part de ce qui suit :


Cher Amancio,

Je regrette que tes archives quittent le pays, ce que tu n’as jamais souhaité si on se fie à ton livre argenté. Mais, c’est la seule option qui vaille. Elles feront au Canada l’objet de soins appropriés. Nous avons l’esprit tranquille.

Je m’occupe également d’un fonds d’archives d’architecture, celui de mon grand-père Alfredo Joselevich. Ma mère, Irene, me l’a donné cette semaine pour que je le révise, puisque nous publierons un livre sur son œuvre. Comme tu le sais, Alfredo fut un de tes contemporains et tout comme ta Casa del Puente (Maison du pont), une de ses œuvres est paradigmatique du mouvement moderne argentin.

Je me demande quelle relation professionnelle vous avez entretenue tous les deux… Vous aviez bien sûr une opinion claire l’un de l’autre. Vous étiez globalement dans le même camp de la discussion sur l’architecture, c’est-à-dire en opposition aux conservateurs et aux nationalistes, mais après, dans la société, que disiez-vous à voix basse ? Vous considériez-vous comme des concurrents ? Ou le fait de ne pas avoir construit te plaçait-il à un autre niveau? Tes archives très convoitées témoignent du changement de valeur que peut connaître une œuvre au fil du temps.

Les archives laissées par Alfredo sont minimes. Elles comptent deux chemises avec les plans de trois ou quatre œuvres. Il ne reste que peu de traces des projets. J’ignore où elles ont abouti, telles sont les vicissitudes de la vie. Bien que ma mère architecte eût pu s’appliquer davantage dans la conservation, elle s’est concentrée sur d’autres héritages architecturaux plus fastidieux à gérer.

Le peu de matériel qui subsiste me donne une idée du contexte. En grattant la surface, j’ai trouvé les « détails scabreux » de l’œuvre. Si on croyait qu’Alfredo était un grand moderne, il suffit de regarder plus attentivement ses plans d’éclairage et ses marbres à la française pour en douter. C’est là que les choses deviennent intéressantes. Personne n’est unidirectionnel, la réalité est bien plus complexe que ce que racontent les histoires, et cette complexité enrichit les personnes.

J’imagine que tes archives renferment des millions de clins d’œil et de nuances qu’on ne peut apprécier dans tes œuvres plus populaires. Nous écoutons toujours tes grands succès, alors qu’en réalité, il y a des millions de thèmes cachés qui surgissent quand on écoute ton œuvre jusqu’à la fin. Et rares sont ceux qui atteignent une telle compréhension.

Le travail de mon grand-père se trouve construit et dispersé aux quatre coins de la ville. Les gens l’utilisent, le regardent, l’apprécient, le consomment. Certaines œuvres se détachent – tels tes parapluies – maintenant à Vicente Lopez – mais une partie de son travail demeure inconnu. Si bien qu’il arrive fréquemment que des personnes qui vivent dans ses œuvres ne sachent pas que l’architecte de leur logement a également signé le grand édifice Comega.

À l’opposé, très peu de tes œuvres ont été construites. Mais ton travail est méticuleusement documenté, détaillé et expliqué dans des plans : c’est une œuvre papier. Au tour maintenant de tes archives; elles sont aussi méticuleusement conservées et entretenues par ta famille. Certains les utilisent et les étudient à partir de la source. Mais la majorité des gens les étudient dans des livres et, surtout, elles ont une vie active dans l’esprit de milliers d’architectes et d’étudiants.

Tels les mythes des grands héros, ton œuvre est glorifiée par un halo imaginaire. Le travail théorique a cet avantage : il ne déçoit jamais, parce qu’il ne se heurte pas à la réalité. Ainsi, pour la majorité des gens, les archives réelles peuvent se trouver dans un sous-sol de Buenos Aires ou dans une bibliothèque élégante d’un pays quelconque; ce qui compte, c’est que dans l’esprit du spectateur, les documents soient bien préservés pour que les universitaires puissent s’y fier.

Il y a plusieurs années, pour obtenir mon diplôme de la faculté, j’ai fait un travail sur l’œuvre de mon grand-père. J’ai visité plusieurs des édifices que personne ne connaît. Je voulais aller à l’essentiel de son œuvre. Dans l’un d’entre eux, une dame m’a accueillie – en tongs – et m’a montré son appartement de 1955. Elle m’a raconté qu’il n’a presque pas nécessité de réparations. La dame, qui avait vécu là toute sa vie, s’est montrée très reconnaissante envers mon grand-père. Elle appréciait grandement la conception de son logement, à un point tel qu’elle n’a jamais voulu déménager. J’en fus émue.

Dans ce cas-ci, le heurt avec la réalité passe le test. L’architecture d’Alfredo est résistante, bien construite et dotée d’une grande élégance.

Je crois que la puissance que vous avez tous deux créée – bien au-delà de vos événements marquants qui arment l’iconoclasme architectural de Buenos Aires – tient de la massivité. Tant pour les gens ordinaires qui vivent dans des édifices nobles, que pour les millions d’étudiants qui se nourrissent de la puissance inspiratrice des idées brutes sans construire.

Bon voyage!

Ana Buenos Aires, 11 mars 2020

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